Cher client, je vous quitte!

Par Hélène Roulot-Ganzmann | 8 octobre 2017 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
5 minutes de lecture
Валерий Качаев / 123RF

En amour comme en affaires, rompre doit se faire avec tact afin de ne pas blesser inutilement la personne délaissée. Comment bien quitter son client? Voici quelques conseils.

Vous voulez peut- être segmenter votre clientèle pour vous spécialiser, réduire vos activités, ou vous débarrasser d’un client désagréable ou qui manque de discipline. Quelle que soit la raison de la rupture, une règle d’or s’impose : faire sentir à son interlocuteur que l’on prend cette décision pour son bien à lui.

« Lui dire que l’on a trop de clients et que l’on se voit dans l’obligation d’en choisir certains, c’est le faire pour soi », explique Annie Bienvenue, directrice générale de JPL Communications, firme spécialisée en coaching de vente et de communication.

« C’est choisir sa propre qualité de vie. Si, en revanche, on lui explique que la qualité du service offert est primordiale et que, compte tenu du volume, on ne peut plus y répondre, là, le client se sent pris en considération. Pour continuer à lui offrir un excellent service, on peut aussi le référer à un collègue, surtout si l’on souhaite le garder dans la compagnie. »

PAS D’AFFECT

Il existe plusieurs cas de figure : le client dont on souhaite se débarrasser parce que la confiance n’est plus là, celui avec lequel on est incompatible ou qui croit que le conseiller ne sert qu’à passer ses commandes, ou celui contre lequel on n’a aucun grief, mais qui ne cadre plus dans le plan de carrière, ou avec lequel il y a un conflit d’horaire ou de territoire.

« J’ai eu à quitter un client parce qu’il était géographiquement trop éloigné, raconte Hugo Neveu, conseiller en sécurité financière et membre du conseil d’administration du Regroupement des jeunes courtiers du Québec (RJCQ). Un autre parce qu’il n’acceptait les rendez- vous qu’à partir de 21 heures et que je ne voulais plus faire ça. Ceux- là, je les ai référés à des collègues plus à même de les satisfaire. J’ai eu en revanche un client qui réagissait de façon émotive aux fluctuations du marché et qui souhaitait que je fasse de même, alors que mon rôle est justement de rester rationnel. Celui- là, je lui ai conseillé d’aller vers [un autre] réseau. »

« Quel que soit le cas, il faut rester sur le terrain professionnel et non émotionnel, insiste Mme Bienvenue. Expliquer au client qu’il serait mieux servi ailleurs compte tenu de sa situation. Ne pas y mettre d’affect. »

Pierre Larose

Pierre Larose

Pierre Larose est planificateur financier depuis plusieurs décennies et dispose d’une centaine de clients très fidèles. Lorsqu’il a décidé de réduire ses activités, il était important pour lui de les ménager et de ne pas banaliser la situation.

« J’ai donc trouvé une relève qui a la même philosophie que moi, raconte- t-il. Au départ, j’ai mis son nom en signature de tous les courriels, puis, petit à petit, je l’ai présenté à mes clients afin d’instaurer un climat de confiance. Aujourd’hui, certains d’entre eux ne traitent plus qu’avec lui. Mais ça a pris cinq ans. Et il y a en a quelques- uns que je ne peux pas quitter, les plus âgés notamment. Ils pourraient être déstabilisés et puisque, malgré mes 70 ans passés, je souhaite rester actif, c’est eux que je conserve.»

L’ANNONCER DE VIVE VOIX

Jean Dupriez

Jean Dupriez

Frustration, incompréhension, inquiétude… autant d’émotions que les conseillers qui souhaitent se départir d’un client peuvent avoir à affronter. « Il faut expliquer la décision calmement, sans éclat, indique Jean Dupriez, planificateur financier à Valimax. Tenir compte de l’émotion que cela génère chez le client, mais ne pas entrer dans une discussion trop longue. La décision n’a pas été prise à la légère, on a pesé le pour et le contre. On ne doit pas se laisser convaincre par le client de le garder. »

Pour M. Dupriez, la meilleure option pour annoncer la rupture reste le téléphone. Le courriel est trop banal ; il faut avoir le courage de l’annoncer de vive voix. Annie Bienvenue confirme, mais ajoute que certains clients importants peuvent être invités à dîner afin de leur expliquer la situation et de leur présenter un collègue le cas échéant. Elle note également que l’envoi postal peut être une solution à envisager.

« Une lettre sur du beau papier, c’est joli, ça fait toujours son effet, souligne- t-elle. Le client a l’impression d’être considéré. Or, même si c’est un petit client, il a besoin de se sentir important.»

OFFRIR UN DÉLAI

Hugo Neveu

Hugo Neveu

Hugo Neveu estime par ailleurs qu’il ne faut pas quitter du jour au lendemain, mais proposer un délai de trois mois environ, pour laisser au client le temps de réfléchir et de s’organiser. Le représentant note cependant qu’il est assez rare, pour ne pas dire trop rare, qu’un conseiller quitte un client.

« Nous devrions mieux segmenter notre clientèle et nous séparer régulièrement des clients qui correspondent le moins à nos attentes, croit- il. Les clients en question seraient mieux servis ailleurs, donc plus satisfaits, et cela générerait moins d’irritants pour le conseiller. »

Même constat de la part de Jean Dupriez, qui ne s’exclut d’ailleurs pas de la critique. « Quelqu’un qui a un million de dollars d’actif sous gestion aurait peut- être des services plus adaptés ailleurs, admet- il. Mais une telle somme, ça me génère 6 000 dollars par an de revenus pour peut- être deux jours de travail dans l ’année. Qui va cracher là- dessus ? En même temps, ces gens- là sont généralement bien informés de ce qui existe sur le marché. S’ils ne me quittent pas, c’est qu’ils y trouvent leur compte. »

Ou qu’ils restent par loyauté envers celui qui a contribué à leur bonne fortune.


• Ce texte est paru dans l’édition d’octobre 2017 de Conseiller.

Hélène Roulot-Ganzmann