D’un océan à l’autre

5 mai 2011 | Dernière mise à jour le 5 mai 2011
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Relatant l’histoire de son entreprise dans BFL The First 20 Years, Barry Lorenzetti, président fondateur de BFL Canada, ne débute pas son récit à la fondation de la société en 1987, mais à la veille de l’obtention du compte de Hockey Canada en 1996. Sa description des négociations et des réunions stratégiques entourant ce contrat d’assurance responsabilité civile et décès et mutilations accidentelles de plus de 500 000 hockeyeurs amateurs d’un océan à l’autre est aussi vive que celle d’un septième match en prolongation, et à raison.

«L’obtention du compte de Hockey Canada nous a mis sur la carte», affirme-t-il. Cela a aidé à faire de BFL un courtier national ayant un grand client et a servi de catalyseur pour obtenir des contrats semblables.

Depuis qu’il a marqué ce but gagnant, BFL est devenu l’un des principaux courtiers privés du Canada, avec plus de 350 employés dans huit bureaux de Vancouver à Halifax, et des primes souscrites de plus de 400 millions de dollars. C’est impressionnant, mais M. Lorenzetti voit beaucoup plus grand. «Nous n’avons encore rien fait. Nous n’en sommes qu’au début. Nous voulons devenir les plus gros au Canada», souligne-t-il. Il rêve de voir BFL demeurer propriété canadienne en offrant aux entreprises du pays une solution de rechange aux grandes sociétés ouvertes mondiales. «J’espère que les milieux d’affaires canadiens vont reconnaître qu’il y a un troisième joueur national.»

Le modèle de société fermée

Parlant de ce qui distingue BFL sur le marché canadien, M. Lorenzetti revient sans cesse sur le modèle de propriété privée de l’entreprise et la culture qui en découle. Originaire de Montréal, il a eu l’expérience d’une société fermée canadienne en travaillant au bureau québécois de Tomenson Saunders Whitehead (TSW) au début des années 1980.

Lui et les jeunes cadres qui l’entouraient ont particulièrement apprécié une culture qui encourageait l’ambition et la possibilité de travailler avec des sociétés canadiennes prestigieuses comme Domtar, Massey Ferguson et Argus Corp. de Conrad Black. Rapidement devenu vice-président directeur, il a cependant été victime des aléas de la politique interne après l’acquisition de TSW par la firme anglaise Sedgewick et s’est retrouvé sans emploi.

Après «s’être morfondu quelques mois», il a pris en main son destin et fondé BFL avec deux collègues. Il voulait créer une société fermée de propriété canadienne qui plairait aux entreprises du pays et qui tirerait son succès d’un modèle de propriété favorisant une culture entrepreneuriale.

«Je voulais avant tout mettre en place une formule qui attirerait les gens vers nous. Nous devions nous distinguer de Marsh et Aon.»

Il a mis en place un système permettant aux employés de devenir actionnaires de BFL en atteignant certaines cibles de croissance, et d’être ainsi plus intéressés à acquérir des affaires nouvelles et à bien servir leurs clients.

«Si vous êtes dynamique et avez une mentalité d’entrepreneur, un milieu comme le nôtre vous donnera nécessairement confiance en vous, explique-t-il. Cette confiance se traduira par un meilleur service à vos clients, ce qui contribuera à fidéliser ces derniers. Vous en profiterez à titre d’actionnaire futur», et vous vous lancerez à la recherche de nouvelles occasions d’affaires. BFL est fier de son taux de rétention de clientèle de 97 %, preuve de la qualité du service attribuable à l’esprit d’entrepreneuriat des employés.

M. Lorenzetti explique aussi que son modèle de propriété privée confère à BFL une agilité locale en permettant aux employés des différents bureaux de posséder jusqu’à 30 % de la société exploitante locale, avec la possibilité de transférer ces actions à la société de portefeuille nationale, First Lion Holdings Inc.

«Pouvant détenir jusqu’à 30 % de l’entreprise, les cadres locaux travaillent comme si la société leur appartenait, explique-t-il. À mon avis, l’image de sécurité d’emploi que projettent les sociétés ouvertes ne correspond plus à la réalité. Après 24 ans, notre modèle et notre culture d’entreprise continuent d’attirer de jeunes professionnels qui voient clairement les avantages d’une société fermée sur une société ouverte. La nouvelle génération est plus exigeante et notre modèle d’entreprise répond à ses besoins.»

