Accros aux FNB

Par Gérard Bérubé | 9 mars 2017 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Ils ont pris leur place et ne sont plus confinés à un rôle de complémentarité aux fonds d’investissement traditionnels. Les fonds négociés en ­Bourse (FNB) sont aujourd’hui incontournables et des gestionnaires ne jurent que par eux.

On dit des ­FNB qu’ils retiennent l’attention pour le risque ciblé qu’ils proposent, leurs faibles frais de gestion, leur liquidité et leur transparence. Ils sont aussi appréciés pour l’élément de diversification – de titres, de secteurs ou de stratégies d’investissement – qu’ils apportent aux portefeuilles. Choisis également pour leur impartialité ou la neutralité attribuée aux fonds indiciels, ils deviennent des outils stratégiques de positionnement à long terme.

Pour les investisseurs plus chevronnés, les ­FNB apportent une dimension tactique à la gestion et stratégique à la répartition de l’actif, sans compter l’approche par style ou par thème, et ce, tant pour un horizon à court qu’à long terme.

André ­Morin, gestionnaire de portefeuille à ­Gestion privée ­Peak, ne jure que par eux. « ­Avant 2001, je privilégiais davantage les fonds d’investissement » , ­explique-t-il. Il s’en remet désormais aux ­FNB, d’abord pour leur transparence. « ­Avec un fonds commun, on n’a jamais une idée précise de la répartition d’actif. On le sait trois mois plus tard et, même là, elle a ­peut-être changé dans l’intervalle. Aussi, un fonds commun d’actions canadiennes peut contenir une petite portion d’actions américaines et abriter une composante liquidité. Un ­FNB est totalement ce qu’il affiche. »

Il apprécie également leurs frais moindres et leur liquidité, les ­FNB se négociant comme des actions. « ­Nous fonctionnons à honoraires. Il est important d’avoir des outils à faibles frais. » Des désavantages ? « ­Je n’en vois pas. ­Peut-être pour les personnes qui recherchent la gestion active. Mais cette gestion active, c’est nous, les gestionnaires, les conseillers, qui la faisons », répond ­André ­Morin.

« Cette gestion active, c’est nous, les gestionnaires, les conseillers, qui la faisons. »

– André ­Morin, gestionnaire de portefeuille à ­Gestion privée ­Peak

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Au demeurant, certains ­FNB sont plus « actifs » . « ­Pensons aux ­FNB bêta, dits intelligents, conçus pour gérer la volatilité », ­illustre-t-il. Au ­Canada, il se négocie plus d’une centaine de ­FNB dits actifs sur les quelque 500 présents sur le marché

Raymond ­Kerzérho, directeur de la recherche à ­PWL ­Capital, abonde. « ­Les ­FNB sont le meilleur outil pour faire appel aux fonds indiciels à faibles frais. Ils permettent d’accéder à une diversification de portefeuille autrefois réservée aux grandes institutions, et ils coûtent moins cher en impôt que la plupart des outils de placement. » ­Le spécialiste explique cette efficacité fiscale : « ­La principale raison est que, par définition, les indices boursiers changeant peu à travers le temps, les ­FNB indiciels tendent à conserver les actions en portefeuille plutôt que de vendre et d’acheter activement. »

Raymond ­Kerzérho donne en exemple le plus ancien ­FNB existant, le S&P

500 ­SPDR, qui n’a pratiquement distribué aucun gain en capital depuis son lancement en 1993. « ­Celui qui détient des parts de ce fonds depuis ce temps n’a payé de l’impôt que sur les dividendes reçus. Le capital non distribué s’accroît à l’abri de l’impôt. Pour les comptes imposables, c’est important. »

Le directeur de la recherche à ­PWL ­Capital ne voit, lui non plus, pas ou peu d’inconvénients aux ­FNB. « ­Si vous avez une bonne stratégie et de bons produits, ils conviennent à toute personne raisonnable prenant soin de ses épargnes », ­conclut-il.

ATTENTION AU PROFIL DU CLIENT

Il se peut toutefois que certains ­FNB engendrent une problématique de conformité. Si la majorité repose sur une stratégie d’investissement passive, se contentant de reproduire un indice ou un portefeuille de référence, à l’autre bout du spectre on retrouve des ­FNB à gestion active. Parmi eux, des fonds renfermant une stratégie spéculative, une présence de levier ou une surpondération à un risque spécifique. Voire des fonds faisant appel à des produits dérivés et des contrats à terme comportant une volatilité potentielle ou des risques accrus, de contrepartie ou de liquidité, difficilement mesurables.

