Cette indépendance qui protège les clients

Par Daniel Guillemette | 8 mai 2019 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Alors que certains croient que l’industrie des services financiers existe pour aider les gens à maintenir une bonne santé financière, d’autres prétendent qu’elle sert davantage à enrichir ceux qui y travaillent.

Laquelle de ces visions diamétralement opposées est la bonne? Je vous propose de m’accompagner dans une réflexion globale visant à résoudre cette énigme. Un indice : une partie de la réponse réside dans le concept d’indépendance.

Le Larousse indique qu’il s’agit de l’état de quelqu’un qui prend ses décisions en toute impartialité, sans se laisser influencer par ses appartenances politiques ou religieuses ni par des pressions extérieures ou par ses intérêts propres.

La chaîne alimentaire de l’industrie

Qui sont les principaux acteurs du secteur des services financiers? Dans l’ordre, on retrouve le pouvoir politique, les autorités de réglementation, les organismes d’autoréglementation, les manufacturiers de produits, les grossistes de la distribution (agents généraux et firmes de courtage), les conseillers et les consommateurs.

Le pouvoir politique a la capacité de changer les orientations de notre industrie, mais les élus doivent parfois prendre des décisions visant à protéger davantage l’intérêt des institutions financières que celui des consommateurs. Rappelons-nous le sauvetage en 2008, à même l’argent des contribuables, de plusieurs grandes banques internationales ayant directement contribué, par la cupidité de leurs dirigeants, à la plus grande crise financière de notre histoire contemporaine1.

Les organismes de réglementation, telle l’Autorité des marchés financiers, relèvent du pouvoir politique. Bien qu’ils jouissent de beaucoup de latitude dans la réalisation de leur mission, ils doivent l’accomplir dans le cadre des directives qu’ils reçoivent du pouvoir politique local et de celles de groupes mondiaux comme le Fonds monétaire international.

La Chambre de la sécurité financière est un organisme d’autoréglementation qui se finance principalement par les cotisations de ses membres, dont près des deux tiers sont versées par les institutions financières qui les emploient, selon les estimations qui circulent dans l’industrie. Même si son syndic agit de manière indépendante de toute influence politique, on pourrait croire que les membres de son conseil d’administration peuvent difficilement prendre leurs décisions sans tenir compte des répercussions qu’elles auront sur l’humeur des principaux bailleurs de fonds de la Chambre.

Les compagnies d’assurance et les institutions financières sont des fabricants de produits financiers et, à ce titre, leur principal intérêt est donc de s’assurer que les consommateurs achètent leurs produits plutôt que ceux de leurs concurrents. Pour cette raison, il leur est ardu d’agir de manière complètement indépendante et détachée de toute forme de conflit d’intérêts.

La rémunération consentie aux agents généraux dépend habituellement du volume d’affaires annuel que leurs conseillers génèrent, assureur par assureur. Il leur est parfois difficile de ne pas succomber à la tentation de les inciter à diriger leurs ventes vers une compagnie d’assurance plutôt qu’une autre, par exemple lorsqu’ils pressentent qu’ils ne réussiront pas à atteindre les objectifs nécessaires au maintien de leurs bonis ou à la reconduction de leur contrat de distribution. Il serait alors légitime de croire que l’intérêt du client pourrait possiblement passer au second rang dans l’ordre de leurs priorités.

Bien que ce ne soit pas le cas de toutes les firmes de courtage en épargne collective, plusieurs d’entre elles appartiennent à des institutions financières ou à des compagnies d’assurance. Dans certains cas, elles adoptent des stratégies visant à influencer les ventes de leurs conseillers, tels des rabais sur les frais administratifs des comptes autogérés de leurs clients ou une obligation de vendre leurs produits maison afin d’augmenter leur rentabilité. Les conseillers se retrouvent alors coincés entre cette influence malsaine et leur devoir d’éviter toute source de conflit d’intérêts lorsqu’ils effectuent des recommandations à leurs clients.

Considérant tout ce qui précède, vous aurez facilement compris que le conseiller est le dernier maillon de cette chaîne biaisée. Ironiquement, c’est à lui seul qu’incombe l’obligation de se comporter de manière transparente, objective et indépendante. Il sera en effet sévèrement puni s’il se place en conflit d’intérêts, alors que son industrie tout entière multiplie les pirouettes pour l’y conduire. Les réprimandes imposées aux institutions financières fautives, quant à elles, sont généralement peu dissuasives. Pensons, par exemple, aux sanctions administratives de 1 M$ imposées à Desjardins Sécurité financière (DSF) pour des assurances prêt étudiant distribuées de façon non conforme, alors que DSF a reçu des primes totalisant 22 M$ pour ces produits2.

Quoi qu’on en dise, le conseiller porte maintenant sur ses frêles épaules la mission du secteur : aider les gens à maintenir une bonne santé financière.

Quelles solutions?

Les membres du mouvement Asteris s’engagent à accélérer la transition vers des conseils financiers transparents, objectifs et indépendants, de façon à ce que le conseiller qui y adhère devienne le véritable protecteur des intérêts du consommateur de produits et services financiers. Il est le seul à connaître le client parce qu’il est le seul à entendre ses confidences, de personne à personne. Lui uniquement peut le protéger contre les risques découlant de recommandations biaisées, dans la mesure où il n’accepte aucune forme d’influence, incluant celle de ses propres besoins personnels.

Ceci passe par la transparence (divulgation complète de sa rémunération), l’objectivité (les intérêts du client ont priorité sur ceux de quiconque) et l’indépendance (refus de tout type d’influence, notamment la participation à des concours ou autres).

Évidemment, nous voyons mal comment un conseiller pourrait attester lui-même de sa propre transparence, objectivité et indépendance. C’est pourquoi Asteris offre une telle certification à ses membres qui, en échange, s’engagent à respecter ces grands principes et à se soumettre à des audits externes visant à démontrer qu’ils s’y sont conformés.

Sachant que le pouvoir politique, les organismes de réglementation, les compagnies d’assurance, les agents généraux et les firmes de courtage font autant partie du problème que de la solution en ce qui a trait à la protection du consommateur, les conseillers indépendants doivent assumer leur rôle dans la société et en prendre la pleine responsabilité.

En collaboration avec Asteris*.

Daniel Guillemette est président de Diversico, Experts-conseils et membre fondateur d’Asteris.

1 Wikipédia, Crise bancaire et financière de l’automne 2008, bit.ly/2TUKPYY 2 Autorité des marchés financiers, Une entente intervient entre l’Autorité des marchés financiers, Desjardins Sécurité financière, compagnie d’assurance-vie et Fédération des caisses Desjardins du Québec, bit.ly/2UukaXl


• Ce texte est paru dans l’édition de mai 2019 de Conseiller. Vous pouvez consulter l’ensemble du numéro sur notre site Web.

Daniel Guillemette

Daniel Guillemette est conseiller en sécurité financière depuis 1984. Il a terminé ses études en fiscalité à l’Université de Sherbrooke en 2000. Il dirige plusieurs cabinets de services financiers qu’il a acquis au fil du temps, la première acquisition datant de 1996. En 2008, inspiré de ses propres besoins, il a commencé à s’investir dans le projet iGeny, une entreprise visant à augmenter son agilité, sa capacité à s’adapter aux conditions changeantes. iGeny commercialise aujourd’hui iGeny Form, iGeny Pro, ScanSquad et offre également aux conseillers un service d’adjointes virtuelles.