Achat de blocs d’affaires: mode d’emploi

Par Alizée Calza | 22 novembre 2021 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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On n’achète pas un bloc d’affaires comme on acquiert un nouveau meuble. Il s’agit d’un processus complexe, qui mérite réflexion. Si l’achat se fait de la bonne façon, cela peut se révéler très bénéfique pour le succès de votre pratique.

Afin d’éviter les pièges et aider ceux qui veulent se lancer dans l’achat de clientèle, quatre experts ont fait part de leur expérience lors d’un panel organisé par l’Association de la relève des services financiers (ARSF), tenu à l’occasion de la quatrième édition du Congrès de la relève, où ils ont montré les essentiels à considérer et les pièges à éviter. Compte rendu.

QUAND ACHETER ?

« Il faut d’abord pouvoir réussir indépendamment d’une clientèle avant d’en acheter une », lance d’emblée Nicolas Maheu-Giroux, conseiller en sécurité financière et représentant en épargne collective au Groupe financier MR.

Un point de vue partagé par Normand de Champlain, fondateur et président de N.D.C Services financiers. « Aussitôt qu’on maîtrise bien le travail et la carrière, l’acquisition devrait apparaître vite », affirme-t-il.

Marie-Philippe Dostie, directrice développement des affaires au Groupe financier Horizons, a une vision quelque peu différente. Selon elle, les nouveaux conseillers peuvent choisir d’acheter un bloc de clientèle pour accélérer le lancement de leur pratique. Mais dans ce cas, elle suggère d’acquérir un petit bloc.

Commencer en s’assurant d’avoir une clientèle déjà bâtie peut effectivement avoir des avantages. Toutefois, il faut éviter certains pièges. Le premier étant le risque de comparaison avec le conseiller vendeur. Il faut se révéler au moins aussi judicieux ou, à tout le moins, s’assurer de se distinguer et de démontrer sa valeur, sinon les clients risquent de partir, prévient Antoine Chaume, conseiller en placement et planificateur financier chez Lafond + Associés.

Il est également essentiel d’être capable de gérer cet afflux de clients d’un point de vue administratif. « Si l’ancien conseiller rappelait les clients en 24 h et qu’on le rappelle dans la semaine, on est mort. Si on n’apporte pas un effet wow, on aura beaucoup de pertes », avertit Normand de Champlain.

« Il est indispensable de créer un environnement d’accueil optimal pour la transaction », ajoute Antoine Chaume. Ainsi, avoir une équipe en place peut s’avérer essentiel avant d’acquérir un bloc d’affaires.

OÙ EN TROUVER ?

« Le processus de recherche de clientèle se fait de la même façon que la recherche de clients », soutient Marie-Philippe Dostie, résumant ainsi la pensée des trois autres experts.

De la même façon que l’on cherche à établir un climat de confiance avec le client, il faut prouver qu’on est le meilleur et s’arranger pour que chaque achat de bloc d’affaires se déroule de la meilleure façon possible afin que notre nom circule.

Un autre essentiel consiste à « ne pas avoir peur de dire qu’on veut en acheter une et en parler ouvertement. Rester tout seul et attendre que ça vienne à nous, ça ne marche pas », rappelle Nicolas Maheu-Giroux.

« En parler, c’est la clé, l’appuie Marie-Philippe Dostie. Je sème des graines constamment, c’est la loi de l’effort. » Ainsi, il ne faut pas hésiter à en discuter avec ses partenaires d’affaires et son agent général.

Les soupers d’affaires et les formations UFC sont également des endroits idéaux pour aborder le sujet, estime Normand de Champlain.

Pour s’assurer ensuite d’être choisi, il faut tout simplement être le meilleur, ajoute le fondateur et président de N.D.C Services financiers. Selon son âge, il est important de prouver que l’on a réfléchi à un plan de relève, mais il faut en outre montrer qu’on peut tabler sur une bonne équipe pour nous soutenir et n’avoir aucun problème de conformité. « Le vendeur veut être certain que ses anciens clients seront contents avec leur nouveau conseiller », résume-t-il.

LES POINTS À CONSIDÉRER

La première chose à faire avant d’acheter un bloc d’affaires, c’est de rencontrer le vendeur. En parlant avec ce dernier, on peut récolter nombre d’informations précieuses. Antoine Chaume juge même qu’il est indispensable de partager les valeurs et la philosophie de travail de l’acheteur.

Il est du reste important d’en apprendre le plus possible sur la clientèle: son âge moyen, son type, son milieu de vie.

