De la tolérance au risque en assurance

Par Denis Preston | 7 novembre 2017 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Romolo Tavani / 123RF

Étrangement, la notion de tolérance au risque (ou aux pertes) est plus utilisée en placement qu’en assurance. Pourtant, cette dernière est une technique de gestion des risques que les clients gagneraient à prendre davantage en considération, tant du côté de l’assurance de dommages que de personnes.

Chez certains, l’intolérance aux pertes est tellement forte qu’ils ne tiennent pas compte de leur capacité à assumer les risques et à économiser à moyen terme.

De nombreux consommateurs ne basent pas leur choix de franchise sur ce qui est mathématiquement avantageux pour eux. Les clients qui ont une faible tolérance aux pertes ont souvent tendance à opter pour des franchises trop basses et ainsi payer des primes trop élevées.

Plus les consommateurs souscrivent des assurances avec des franchises basses, plus ils utilisent les assureurs comme des intermédiaires budgétaires. Ils paient une prime plus élevée, qui leur est en partie retournée sous forme de prestation, plutôt que de déposer dans leur compte bancaire les sommes qu’ils auraient économisées avec une franchise plus coûteuse, mais des primes plus basses. Ils ont ainsi moins d’argent pour épargner pour leur retraite (ce qui constitue un risque financier en soi), ainsi que leurs autres objectifs.

Voici deux exemples en assurance de dommages tirés du magazine ­Protégez-Vous de mai 2014[1].

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En assurance automobile, pour une protection supplémentaire de 250 $, l’option 1 coûte 101 $ de plus, soit une prime plus élevée de 40,4 % lorsque mise en relation avec l’écart de protection (101 ÷ 250). Pourtant, en choisissant l’option 2, on aura accumulé l’écart de franchise au bout de deux ans et demi… à moins d’avoir des accidents tous les deux ans et demi, ce qui ferait grandement augmenter la prime d’assurance. Et dans ce cas, il faudrait envisager de suivre des cours de conduite ou de vendre son automobile et utiliser le transport en commun !

En assurance habitation, pour une protection supplémentaire de 500 $, l’option 1 coûte 20 $ de plus, soit une variation de 4 % (20 ÷ 500) pour la protection supplémentaire. En choisissant l’option 2, il faudra 25 ans pour accumuler l’écart de franchise. À première vue, ce coût additionnel semble peu élevé, mais avec un ratio prime supplémentaire/écart de protection de 4 %, assurer une maison de 400 000 $ reviendrait tout de même à 16 000 $.

On constate le même genre de phénomène du côté de l’assurance de personnes. Selon les auteurs ­Shlomo ­Benartzi et ­Jonah Lehrer[2], 65 % des personnes choisissent le plan d’assurance maladie complémentaire A plutôt que le B lorsque confrontés au choix suivant :

A) ­Franchise annuelle de 1 000 $ et prime mensuelle de 150 $ B) ­Franchise annuelle de 1 500 $ et prime mensuelle de 100 $

Quel que soit le niveau des réclamations, l’option B est toujours meilleure. Le tableau suivant illustre le coût total (prime + franchise) selon différents scénarios de réclamation.

archive_article_novembre_2017_pl_fin_tolerance_risque_tableau_2_450 Ces quelques exemples démontrent que la majorité des gens n’ont pas tendance à calculer au moment de choisir leur franchise, ou qu’ils sont tout simplement plus préoccupés par leur budget que le coût total. Un planificateur financier peut les aider à comprendre les conséquences de leurs choix et leur suggérer d’accumuler un fonds d’urgence pour acquitter une éventuelle franchise grâce, entre autres, à l’économie de prime que procurent les franchises plus élevées.

Ainsi, l’assurance est un outil fantastique pour gérer les risques que les clients ne peuvent pas assumer financièrement, mais ne devrait pas servir à payer les dépenses qu’ils devraient plutôt inclure dans leur budget.

Denis ­Preston, ­CPA, ­CGA, ­FRM, ­GPC, ­Pl. Fin., est formateur et consultant.


[1] Assurances auto et habitation : enquête de prix auprès de 14 compagnies, goo.gl/cHzpvF [2] The Smarter Screen – Surprising Ways to Influence and Improve Online Behavior, goo.gl/mwG7F1


• Ce texte est paru dans l’édition de novembre 2017 de Conseiller.

Denis Preston