Intégrer un nouvel actionnaire : mode d’emploi

Par Me Chanel Alepin et Me Maxime Gauthier | 3 juillet 2018 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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En 2017, 21 % des Québécois avaient l’intention de créer ou reprendre une entreprise, contre 7 % en 2009, selon l’Indice entrepreneurial québécois du Réseau M. Cela constitue une forte hausse et démontre un vif intérêt à se lancer en affaires.

Dans cette optique, plusieurs voudront peut-être s’adjoindre un coactionnaire. Pour ce faire, deux avenues sont possibles. Votre client propriétaire de PME qui désire intégrer un nouvel actionnaire devra ainsi choisir s’il émet de nouvelles actions ou s’il lui vend une partie des siennes.

Émetteurs fermés : attention!

Si sa société est un « émetteur fermé », votre client doit être vigilant, car son choix pourrait être lourd de conséquences.

Un « émetteur fermé » est une société qui n’a pas plus de 50 actionnaires et qui bénéficie d’une dispense de prospectus dans le cadre de son émission d’actions. De plus, cette dernière ne doit pas avoir offert des actions à d’autres actionnaires que ceux mentionnés au Règlement 45-106 sur les dispenses de prospectus. La dispense de prospectus est importante pour une entreprise, puisqu’elle lui évite d’importants coûts.

On retrouve fréquemment dans les statuts de telles sociétés une restriction au transfert des titres afin qu’elles demeurent un « émetteur fermé ». D’autres restrictions peuvent également être insérées dans une convention entre actionnaires, par exemple. Il faut s’assurer d’avoir pris connaissance des statuts et de tout autre document de la société avant d’intégrer un nouvel actionnaire.

Ceci étant dit, si votre client décide de vendre ou d’émettre des actions, cela aura plusieurs conséquences.

En cas de vente d’une partie de ses actions :

  • Le nouvel actionnaire aura les mêmes droits que l’actionnaire fondateur, puisqu’il aura le même type d’actions. Il n’est cependant pas toujours souhaitable de donner des droits de vote à un nouvel actionnaire si l’on ne veut pas qu’il puisse prendre des décisions liées à la direction de l’entreprise;
  • Votre client enregistrera un gain en capital. Selon la valeur des actions, le montant d’impôt à payer peut devenir important. Il serait donc pertinent de valider avant la vente des actions s’il lui est possible de bénéficier de l’exonération de gain en capital;
  • Le produit de la vente sera remis à l’actionnaire fondateur et non à la société;
  • Le non-respect du Règlement 45-106 sur les dispenses de prospectus (ci-après « le Règlement ») ne fera pas perdre le statut « d’émetteur fermé » à la société;
  • Le prix de base rajusté des actions pour l’actionnaire fondateur et pour le nouvel actionnaire ne sera probablement pas le même.

En cas de souscription de nouvelles actions :

  • Selon le capital-actions autorisé, on peut émettre des actions avec des droits particuliers, par exemple avec ou sans droit de vote, en fonction des besoins du nouvel actionnaire et de la société;
  • Les fonds remis par le nouvel actionnaire lors de la souscription seront versés à la société;
  • L’achat des actions peut se faire à leur juste valeur marchande ou à un prix plus bas. Toutefois, si elles sont payées en deçà de leur juste valeur marchande, cela aura pour effet de diminuer la valeur de l’ensemble des actions émises et en circulation;
  • Attention : lorsque l’on émet de nouvelles actions d’une même catégorie, cela a des répercussions sur le capital fiscal versé, lequel doit ultimement être pris en compte lors du traitement fiscal en cas de rachat. Mieux vaut consulter un fiscaliste et/ou un juriste pour en connaître les conséquences précises;
  • Le non-respect du Règlement fera perdre son statut « d’émetteur fermé » à la société.

Il faut entre autres consulter l’article 2.4 du Règlement afin de connaître quelles sont les catégories d’actionnaires à qui il est possible de vendre ou émettre des actions. Dans l’éventualité où la société émettrait des actions à une catégorie de personne ne bénéficiant pas d’une dispense, la société perdra son statut « d’émetteur fermé », de manière rétroactive, et devra dorénavant respecter diverses formalités onéreuses et contraignantes puisqu’elle devra, à ce moment, faire un appel public à l’épargne, à moins de trouver une nouvelle dispense applicable à sa société.

Lorsqu’un actionnaire de la société transfère de ses propres actions à une personne qui ne fait pas partie de l’une des catégories d’individus mentionnés à l’article 2.4 du Règlement, une amende dont les montants peuvent varier sera imposée au vendeur, ce qui est moins dommageable pour la société que le scénario précédent.

Il est donc important d’avoir le réflexe d’aller consulter le règlement avant tout transfert ou émission d’actions, compte tenu de la nature assez restrictive d’un tel processus.

Dans tous les cas, votre client devrait prévoir la rédaction d’une convention entre actionnaires avec son nouveau partenaire d’affaires ! Cela aura pour effet de prévenir tout problème éventuel ainsi que de restreindre la possibilité pour un actionnaire de vendre ses parts à des tiers sans l’approbation des partenaires d’affaires.


Me Chanel Alepin est avocate et Me Maxine Gauthier est notaire chez Alepin Gauthier Avocats Inc. Rédigé avec la collaboration de la firme Labranche Therrien Daoust Lefrançois.


Cette chronique contient de l’information juridique d’ordre général et ne devrait pas remplacer un conseil juridique auprès d’un avocat ou d’un notaire qui tiendra compte des particularités de la situation de vos clients.

Me Chanel Alepin et Me Maxime Gauthier