En plus des récompenses financières, le modèle de propriété par les employés permet aux actionnaires d’avoir leur mot à dire dans l’orientation de l’entreprise. John Wright, vice-président exécutif pour l’Ouest du Canada, travaillait pour une société ouverte avant de se joindre à BFL en 2004.

«Les sièges sociaux des grandes sociétés ouvertes mondiales, où se prennent toutes les décisions, sont situés à l’extérieur du Canada. Par contraste, BFL appartient exclusivement à des employés canadiens qui comprennent le contexte national et prennent toutes les grandes décisions, explique-t-il. Les leaders canadiens des sociétés ouvertes sont souvent frustrés du fait que le siège social considère le Canada comme une succursale.»

M. Wright voit, dans les séances de réflexion récemment organisées par M. Lorenzetti avec les chefs de division et le personnel non cadre, la preuve du caractère inclusif de la culture et du style de gestion de l’entreprise.

«Il est très réconfortant de voir le président voyager à travers le pays et passer du temps avec les jeunes employés pour savoir ce qu’ils pensent de l’orientation que devrait prendre l’entreprise d’ici cinq ou dix ans», affirme M. Wright.

Une stratégie de croissance

Dès le départ, M. Lorenzetti a jugé que le meilleur moyen de croître rapidement était de se spécialiser dans quelques créneaux pour se faire connaître. Cette stratégie consiste à s’implanter fermement dans un domaine où il n’y a pratiquement pas de concurrents, comme l’a fait une autre entreprise à succès du Québec, le Cirque du Soleil.

«Comme le dit Jim Collins dans son livre Good to Great, c’est l’approche du hérisson. Il ne s’agit pas de courir après toutes les occasions comme un renard, mais plutôt d’imiter le hérisson en se concentrant sur les affaires les plus sensées.»

Entre autres créneaux, BFL s’est tourné vers le sport amateur et les associations sportives, ce qui a mené au compte de Hockey Canada. Respectant un autre principe de Jim Collins, M. Lorenzetti savait aussi que pour réussir dans de tels créneaux spécialisés, il fallait s’entourer des bonnes personnes ayant les connaissances voulues. À cette fin, il est allé chercher chez Sedgewick le spécialiste des sports, Jim Stirling, dont l’expérience a été essentielle pour marquer le but gagnant dans le dossier de Hockey Canada.

«M. Stirling m’a dit que Sedgewick n’aurait jamais pu obtenir ce compte. Il attribue notre réussite à un effort collectif auquel tous les employés de BFL ont participé à divers titres, à partir de l’échelon du président.»

BFL a aidé Hockey Canada à économiser plus de deux millions de dollars par année en primes, argent qui peut être consacré à l’entraînement et à la formation des enfants pratiquant le sport national du Canada, note M. Lorenzetti.

«J’ai cité cet exemple dans mon livre parce que je voulais que tous les employés et grands clients éventuels comprennent notre culture et l’avantage d’avoir BFL comme courtier.»

Quinze ans plus tard, Hockey Canada reste une pièce maîtresse pour l’entreprise et une vitrine pour son système de valeurs fondé sur l’entraide canadienne. BFL octroie 13 bourses d’études annuelles de 1 000 $ par l’entremise de Hockey Canada et M. Lorenzetti siège au comité exécutif du conseil d’administration de la Fondation Hockey Canada.

«Deux choses me passionnent au sein de la Fondation, souligne M. Lorenzetti. La première est le programme Rêve devenu réalité, qui paie les frais d’inscription et l’équipement de jeunes de familles moins fortunées qui veulent jouer au hockey et fréquenter des écoles de hockey.»

La deuxième est la levée de fonds pour construire de nouvelles patinoires et installations, alors que 65 % des patinoires canadiennes ont plus de 40 ans.

