Transfert d’entreprise : vers une période charnière

Par Salomon Gamache | 28 mars 2023 | Dernière mise à jour le 26 septembre 2023
4 minutes de lecture
Photo : Andriy Popov / 123RF

Les PME affrontent plusieurs vents contraires depuis quelques années : la pandémie, les problèmes de chaînes d’approvisionnement, l’inflation, les taux d’intérêt à la hausse, la pénurie de main-d’oeuvre… Il n’est donc pas étonnant que plusieurs propriétaires d’entreprise se posent d’importantes questions sur la continuité de leur modèle d’affaire pour les années à venir.

Un transfert réussi se prévoit longtemps à l’avance. L’entreprise étant très souvent au coeur de la vie de l’entrepreneur, l’aspect humain est aussi important que l’aspect financier. Nous soulevons ici quelques pistes de réflexion et éléments à retenir afin de susciter la discussion.

ANALYSE 360°

Comme les perceptions, les buts et objectifs du cédant et du repreneur peuvent diverger, il importe d’aborder le transfert d’entreprise sous tous les angles. Par exemple, la valeur de l’entreprise:trop souvent, l’entrepreneur cédant aura en tête un montant qui s’avérera nettement différent du résultat final, une fois le processus de négociation terminé. Selon le genre d’entreprise et son secteur d’activité, la négociation pour établir la juste valeur marchande ainsi que le processus de transfert peuvent être relativement faciles… ou très complexes.

De plus, le cédant voudra profiter de certains avantages fiscaux, comme l’exonération cumulative du gain en capital pour les entreprises admissibles. Pour que cette exonération soit possible lors de la vente de l’entreprise, diverses conditions doivent être respectées. De son côté, le repreneur pourrait voir les choses différemment et ne pas vouloir acquérir l’entreprise et son historique, mais plutôt ses actifs, ce qui empêcherait l’utilisation de l’exonération par le cédant.

Parmi les questions à aborder, il faut se demander qui pourrait s’intéresser à la reprise. Cela pourrait être une autre entreprise du même secteur ou un compétiteur. Il pourrait aussi s’agir d’employés, de personnes-clés ou de membres de la famille qui reprennent l’entreprise par l’achat d’actions. Ont-ils la capacité financière d’acquérir l’entreprise rapidement, ou devront-ils étaler le processus dans le temps ? La réponse à cette question, tout comme la valeur de l’entreprise, pourra avoir une incidence sur la planification de la retraite de l’entrepreneur.

L’ASPECT HUMAIN

Bien que la planification financière du transfert soit très importante, il ne faudrait pas passer sous silence l’aspect humain.

Si les enfants sont les repreneurs de l’entreprise, il importe de sensibiliser l’entrepreneur à la différence entre les concepts d’égalité et d’équité. S’il y a plusieurs enfants, est-ce qu’ils veulent ou même peuvent tous s’impliquer dans le transfert éventuel ? Comment l’entrepreneur peut-il aider financièrement ses enfants qui ne voudraient pas s’investir dans l’entreprise ? Répondre à ces questions aidera à conserver l’harmonie familiale à la suite de décisions qui pourraient être difficiles à prendre.

La motivation doit être solidement au rendez-vous. Elle est nécessaire pour continuer de prospérer contre vents et marées; l’entrepreneur vit souvent à un rythme effréné, ce qui affecte toute la famille, et il investit considérablement de temps et d’argent dans son projet. Il subit une pression constante, étant toujours présent pour son entreprise. Le stress fait trop souvent partie de son quotidien, car ses décisions stratégiques ont des répercussions sur la bonne tenue de l’entreprise. Il a la responsabilité de la situation financière de ses employés et d’autres acteurs de la communauté (fournisseurs, sous-traitants, etc.).

Cette question de motivation est propre à chacun et c’est important comme professionnel de pouvoir la cerner chez les clients afin de pouvoir comprendre leur situation. Les entrepreneurs ne sont pas seulement motivés par l’aspect compétitif du milieu des affaires ou par le succès financier; très souvent, ils ont aussi à coeur la portée de leur entreprise dans leur milieu. Ainsi, ils pourraient vouloir transférer leur entreprise tout en s’assurant qu’elle demeure au Québec, ou avoir comme objectif d’innover et de rehausser leurs pratiques environnementales pour réduire leur empreinte carbone. Ces facteurs sont des leviers puissants à comprendre pour bien conseiller ces clients dans l’atteinte de leurs objectifs.

Les prochaines années au Québec verront un bouillonnement de transferts d’entreprises et ces entrepreneurs auront besoin d’être bien accompagnés dans cette aventure. Les professionnels qui s’occupent de clients entrepreneurs auront tout avantage à développer leurs compétences en la matière et leur écoute.

Cela vaut également la peine d’être à l’affût du prochain congrès de l’IQPF, qui portera entre autres sur le démarrage d’entreprise.


Salomon Gamache, LL. M. Fisc., Pl. Fin., CLU, CIM, FCSI, est vice-président, développement et qualité de la pratique à l’Institut québécois de planification financière.

¹ https://bit.ly/3KQIWKT

Salomon Gamache