Coup de dés pour la Banque du Canada

Par Soumis par CIBC | 11 juillet 2018 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Si elle ne monte pas son taux directeur aujourd’hui, elle le fera à coup sûr le 5 septembre, croit Patrick O’Toole, vice-président, titres à revenu fixe à Gestion d’actifs CIBC.

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« Beaucoup de gens s’attendent à ce que la Banque du Canada annonce aujourd’hui une hausse des taux. Et il y a encore quelques semaines, c’était très fort probable. Mais les choses ont évolué et sa décision s’apparente maintenant à un coup de dés (coin toss) », dit Patrick O’Toole.

Son gouverneur Stephen Poloz aurait certes de bonnes raisons d’opter pour une hausse, croit l’expert.

L’inflation est au niveau ciblé par la Banque, à environ 2 %. Le marché du travail est proche du plein emploi. Le salaire horaire moyen a récemment grimpé de 3,9 % d’une année à l’autre, sa plus forte hausse depuis 2012. La croissance économique est assez solide pour ne plus justifier une stimulation par des taux faibles. Des taux élevés donneraient à la Banque une plus grande marge de manœuvre pour améliorer les conditions du marché si une récession ou un incident négatif devaient survenir. Et enfin, il y a le huard, qui s’échange actuellement bien en-dessous de sa valeur équitable (de 85 cents, selon Patrick O’Toole).

« Les gens disent que Stephen Poloz vient du monde du commerce et qu’il penche naturellement vers un dollar faible pour stimuler les exportations. Il a lui-même reconnu qu’il n’y avait rien de mal à conserver un dollar faible dans ce but. Mais il est aussi très conscient que les Canadiens voyagent beaucoup, qu’ils n’aiment pas voir leur devise trop baisser, et qu’un dollar faible a un effet néfaste sur la psychologie des consommateurs. C’est donc pour lui une autre raison de hausser le taux directeur », dit Patrick O’Toole.

Mais il aurait également de bonnes raisons d’attendre, croit l’expert.

« D’abord, les discussions concernant l’ALENA semblaient progresser mais sont allées de mal en pis. Il y a aussi les nouvelles règles sur les hypothèques, baptisées « B20 » [qui visent à limiter les prêts risqués consentis par les institutions financières], qui pourraient affecter le marché immobilier surtout dans la région de Toronto », dit Patrick O’Toole.

« Rappelez-vous que si la Banque augmente ses taux [de 0,25 %] aujourd’hui, cela représentera une hausse totale de 1 % en un an. Les Canadiens sont déjà très endettés, et une nouvelle hausse des taux leur ferait plus mal qu’auparavant. Certains signes indiquent qu’ils ressentent déjà l’impact des trois hausses précédentes : par exemple leur taux d’épargne est très bas. Donc il se pourrait que la Banque du Canada veuille observer davantage les données économiques avant de passer à l’action », poursuit l’expert.

Selon lui, l’institution va hausser son taux directeur, et si ce n’est pas aujourd’hui, ce sera le 5 septembre lors de sa prochaine annonce prévue au calendrier. Il estime que deux hausses devraient survenir au total au cours des 12 prochains mois, contre quatre estimées de l’autre côté de la frontière.

« La Banque du Canada est indépendante, et n’a pas à suivre ce que fait la Fed ou la Banque centrale européenne. Par exemple, ces deux institutions ont eu recours à l’apaisement quantitatif alors que la Banque du Canada n’en a pas ressenti le besoin. En outre, les quatre hausses prévues de la Fed dans les 12 prochains mois ne sont pas encore des faits accomplis. Beaucoup d’éléments doivent être réunis pour que cela se produise », dit Patrick O’Toole.

L’expert se prononce également sur la courbe des obligations gouvernementales. Certains s’inquiètent de la voir se renverser, c’est-à-dire que les rendements des titres à court terme dépasseraient ceux des titres à long terme.

« Si cela survient aux États-Unis ou au Canada, nos banques centrales devront marquer une pause. En général, ce phénomène est précurseur d’une récession dans les 18 mois suivants. Il n’est pas survenu pour le moment, donc les banques centrales sont libres de hausser à nouveaux leurs taux, mais elles doivent rester conscientes du fait que si elles vont trop vite, les rendements des obligations à long terme risque de ne pas suivre. »

Ce texte fait partie du programme Gestionnaires en direct, de la CIBC. Il a été rédigé sans apport du commanditaire.

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