« ­Les ­FNB plus exotiques, tels ceux que l’on dit inverses (qui s’adonnent à la vente à découvert), à effet de levier, ou encore les ­FNB surspécialisés engendrent davantage de risque de s’éloigner du ­profil-type du client, explique ­Raymond ­Kerzérho. Par contraste, les ­FNB les mieux diversifiés, les plus simples et les moins chers risquent très peu de décevoir. Ils ne sont pas emballants, ils sont même un peu « plates », mais ils tiennent généralement leurs promesses. »

Peter ­Guay, gestionnaire de portefeuille au sein de ­PWL ­Capital, insiste ici sur la contribution du conseiller. « ­Son rôle est important, pour l’étude du marché, pour déterminer la meilleure façon d’accéder à chaque catégorie d’actif. En matière de conformité, le risque vient d’une méconnaissance de l’outil. Et comme pour tout produit à la mode, d’un réflexe de l’ajouter au portefeuille uniquement pour satisfaire la demande, la popularité des ­FNB étant ce qu’elle est, sans se demander s’il est conforme au profil de risque du client. »

André ­Morin renchérit : « ­Des produits plus complexes, des fonds multiplicateurs, des fonds à effet de levier ou encore des fonds étrangers couverts peuvent produire des effets non recherchés.

Il nous appartient d’en faire la lecture, de comprendre leur fonctionnement et de faire des simulations. Mais je dirais que les ­FNB ne causent aucun problème dans la mesure où le profil du client est respecté. »

Le gestionnaire va jusqu’à affirmer que la totalité d’un portefeuille peut être composé de ­FNB : « ­Les portefeuilles de mes clients sont généralement composés de ­FNB à 75, 80, voire à 85 %, ­quelques-uns à 100%. »

« Les portefeuilles sans histoire sont pas mal plus efficaces que les portefeuilles avec beaucoup de péripéties. »

– Raymond Kerzérho, directeur de la recherche à ­PWL ­Capital

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100 % DU PORTEFEUILLE?

« À 100 % ? ­Absolument, répond pour sa part ­Raymond ­Kerzérho. Bien choisis, ils sont nettement supérieurs aux fonds communs offerts sur le marché, à peu d’exceptions près. En plus de tous les avantages déjà énumérés, les ­FNB permettent d’atténuer le poids des émotions dans les décisions de placement. Après un certain temps, beaucoup d’investisseurs trouvent que d’avoir un portefeuille un peu « plate » est merveilleux. C’est drôle à dire, mais les portefeuilles sans histoire sont pas mal plus efficaces que les portefeuilles avec beaucoup de péripéties. »

Son collègue ­Peter ­Guay soutient également que les ­FNB représentent la meilleure option pour la très grande majorité des clients. « ­Un ­FNB d’actions canadiennes, par exemple, pourrait s’appliquer au portefeuille d’un client âgé de 75 ans comme à celui d’un client âgé de 30 ans. Seule la proportion dans le portefeuille va changer », ­souligne-t-il.

Il croit par ailleurs qu’un ­FNB rend la pratique du conseiller plus efficace. « ­Certes, ­FNB et ­conseiller-robot font bon ménage, mais il y a ici une limitation importante, associée à l’optimisation fiscale du portefeuille du client. Le conseiller peut se concentrer davantage sur les éléments de planification financière, fiscale et successorale. Ça valorise les frais qu’il facture. »

« Certes, ­FNB et ­conseiller-robot font bon ménage, mais il y a ici une limitation importante. »

– Peter ­Guay, gestionnaire de portefeuille à ­PWL ­Capital

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Il faut quand même retenir que ce produit fait partie de l’univers des valeurs mobilières et que sa distribution exige la détention d’un permis de plein exercice. À noter que ­Peak a lancé, en décembre dernier, une plateforme qui permet aux représentants en épargne collective de négocier un certain nombre de ­FNB, via ­Valeurs mobilières ­Peak. « ­Ce marché se démocratise de plus en plus », se réjouit ­André ­Morin.

« Ça ne rapporte rien », vraiment ?

« La grande majorité des ­FNB ne rapportent rien au conseiller, indique ­Raymond ­Kerzhéro. Mais cela lui permet de facturer ses honoraires directement à celui qui reçoit les services : le client. » ­André ­Morin rappelle également que certains ­FNB facturent des frais aussi bas que 5 ou 10 points de base. Que la formule des commissions de suivi ou des frais d’acquisition reportés, répandue parmi les fonds d’investissement traditionnels et désormais dans la mire des autorités réglementaires, est rarement utilisée par les manufacturiers de ­FNB. Que les transactions sans commission sont devenues pratique courante en ligne et que la rémunération à honoraires est plutôt privilégiée. « Être rémunéré à honoraires devient plus simple », résume-t-il.


• Ce texte est paru dans l’édition de mars 2017 de Conseiller

Gérard Bérubé