Créer une fondation, pas qu’une question de sous

10 novembre 2018 | Dernière mise à jour le 10 novembre 2018
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Coeur formé avec les mains, avec coucher du soleil en arrière-plan.
Photo : everst / 123RF

La philanthropie est présente dans plusieurs sphères de la société et constitue un apport important au ­mieux-être de la collectivité. Petite monnaie au musicien du métro, bénévolat à la popote roulante du quartier, téléthon : voilà quelques exemples de dons qui font partie de notre quotidien. Parmi ce vaste éventail de façons d’aider son prochain figure la mise sur pied d’une fondation privée. ­Peut-être votre client y ­a-t-il déjà songé?

Imaginez un homme d’affaires prospère, soucieux de mettre sur pied sa propre fondation. Il souhaite effectuer une cotisation financière immédiate et durable lui permettant, si possible, de perpétuer sa mémoire. Il envisage même d’y faire intervenir les membres de sa famille afin de les engager dans son projet, maintenant et après son décès.

Mais voilà, la création d’une fondation privée n’est pas à la portée de tous et implique un investissement qui va ­au-delà de l’engagement financier. Au départ, le donateur doit bien sûr démontrer qu’il a les ressources pécuniaires appropriées. Le proverbe ­Charité bien ordonnée commence par ­soi-même prend ici tout son sens.

Pour débuter

Une mise à jour de sa planification financière, fiscale et successorale est essentielle dès le départ afin de déterminer la valeur du don qui pourrait être effectué sans mettre en danger sa situation personnelle et familiale. Il ne faut pas l’oublier, on parle ici de don ; ce qui aura été transféré ne pourra pas être récupéré ultérieurement.

Votre client devra être conseillé sur la nature et les modalités de transfert du bien donné afin de tirer profit au maximum des avantages fiscaux dont il pourrait bénéficier. Il lui faudra également déterminer les buts de sa fondation en se référant aux critères prévus par l’Agence du revenu du ­Canada (ARC).

Essentiellement, les autorités fiscales vont reconnaître comme admissibles les activités menant à des bénéfices tangibles pour la collectivité, comme combattre la pauvreté, appuyer le secteur de l’éducation, etc. Mais attention à ne pas poser d’actions politiques, qui ne sont pas autorisées.

Viennent ensuite le choix du cadre juridique de la fondation et les instructions prévues par le donateur concernant la durée pendant laquelle la fondation est établie, l’utilisation des revenus et/ou du capital et autres modalités d’exécution. Les professionnels en la matière vont généralement suggérer de constituer la fondation par voie de société privée plutôt que par une fiducie d’utilité sociale régie par le ­Code civil du ­Québec. Cette dernière méthode aurait toutefois un certain avantage sur l’autre si le donateur désire conserver un plus grand contrôle décisionnel.

La rédaction et l’obtention des documents constitutifs devront être confiés à un professionnel (généralement un juriste, en collaboration avec d’autres spécialistes, tels qu’un comptable, un conseiller en services financiers, etc.) qui saura y intégrer les objectifs du client. Bien sûr, ces services ne sont généralement pas gratuits et il faudra prévoir débourser quelques milliers de dollars.

Il faudra ensuite enregistrer la fondation auprès de l’ARC afin qu’elle bénéficie de l’exemption d’impôt accordée aux organismes de bienfaisance.

La gestion au quotidien

Toutes ces étapes étant franchies, l’engagement ne s’arrête pas là. Il faut bien s’en occuper, de cette fondation ! ­Au-delà de la valeur de l’actif investi, qu’il ne reverra plus, notre bienfaiteur devra s’engager personnellement afin d’atteindre non seulement ses objectifs caritatifs, mais également voir à l’administration de l’organisme qu’il a mis sur pied.

Ainsi, il devra par exemple s’assurer de la gestion adéquate du portefeuille détenu par la fondation et établir une politique de placement, en collaboration avec un conseiller en services financiers. On y tiendra compte du niveau de risque acceptable, de la durée de la fondation, du besoin de liquidités et des objectifs poursuivis, sans oublier le versement minimum exigé par les autorités fiscales.

Hé oui ! ­Si la fondation n’est pas imposable, elle doit débourser chaque année, sous réserve de certaines exceptions, une somme prédéterminée afin de pouvoir conserver son statut.

Votre client devra donc tenir une comptabilité rigoureuse et transmettre un rapport annuel à l’ARC contenant notamment plusieurs renseignements visant à bien identifier la fondation, ses administrateurs, son enregistrement auprès des autorités fiscales, ses buts, son actif et son passif, ses revenus et dépenses, ses frais d’administration, etc. Toutes ces informations sont publiques et disponibles sur le site web de l’ARC.

Comme pour toute autre entreprise, la fondation sera assujettie aux lois applicables et votre client pourrait y encourir sa responsabilité personnelle : locaux, équipements, employés, bénévoles, retenues à la source ne sont que quelques exemples de ce dont on peut le rendre directement imputable.

À la lumière de ceci, comment ne pas être reconnaissant auprès de tous ceux qui se sont engagés dans cette avenue ? ­Comme la mise sur pied d’une fondation privée risque de refroidir les ardeurs de bien des gens étant donné sa complexité, son coût, le temps à consacrer à son administration et les responsabilités juridiques qu’elle entraîne, il ne faut pas perdre de vue que d’autres solutions très intéressantes existent, telles qu’un don direct ou un transfert d’argent à un fonds de dotation. Chacun d’entre nous devrait prendre le temps de se renseigner à ce sujet afin de permettre à nos clients de donner au suivant aux conditions qui leur conviennent le mieux.

Michelle ­Laplante ­Rousseau, avocate, ­TEP, ­Pl. Fin., est directrice de comptes, ­Fiducie et succession, à ­Trust ­Banque ­Nationale.


• Ce texte est paru dans l’édition de novembre 2018 de Conseiller. Vous pouvez consulter l’ensemble du numéro sur notre site Web.