Si tous les clients sont très âgés, le bloc d’affaires risque fort de peu rapporter sur le long terme. Dans le même sens, « si on détient une clientèle familiale et qu’on achète une clientèle d’entrepreneurs, on s’expose à perdre davantage de plumes », rappelle Antoine Chaume. Quant au lieu de résidence des clients, si ces derniers sont éparpillés sur le territoire couvert, cela sera évidemment plus compliqué de les rencontrer en personne.

Normand de Champlain profite en outre de la rencontre avec le vendeur pour en savoir plus sur les raisons de son départ et confirmer qu’il détient un bon portefeuille. « Qui veut acheter un courtier qui va revenir dans cinq ans parce qu’il n’a pas les moyens de prendre sa retraite ? », argue-t-il.

La conformité doit sans contredit être vérifiée attentivement. « Pas grand-monde sera intéressé à acheter d’un vendeur qui a une tache à son dossier auprès de l’AMF », souligne Nicolas Maheu-Giroux en précisant que « si le vendeur parle beaucoup d’argent, le risque de retrouver des boîtes à surprise s’accroît ».

Pour être mieux renseigné sur ce point, lui-même demande souvent un échantillon de dossiers. « Si rien n’est noté, c’est étrange. Ça en dit gros.

Marie-Philippe Dostie conseille pour sa part d’examiner les relevés de fin d’année des deux dernières années, et de vérifier si la valeur de ceux-ci a été stable. Elle-même étudie en prime les produits vendus aux clients du bloc. Selon elle, il n’est pas nécessaire de connaître tous ceux qui sont dans le bloc lors de l’achat. L’idée, c’est de se renseigner en détail avant de rencontrer les clients concernés.

« Pour vous assurer de penser à tout, parlez-en à des confrères qui ont déjà acheté des blocs d’affaires », suggère-t-elle.

BON CONTRAT, BONNE TRANSITION

Ce type de transaction nécessite un excellent contrat pour se protéger et parer à toute éventualité. Pour cela, Antoine Chaume conseille de faire affaire avec un bon avocat. « Avec un contrat, l’avocat qui nous coûte le plus cher est celui qui, à la fin, nous coûte le moins cher », illustre-t-il.

Marie-Philippe Dostie abonde en son sens. « C’est LA chose la plus importante. Si le bloc a été mal évalué, il y a sûrement une clause dans le contrat pour aider l’acheteur à cet égard, pourvu que le document ait été bien fait. »

Normand de Champlain conseille d’y spécifier une date pour l’achat et la vente, afin de s’assurer que le vendeur ne décidera pas finalement de rester plus longtemps. Marie-Philippe Dostie l’appuie, surtout qu’en présence d’un nouveau conseiller débutant, le vendeur retrouve souvent son énergie et sa flamme se rallume.

« L’idéal serait que le vendeur reste de six mois à un an », précise Nicolas Maheu-Giroux, le but étant de présenter sa relève à ses plus gros clients. Le conseiller fait pareillement attention à garder une bonne relation avec le vendeur de manière à pouvoir le recontacter plus tard en cas de problème.

Pour une transition harmonieuse, Normand de Champlain suggère que le vendeur écrive une lettre d’au revoir personnalisée à sa clientèle, dans laquelle il présente aussi sa relève. Marie-Philippe Dostie ajoute même à cette communication les photos du vendeur et de l’acheteur. Le but étant de permettre aux clients de voir physiquement la relève avant même la tenue d’une rencontre en personne. Cette lettre permet par ailleurs de protéger l’acheteur d’une envie soudaine du vendeur de faire marche arrière.

Ensuite, s’accordent les quatre experts, tout est question de rapidité. Il importe de contacter au plus vite les clients du nouveau bloc d’affaires. « On doit garder en tête qu’acheter une clientèle, ça vient avec une prestation de service. On n’achète pas une clientèle pour s’asseoir sur ses lauriers. Il faut s’en occuper et rencontrer les clients », assure Nicolas Maheu-Giroux. Au risque de les perdre.

QUELQUES CONSEILS SUPPLÉMENTAIRES

Avant de se lancer dans l’aventure, Nicolas Maheu-Giroux recommande de s’armer de patience. « Le processus est long à partir du moment où l’on s’est mis d’accord avec le vendeur », précise-t-il.

Marie-Philippe Dostie souligne que l’important est d’être bien préparé, entre autres financièrement. La capacité d’emprunt est réellement un point à ne pas négliger. Elle conseille de garder un coussin de côté au cas où. « Il ne faut pas être stressé par l’argent, sinon on est bloqué ».

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Alizée Calza

Alizée Calza est rédactrice en chef adjointe pour Conseiller.ca et pour Finance et Investissement.