Changements aux revenus passifs : quelques solutions

Par Mathieu Huot | 1 juin 2018 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Jakub Jirsak / 123RF

Plusieurs parmi nous attendaient impatiemment le dépôt du budget fédéral pour enfin connaître les mesures concernant l’accumulation d’épargne dans les sociétés.

Le document de consultation sur la réforme fiscale déposé en juillet 2017 proposait en effet des idées quant aux revenus passifs.

Maintenant que les dés sont jetés et que nous connaissons les règles qui seront applicables, notre travail, en tant que conseiller, est d’évaluer les stratégies qui permettent d’atténuer leurs effets.

Le budget fédéral de février 2018 prévoit ainsi une réduction du plafond des affaires lorsque les revenus passifs excéderont 50 000 $ par année. Le plafond des affaires constitue le seuil de revenu imposable admissible à la déduction pour petite entreprise, qui est établi à 500 000 $ par année. Il sera réduit de 5 $ pour chaque dollar de revenu passif excédant 50 000 $.

Les règles actuelles permettent aux sociétés de profiter d’un taux d’imposition de 17 % (si plus de 5 500 heures rémunérées) sur le premier 500 000 $ de revenus gagnés ou 21,7 % (si moins de 5 500 heures rémunérées). Le taux d’imposition passe à 26,7 % lorsque le revenu excède ce plafond de 500 000 $, peu importe le nombre d’heures rémunérées.

Il est bon de rappeler que cette mesure s’appliquera aux années d’imposition suivant 2018. Il deviendra donc impératif de garder un contrôle sur le revenu de placement imposable.

MISE EN PLACE D’UN RÉGIME DE RETRAITE INDIVIDUEL (RRI)

La création d’un RRI sera assurément plus intéressante qu’avant l’arrivée de ces nouvelles règles. Les sommes pouvant y être injectées ne seront évidemment plus investies dans la société, permettant ainsi de respecter la limite de 50 000 $ de revenus passifs admissibles.

De plus, la portion à revenu fixe du portefeuille du RRI permet une optimisation fiscale des revenus de placement. La création d’un possible déficit actuariel donnera en effet la possibilité d’y injecter des sommes plus importantes que les limites fixées par l’évaluation actuarielle. Cette analyse faite par un actuaire détermine les cotisations admissibles au RRI. L’évaluation se base sur un rendement projeté de 7,5 %. Nous pouvons présumer qu’à long terme, la partie à revenu fixe du portefeuille générera un rendement moindre, créant ainsi ce déficit.

Important à noter : la mise en place d’un RRI devient attrayante à partir d’environ 45 ans, et un salaire doit être versé pour pouvoir l’envisager. Avant 45 ans, le calcul du RRI fait qu’il est plus avantageux de cotiser à un REER.

ASSURANCE MALADIE GRAVE EN COPROPRIÉTÉ

La souscription d’une police d’assurance maladie grave permet de protéger la société en cas de maladie grave de l’actionnaire ou d’une personne clé. La prime payable par l’entreprise réduira ainsi les sommes devant être investies dans la société. L’avenant de remboursement de prime est payé par l’actionnaire.

Par exemple : Raphaëlle, 45 ans, souscrit une police d’assurance maladie grave de 400 000 $, remboursable après 20 ans. Sa société débourserait une prime de 4 869 $ et Raphaëlle paierait une prime de 3 797 $. En cas de non- réclamation après 20 ans, l’assureur verserait à Raphaëlle le total des primes payées libre d’impôt, soit 173 320 $, donnant ainsi un rendement intéressant à la stratégie. Dans le cas où l’actionnaire est atteint d’une maladie grave, l’assureur verserait la somme de 400 000 $ à la société. Cette somme ne pourra toutefois pas lui être versée libre d’impôt.

STRATÉGIE D’ASSURANCE VIE

L’accumulation d’épargne à l’intérieur d’une police d’assurance vie permet de profiter d’un rendement à l’abri de l’impôt. Il devient donc fort pertinent d’évaluer la possibilité de souscrire une police d’assurance vie permanente (vie entière ou universelle) dans cette optique.

La stratégie devrait être évaluée différemment selon l’objectif : successoral ou de retraite. Pour un objectif de retraite, la prime d’assurance peut être déterminée selon la proportion de titres à revenu fixe du portefeuille d’épargne annuelle que l’on veut remplacer par l’assurance vie. Dans le cas d’un objectif successoral, la prime d’assurance peut être fixée en fonction des surplus d’épargne qui ne seront jamais décaissés du vivant.

FONDS CONSTITUÉ EN SOCIÉTÉ

Une partie de l’accumulation d’épargne pourrait quand même se faire dans la société. Investir ces sommes dans des fonds constitués en société permettrait de bénéficier d’une réduction du taux de distribution. Il n’est pas garanti qu’un tel fonds ne versera aucune distribution imposable, mais nous pouvons affirmer que cette structure permettra de convertir le revenu d’intérêt et les revenus étrangers en dividendes canadiens ou gain en capital. Une conversion qui permet de réduire la facture fiscale de la société.

RÉMUNÉRATION

Si des professionnels incorporés en viennent à dépasser la limite de 50 000 $ de revenus passifs, une rémunération sous forme de salaire réduira le revenu imposable dans la société. Pour certains, cela permettra le ramener en deçà du plafond des affaires.

Tel que mentionné précédemment, il devient plus que jamais pertinent d’évaluer différentes solutions d’épargne dans la société. Cette façon de travailler permettra aux conseillers de se démarquer et de démontrer leur expertise en stratégies financières et fiscales.

Mathieu_Huot_100 Mathieu Huot, M.Fisc., Pl. Fin., CIM, est fiscaliste, planificateur financier et gestionnaire de portefeuille agréé au Groupe Investors.


• Ce texte est paru dans l’édition de juin 2018 de Conseiller.

Mathieu Huot