Comptes impayés : que doit faire un client entrepreneur?

Par Me Maxime Alepin | 2 janvier 2018 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Elnur Amikishiyev / 123RF

Les possibilités de générer plus de rentabilité pour votre clientèle d’affaires sont vastes. L’une d’elles est le suivi des comptes en souffrance, particulièrement dans les entreprises de services qui ont l’habitude d’être payées après l’exécution de la prestation. Il s’agit d’un irritant pour la majorité des propriétaires de sociétés, qui doivent absorber le manque à gagner, mais aussi les frais encourus.

Les avantages d’avoir une procédure interne de recouvrement sont nombreux. Elle permet de maximiser les revenus, mais aussi de limiter la charge fiscale, puisque votre client doit payer la taxe sur les produits et services ainsi que la taxe de vente du ­Québec sur l’ensemble des montants facturés, sans égard au fait qu’ils aient été payés ou non.

Afin d’obtenir une déduction de la taxe nette déboursée en cas de mauvaise créance, il ne suffit pas de radier cette dernière des livres comptables. Revenu ­Québec exige d’abord que l’entrepreneur démontre, à sa satisfaction, qu’il a entrepris toutes les démarches raisonnables pour la recouvrer.

Les efforts qu’il devra déployer varient en fonction de la valeur du compte impayé, et les façons de faire sont multiples. Les moyens de base à utiliser sont les mêmes, peu importe le type d’entreprise ou le montant en jeu.

La première étape est généralement un rappel de courtoisie à la suite d’un délai de paiement.

La seconde étape consiste à envoyer une mise en demeure. Dans cette lettre, l’entrepreneur devra indiquer, d’une part, la somme totale due et, d’autre part, le délai raisonnable dans lequel son client devra le payer, généralement entre 7 et 14 jours. Il est également important qu’il se réserve le droit d’entamer des démarches judiciaires sans autre avis ni délai.

L’envoi de la mise en demeure s’effectue à faible coût et peut être entrepris facilement à l’interne avec le personnel déjà en place ou avec un avocat. Elle doit être conservée à titre de preuve pour démontrer que les créances sont irrécouvrables.

DEVANT LES TRIBUNAUX

Lorsque le délai de la mise en demeure est échu, la demande en justice peut être amorcée. À ce stade, plusieurs entreprises cessent, souvent à tort, leurs efforts de recouvrement. Au lieu de recourir aux tribunaux, certaines entreprises se limitent à mandater une agence de recouvrement pour effectuer le suivi avec les débiteurs au moyen d’appels téléphoniques et de lettres. Il s’agit généralement d’un service facturé à pourcentage (sans risque), ou à faible coût. Cette option est très attrayante si les montants individuels à percevoir sont minimes.

À l’inverse, si les montants sont plus élevés, il deviendra alors intéressant d’avoir une personne désignée à l’interne pour les recouvrer, ou même d’avoir recours aux services d’un avocat. Le choix ne devrait pas dépendre de la valeur de la somme en cause, mais plutôt de la taille de l’entreprise et de la disponibilité des employés.

Depuis le 1er janvier 2016, la division des petites créances de la ­Cour du ­Québec permet aux entreprises ayant eu au plus 10 salariés lors des 12 derniers mois de déposer une réclamation allant jusqu’à 15 000 $. Un salarié ou un dirigeant de la société qui n’est pas avocat pourra représenter votre client entrepreneur devant la ­Cour.

Un avocat peut agir pour lui au moment de l’envoi de la mise en demeure. Il peut l’aider à remplir la demande en justice, ainsi qu’à se préparer à l’audition. Il peut aussi, à travers un mécanisme procédural, déposer la demande en son nom et obtenir un jugement rapidement si le tout n’est pas contesté.

A contrario, si l’entreprise emploie plus de 10 salariés ou si le montant dû est supérieur à 15 000 $ et que votre client ne souhaite pas limiter les sommes à recouvrer à ce seuil, il doit être représenté par un avocat au moment du dépôt de la demande.

Encore une fois, les coûts sont négligeables. Les frais pour déposer une demande judiciaire varient d’environ 200 $ pour le dépôt d’une demande concernant un montant de 15 000 $ ou moins à 400 $ pour les demandes entre 15 001 $ et 85 000 $. Ces frais sont généralement ajoutés à la somme due par le débiteur si votre client obtient gain de cause.

AVANT D’EN ARRIVER LÀ 

Avant toute prestation de services, l’entrepreneur devrait faire signer un contrat à son client décrivant les services à rendre, le montant total à payer avec les taxes ainsi que le délai de paiement.

Les intérêts advenant un retard de paiement devraient aussi être précisés au contrat, ce qui permet de compenser les efforts de recouvrement. Votre client peut choisir d’attendre jusqu’à trois ans avant d’entamer les procédures judiciaires. Une fois prononcé, le jugement demeure valide durant dix ans et les intérêts continuent de s’accumuler pendant cette période. Cette prescription de dix ans est aussi renouvelable sans limite si l’on agit dans les délais.

Ce n’est pas parce que le client d’un entrepreneur est en mauvaise posture financière aujourd’hui qu’il le demeurera toute sa vie. Un avocat pourra aider ce dernier à mettre en place des politiques en matière de recouvrement qui maximiseront son efficacité et ses chances de succès.

maxime_alepin_thumb_150x150 Me ­Maxime ­Alepin et Me ­Ian ­Lacombe sont avocats chez ­Alepin ­Gauthier ­Avocats ­Inc.

Cet article contient de l’information juridique d’ordre général et ne devrait pas remplacer un conseil juridique auprès d’un avocat qui tiendra compte des particularités de la situation de vos clients.


• Ce texte est paru dans l’édition de janvier 2018 de Conseiller.

Me Maxime Alepin