Ces clients qui vous rendent fou

Par Pierre-Luc Trudel | 6 février 2017 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
5 minutes de lecture
alphaspirit / 123RF

Si la plupart de vos clients sont charmants, certains d’entre eux ont un talent exceptionnel pour vous faire sortir de vos gonds. Voici les cinq types de clients que vous auriez probablement préféré ne jamais rencontrer.

L’ÉTERNEL ANXIEUX

Sans doute le type le plus répandu : rares sont les conseillers qui n’en comptent pas au moins un parmi leur clientèle. Il est aimable et sympathique à première vue, mais ne vous méprenez pas, son insécurité chronique finira par vous pourrir la vie. Son incapacité à prendre une décision en moins de six mois le poussera à vous bombarder de questions toutes aussi incongrues les unes que les autres.

Mais c’est lorsque la volatilité s’empare des marchés qu’il perd complètement la tête. Il vous appelle alors complètement paniqué, persuadé qu’il devra passer ses vieux jours à manger de la soupe en conserve. Vous passez alors de longues minutes à lui expliquer que les 12,37 $ qu’il a perdus lors de la dernière correction boursière n’auront pas un impact conséquent sur la planification de sa retraite, qu’il prendra dans 25 ans.

L’éternel anxieux n’osera pas vous le dire, mais il préférerait sans doute cacher toutes ses économies dans son matelas plutôt que de vous les confier, si ce n’était de sa peur constante qu’un incendie se déclare dans sa chambre à coucher.

L’INDIFFÉRENT

L’indifférent est très facile à identifier. Il se présente à votre bureau avec une humeur massacrante, évite le plus possible de vous adresser la parole et vous fait comprendre sans grande subtilité qu’il n’a aucune envie d’être là. D’ailleurs, il n’y serait certainement pas si son conjoint ou sa conjointe ne l’avait pas forcé. Ne le prenez pas mal, il adopte la même attitude avec sa coiffeuse, son dentiste, son garagiste et probablement son animal domestique.

Rien ne l’intéresse dans la vie, sauf le match Canadien-Boston qu’il est en train de manquer par votre faute. Et n’envisagez surtout pas de lui inculquer quelques notions de littératie financière. Ce n’est pas comme si vous essayiez de l’aider à planifier son avenir!

En fait, vous le supportez seulement parce qu’entre vos pénibles rencontres annuelles, vous n’entendez jamais parler de lui. Mais attention, quand il réalisera que son indifférence a compromis sa retraite, il vous accusera de tous les maux et fera tout pour vous traîner devant le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (sauf si le Canadien fait les séries).

LE NAÏF

Ce spécimen de client a de grands projets pour sa retraite, et il a malheureusement décidé que c’est vous qui alliez l’aider à les réaliser. Rien n’est trop beau pour lui : voyages autour du monde, pied-à-terre dans les Caraïbes, voiture de luxe pour se balader sur la Côte d’Azur… et tout cela avant 55 ans.

Il a certes des revenus appréciables, mais au rythme où ses économies s’envolent, tout ce qu’il pourra s’offrir, c’est une cabane dans les Laurentides. Augmenter ses contributions à ses régimes d’épargne? Pas question! C’est une solution pour les nigauds qui se contentent de rendements de 7 %. Des « connaissances » lui ont parlé de stratagèmes garantissant des rendements bien plus élevés, ce que vous lui déconseillez vivement. Résultat : il s’offusque et met en doute vos compétences.

Malgré le fait qu’il vous exaspère, vous n’osez pas l’abandonner, convaincu qu’à la première occasion, il sautera à pieds joints dans un système de vente pyramidale. Et dernière chose : il n’est pas encore totalement convaincu que l’argent ne pousse pas dans les arbres.

MONSIEUR JE-SAIS-TOUT

Certains de vos clients ont manqué leur vocation. Monsieur Je-sais-tout en fait visiblement partie. Si sa vie n’avait pas été une succession de malchances, il serait très certainement à Wall Street en train de gérer des milliards de dollars d’actifs. Mais la vie étant cruellement injuste, il en est réduit à jouer les gérants d’estrade dans votre bureau.

Monsieur Je-sais-tout est convaincu de savoir mieux que vous comment faire votre travail. Il vous contredit sans cesse et remet en doute tous vos conseils. Après tout, il sait de quoi il parle. Il a installé l’application Bloomberg sur son téléphone et a lu les deux premiers chapitres de la biographie de Warren Buffett.

La bonne nouvelle, c’est qu’il est tellement persuadé de votre incompétence qu’il ne perd pas trop de temps à discuter avec vous. Il a bien mieux à faire. Qui sait, Janet Yellen voudra sans doute le consulter avant de prendre une décision au sujet de la politique monétaire américaine.

LE CACHOTIER

À première vue, rien ne cloche chez le cachotier. Visiblement beaucoup plus équilibré que les spécimens précédents, il réussira tout de même à vous faire grimper dans les rideaux. Il y mettra simplement plus de temps.

Le problème avec le cachotier, c’est qu’il refuse systématiquement de vous donner les informations dont vous avez besoin pour faire votre travail. Vous commencez même à vous demander s’il ne s’agit pas d’un agent secret russe.

Il a divorcé et doit maintenant payer une pension alimentaire? Vous l’apprendrez probablement trois ans plus tard. Il ne voudrait surtout pas non plus que vous sachiez qu’il s’est acheté une voiture décapotable en pleine crise de la quarantaine, alors que vous essayez de le convaincre depuis des mois d’augmenter ses cotisations REER.

Petit conseil : ne vous absentez pas trop longtemps de votre bureau en sa présence, il n’hésitera pas à en fouiller les moindres recoins à la recherche d’un micro caché.

Ce texte a été rédigé avec humour d’après les témoignages de nombreux conseillers. Pour des raisons évidentes, ils ont tous préféré conserver l’anonymat.

Pierre-Luc Trudel