Les séquences de rendement en accumulation

Par Charles Hunter-Villeneuve | 29 août 2022 | Dernière mise à jour le 26 septembre 2023
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Photo : Andriy Popov / 123RF

En période de décaissement, il est plus risqué de survivre à son épargne si l’on connaît une mauvaise séquence de rendement au début de sa retraite. Cependant, la séquence de rendement est-elle importante lors de la période d’accumulation? Tentons d’y voir plus clair…

Hypothèses suivant les normes de l’IQPF (lorsqu’applicable) :

  • Jay a 30 ans et épargne 1 000 $/an en épargne enregistrée indexée à l’inflation de 2,10 % jusqu’à sa retraite à 60 ans. Son espérance de vie se chiffre à 90 ans, mais par prudence, utilisons une date de décès fixée à 95 ans. Il a donc 30 années d’accumulation et 35 années de décaissement pour 65 années d’investissement.
  • Son portefeuille est 100 % en titres à revenu fixe dont le taux projeté linéaire est de 2,80 % (avant frais de gestion de 0,5 %). Rendu à 60 ans, en l’absence de volatilité, Jay peut se permettre une rente indexée de 1 700 $/an jusqu’à son décès à 95 ans et ne pas manquer d’argent.
  • Les mêmes hypothèses ont été reprises pour son jumeau Max, qui lui a un portefeuille 100 % en actions dont le taux projeté est 7,00 % linéaire (avant frais de gestion 1 %). Toujours en l’absence de volatilité, Max pourrait avoir 4 500 $ de plus, soit une rente de 6 200 $ indexée jusqu’à 95 ans.
  • Cependant, la volatilité fait partie du marché financier. Ajoutons donc un écart-type de 5 % pour le portefeuille de Jay et de 16 % pour celui de Max.

À la suite de 1 000 simulations de type Monte Carlo (après avoir converti le rendement géométrique en rendement arithmétique) pour chacun des deux portefeuilles, nous sommes en mesure d’observer qu’environ 500 scénarios sur 1 000 font manquer d’argent avant 95 ans à Jay et à Max. Appelons ces scénarios « ruines ». Que la moitié des résultats ne fonctionnent pas n’est pas une surprise, car le taux de rendement linéaire nous amenait à 95 ans. Alors, si on le fait varier, il fera office de moyenne, et environ la moitié des scénarios seront au-dessus de ce résultat et la moitié en-dessous. Épuiser son actif pendant une année n’est pas si grave, mais en manquer pendant 30 ans, c’est une autre histoire.

La gravité des ruines peut donc varier. En situation de ruines, le portefeuille en titres à revenus fixes subit en moyenne 6 années de ruine comparativement à 18 pour le portefeuille en actions. Cependant, Max a bénéficié d’un revenu de retraite de 3,5 fois le montant de Jay, mais au prix d’accepter la volatilité inhérente tout au long de sa vie d’investisseur. J’ai observé ensuite les rendements en accumulation par trois périodes de 10 ans : la première allant de 30 ans à 40 ans, puis de 40 à 50 ans et la dernière de 50 à 60 ans.

Les séquences de rendement en accumulation ont-elles une corrélation avec les années de ruine?

Commençons par le portefeuille en actions.

  • Sans surprise, plus il y a d’argent à la retraite, plus il y a de scénarios qui fonctionnent avec une corrélation avoisinant les -59 %.
  • La première séquence de rendement de 10 ans a très peu de corrélation avec le nombre d’années de ruine, soit -18 %.
  • La deuxième? Plus révélatrice, soit -41 %.
  • La troisième? Plus encore, soit -59 %.

J’ai fait le même exercice, mais pour le décaissement, soit quatre périodes de rendement de 10 ans (60 à 70 ans, jusqu’à 90 à 100 ans).

Et là, c’est la dernière période d’accumulation qui est la plus déterminante (59 %) avec une corrélation supérieure de 16 points de pourcentage à celle de la première période de décaissement (43 %)! C’est cohérent puisque c’est cette séquence qui me donne le plus gros « coussin de départ » d’épargne-retraite. Avec un plus gros solde, un jeune retraité sera davantage en mesure de faire face à une mauvaise séquence de rendement.

  • Avec le portefeuille en titres à revenus fixe, les corrélations obtenues sont similaires à celles du portefeuille en actions sauf sur l’écart entre la dernière période d’accumulation (-54 %) et la première période de décaissement (-51 %), qui n’est que de 3 points de pourcentage.

Conclusion

Ne nous concentrons pas uniquement sur la séquence de rendement en début de décaissement, car la séquence en fin d’accumulation est légèrement plus importante concernant le nombre d’années potentielles de ruine à la retraite. Les jeunes de 30 à 40 ans qui désirent prendre une retraite à 60 ans et qui épargnent systématiquement devraient donc pouvoir dormir sur leurs deux oreilles, peu importe les aléas du marché dans ces premières années.

Charles Hunter-Villeneuve

Planificateur financier, Expert-conseil, Centre d’expertise, Banque nationale Gestion privée 1859