Comment éviter les pièges de l’administration fiduciaire?

Par Me Maxime Alepin | 2 octobre 2017 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
4 minutes de lecture
James Pintar / 123RF

Depuis une vingtaine d’années, les fiducies sont de plus en plus populaires. Plusieurs y voient l’occasion de protéger leurs actifs ou de l’utiliser comme outil de planification fiscale.

Chaque individu possède un patrimoine qu’il pourra gérer tout au long de sa vie. Ce qui crée la particularité de la fiducie est qu’il s’agit d’un patrimoine autonome et distinct qui n’a pas de réel propriétaire et qui devra être administré par une tierce personne, soit le fiduciaire.

Le risque inhérent au transfert d’un actif dans une fiducie vient du fait que l’ancien propriétaire perd tous ses droits à l’égard de ce qui a été transféré à la fiducie. C’est pourquoi il est primordial de bien choisir le fiduciaire qui assurera, dorénavant, l’administration des biens transférés.

Avec la hausse marquée du nombre de fiducies, on constate que plusieurs fiduciaires exercent cette charge sans les compétences requises et n’ont que trop peu souvent accès à une formation adéquate afin de les guider dans cette fonction. Fréquemment, les fiducies sont mal organisées et les décisions ne sont pas répertoriées.

PETIT GUIDE DU FIDUCIAIRE

La fonction de fiduciaire comporte des obligations, des responsabilités et des pouvoirs que ce dernier doit s’assurer de respecter. L’un des outils qui doit le guider dans ses tâches est l’acte constitutif de la fiducie, dans lequel on retrouve certains éléments relatifs à sa gestion.

Le fiduciaire a la pleine administration des biens de la fiducie. Il pourra donc les gérer comme s’il en était le réel propriétaire. La pleine administration est un pouvoir très vaste, permettant même au fiduciaire d’aller jusqu’à vendre les biens qui lui sont confiés.

Il devra donc agir, dans l’exercice de sa fonction, avec impartialité, prudence, loyauté et diligence. Il devra prendre des décisions justes et raisonnables vis- à-vis de tous les bénéficiaires et ne devra pas agir dans son propre intérêt. Ses décisions relatives à l’administration des biens devront être guidées par l’intérêt des bénéficiaires de la fiducie et selon les lettres de l’acte constitutif. Puisque les situations évoluent, le fiduciaire devra garder un bon contact avec les bénéficiaires pour s’assurer de bien comprendre leur situation.

Si plusieurs fiduciaires ont été nommés, ils devront, à moins d’avis contraire, prendre les décisions à la majorité. Puisqu’un bénéficiaire ne peut assumer seul la responsabilité de fiduciaire, il est fréquent qu’il y ait au moins deux fiduciaires. Il s’agit d’une règle obligatoire qui a, trop souvent, pour effet d’invalider les décisions des fiduciaires, par exemple lorsqu’une fiducie a un seul bénéficiaire qui est également le seul fiduciaire.

Les tribunaux ont d’ailleurs interprété la notion de bénéficiaire de façon très large, tel que dans Spicer (Succession de)[1], Brassard c. Brassard[2] et Financière Transcapitale Inc. c. Fiducie succession Jean- Marc Allaire[3], ce qui incite à la prudence dans le choix des fiduciaires.

Certains gestes pourraient aider le fiduciaire dans son rôle d’administrateur et minimiser les répercussions négatives d’une mauvaise gestion. Ce dernier pourrait notamment rencontrer annuellement les bénéficiaires afin de faire un survol de l’année et un suivi de leurs besoins.

Il est aussi important de conserver un livre de la fiducie afin de répertorier l’ensemble des décisions et de garder des traces écrites de l’administration. Idéalement, le fiduciaire devrait également suivre une formation appelée à lui expliquer de manière approfondie son rôle et ses obligations. Ce genre de formation sera offert par notre cabinet à compter de l’automne prochain. Il ne faut pas non plus hésiter à consulter des professionnels concentrant leur pratique en la matière.

L’administration fiduciaire n’est pas de tout repos et comporte bien des aspects : droit, comptabilité, fiscalité, etc. Il est toutefois possible de bien s’organiser et, par le fait même, de prévenir les litiges.

Cet article contient de l’information juridique d’ordre général et ne devrait pas remplacer un conseil juridique auprès d’un avocat qui tiendra compte des particularités de la situation de vos clients.


[1] Spicer (Succession de) REJB 2004-61697 (C.S.) [2] Brassard c. Brassard, 2009 QCCA 858 [3] Financière Transcapitale Inc. c. Fiducie Succession Jean-Marc Allaire, 2012 QCCS 7533

• Ce texte est paru dans l’édition d’octobre 2017 de Conseiller.

Me Maxime Alepin