«En décembre, nous avons donné plus de 400 000 $ à la Fondation des Canadiens pour l’enfance afin qu’elle puisse construire une troisième patinoire à Montréal, à distance de marche de l’endroit où j’ai grandi et joué sur une patinoire artificielle», dit-il, mentionnant qu’il a été très ému de prononcer l’allocution inaugurale au nom de la Fondation.

Une concurrence digne des ligues majeures

À mesure qu’il grandissait et ouvrait des bureaux partout au pays, BFL s’est taillé une place dans une foule de secteurs plus traditionnels de l’assurance commerciale, comme les transports, la construction et la fabrication. La concurrence est évidemment plus vive dans ces domaines, où BFL affronte directement les sociétés mondiales. Même dans les créneaux spécialisés, de nouvelles entreprises ont surgi et tentent de reproduire le succès de BFL.

Là encore, M. Lorenzetti insiste sur le fait que BFL réussit en se distinguant essentiellement par son modèle de propriété et sa culture.

«Parmi toutes les demandes de propositions qui circulent, nous choisissons soigneusement celles auxquelles nous répondons, attitude assez rare», affirme-t-il, expliquant que BFL n’hésitera pas à s’abstenir de soumissionner s’il est évident que le client magasine pour obtenir des concessions de son courtier. «Nous n’aimons pas qu’on se serve de nous.»

«Si le choix se fait en fonction de la compétence du personnel plutôt que selon l’ancienneté de la marque, nous l’emportons.»

M. Lorenzetti reconnaît que la mollesse du marché ces dernières années a rendu plus difficile d’acquérir des affaires nouvelles dans le marché intermédiaire.

«Pourquoi arrivons-nous encore à tirer notre épingle du jeu? Simplement en raison de notre formidable relation avec les marchés de l’assurance», mentionne-t-il. M. Lorenzetti souligne l’excellent travail accompli par Jacques Dufresne, vice-président exécutif pour l’Est du Canada, dans le maintien de ces liens et l’élaboration constante de nouveaux programmes avec les grands assureurs en vue de faire progresser l’activité de base de la société.

«La grande majorité des entreprises canadiennes comptent moins de 20 employés, explique M. Dufresne, et c’est par des programmes que nous pouvons faire affaires avec elles, de sorte que nous voulons absolument aller plus loin dans ce domaine.»

Au nombre des succès récents de BFL, M. Dufresne cite des programmes pour les parcs de taxis, les détaillants propriétaires et franchisés, les propriétaires exploitants de camions ainsi qu’une gamme de programmes pour divers professionnels.

La suite des choses

Malgré que BFL occupe une position dominante sur le marché canadien, son plan d’affaires des prochaines années reflète clairement l’avis de M. Lorenzetti selon lequel l’entreprise en est à ses débuts.

«Nous n’avons pas la part du marché que nous voulons dans nos créneaux, et nous entrevoyons une foule d’occasions de continuer à accroître notre part du marché dans les créneaux où nous choisissons d’aller, affirme John Wright. Nous ciblons le marché intermédiaire et les créneaux spécialisés, mais nous commençons aussi à obtenir notre part des comptes de gestion de risques.»

Pour offrir une solution de rechange viable aux sociétés ouvertes mondiales sur le marché des grands comptes de gestion de risques, BFL doit acquérir les ressources et l’envergure d’un joueur mondial. Il a récemment fait des progrès à cet égard. En 2008, il a noué des liens avec Lockton, de Kansas City (Missouri), le plus grand courtier privé du monde dont les revenus bruts ont dépassé le milliard de dollars US en 2010. «Ceci nous a ouvert de nombreuses portes, puisque Lockton s’occupe des affaires internationales de grands comptes de gestion de risques auxquels nous participons désormais», et que nous sommes représentés dans plus de 100 pays par l’entremise de Lockton, souligne M. Lorenzetti.

M. Lorenzetti ajoute que Lockton a été retenu après mûre réflexion parce que son échelle de valeurs et sa culture correspondaient à celles de BFL. Les résultats financiers de BFL attestent la réussite de cette culture.

«Nos revenus ont progressé de 11 % en 2010, affirme M. Lorenzetti. Je mettrais au défi les sociétés ouvertes du Canada d’en faire autant. C’est une croissance significative sur le marché d’aujourd’hui.»