Ce travailleur est-il autonome ou salarié?

Par Me Véronique Armelle Kuemo | 17 mai 2019 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
4 minutes de lecture
Photo : bowie15 / 123RF

La saison des impôts vient juste de s’achever pour la plupart des ­Canadiens. Mais si la date limite de production des déclarations de revenus pour les particuliers était le 30 avril dernier, elle s’étend jusqu’au 15 juin pour ceux qui exploitent une entreprise et leurs conjoints. C’est le cas de la plupart des travailleurs autonomes.

Qu’­est-ce qu’un travailleur autonome? ­Suffit-il de « choisir » au moment de la signature d’un contrat de travail le statut de travailleur autonome pour que les autorités fiscales nous considèrent comme tel? Non! ­

Au-delà de la décision des parties, ­au-delà du contrat, les autorités fiscales examinent les faits.

Les critères de détermination

Les notions de « salarié », « employé » ou « travailleur autonome » ne sont pas clairement établies dans le ­Code civil du ­Québec. Pour bien les comprendre, il faut se référer aux définitions qu’il fait du contrat de travail et du contrat d’entreprise.

De façon générale, le principal élément de différenciation entre ces deux types de contrats réside dans l’existence ou non d’un lien de subordination.

En pratique, la jurisprudence va plus loin. Elle a élaboré un certain nombre de critères qui sont pris en compte pour déterminer si un individu est un travailleur autonome ou un salarié.

Les variables examinées sont les suivantes :

  • Le lien de subordination : quel est le niveau d’autorité et de contrôle que l’employeur exerce sur le travailleur?
  • ­Le critère économique ou financier : qui assume le risque relativement aux profits et aux pertes?
  • ­La propriété des outils de travail : à qui ­appartiennent-ils?
  • L’intégration des travaux effectués : les services rendus ­font-ils partie des activités habituelles de l’entreprise?
  • ­Le résultat particulier du travail : le contrat ­a-t-il été obtenu pour effectuer une tâche spécifique avec un but précis ? ­Prendra-t-il fin une fois l’objectif atteint?
  • L’attitude des parties face à leur relation d’affaires : que prévoit l’entente entre elles?

Bien que le lien de subordination soit le principal facteur pris en compte dans la détermination du statut, ce seul critère ne suffit pas. C’est en analysant les faits, à la lumière de l’ensemble de ces variables, que l’on pourra déterminer si la personne est un travailleur autonome ou un salarié.

Une erreur coûteuse

Se tromper dans la détermination du statut du travailleur peut s’avérer lourd de conséquences.

Par exemple, si le gouvernement conclut, après enquête, qu’une personne qui a déclaré être travailleur autonome est dans les faits un salarié, il peut en résulter des avis de cotisation de plusieurs milliers de dollars pour les parties impliquées.

Pour le payeur (celui qui rémunère le travailleur) : un changement de statut pourrait notamment entraîner des cotisations rétroactives à l’­assurance-emploi, au ­Régime de rentes du ­Québec, au ­Régime québécois d’assurance parentale, à la ­Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail, au ­Fonds des services de santé ou aux autorités fiscales.

L’employeur devra également faire des paiements rétroactifs pour les jours fériés prévus par la loi ainsi que les congés annuels des employés. À tout ceci s’ajouteront certainement des intérêts pour retard de paiement et des pénalités pour fausses déclarations, entre autres.

Pour le travailleur autonome : s’il déduisait des dépenses à l’encontre de son revenu, il pourrait faire l’objet de redressements fiscaux. Par exemple, l’admissibilité des dépenses liées à l’acquisition de matériel de bureau, à la tenue d’un bureau à domicile ou aux frais comptables pourrait être réduite ou refusée. En effet, les déductions acceptées en vertu des lois fiscales ne sont pas les mêmes pour le travailleur autonome et le salarié.

Si votre client souhaite profiter des avantages qu’offre un statut en particulier, il doit s’assurer que les faits concordent avec son choix. Car, comme le disait Émile de ­Girardin, « les hommes peuvent tromper les hommes et se tromper, mais les hommes ne peuvent pas tromper les faits, et les faits ne se trompent pas »!

Me ­Véronique Armelle Kuemo est avocate chez ­Alepin Gauthier Avocats.


• Ce texte est paru dans l’édition de mai 2019 de Conseiller. Vous pouvez consulter l’ensemble du numéro sur notre site Web.

Me Véronique Armelle Kuemo