Démystifier l’Incitatif à l’achat d’une première propriété

Par Hugo Neveu | 29 novembre 2019 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Blocs de bois sur une table.
Photo : gajus / 123RF

Le budget fédéral 2019 a souri à ceux qui caressaient l’idée d’acquérir une première maison. Parmi les mesures annoncées, notons l’Incitatif à l’achat d’une première propriété (IAPP). Comment ça marche?

Ce projet est offert en collaboration avec trois assureurs hypothécaires : la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL), Genworth et Canada Guaranty. Il est a priori destiné aux premiers acheteurs.

Qu’est-ce qu’un premier acheteur?

Bien que nous pourrions penser que la définition d’un premier acheteur est assez simple, ce n’est pas nécessairement le cas. Très similaire à celle du régime d’accession à la propriété, cette définition inclut également les gens qui se séparent ou divorcent.

Pour être considéré comme un premier acquéreur à la propriété, votre client doit répondre à l’un des critères suivants :

  • il n’a jamais acheté de maison
  • il a récemment vécu la dissolution de son mariage ou union de fait
  • au cours des quatre dernières années, il n’a pas vécu dans une maison lui appartenant ou appartenant à son époux ou conjoint de fait actuel

Les séparations sont fréquentes et le gouvernement y a pensé. Ce programme risque donc d’être fort populaire, même pour des gens qui ont déjà été propriétaires.

D’autres conditions s’appliquent, notamment d’avoir un revenu annuel familial admissible de 120 000 $ ou moins.

En quoi consiste l’IAPP?

L’IAPP réduit les mensualités hypothécaires des premiers acheteurs sans accroître leur fardeau financier.

Le gouvernement du Canada leur offre ainsi un prêt hypothécaire avec participation. Il s’agit d’un investissement partagé, ce qui veut dire que l’État partage avec l’emprunteur à la fois les risques entourant le prêt, mais aussi la hausse de la valeur de la propriété.

Les nouveaux acquéreurs peuvent donc obtenir un prêt de :

  • 5 % du prix d’achat pour une propriété existante
  • 5 ou 10 % pour une habitation neuve

Ce prêt ne porte pas intérêt, ne comporte aucune obligation de paiement régulier du capital et peut être remboursé intégralement en tout temps sans pénalité.

L’IAPP ne remplace pas la mise de fonds exigible que le consommateur doit lui-même débourser. Il devra ainsi mettre un minimum de 5 % pour l’achat d’une propriété d’un ou deux logements qu’il occupe, ou encore 10 % de ses propres ressources pour un immeuble de trois ou quatre logements qu’il habitera. L’incitatif viendra alors s’ajouter à sa mise de fonds initiale.

Le coût de son assurance prêt hypothécaire s’en verra réduite. L’IAPP étant calculé comme une mise de fonds admissible, la prime sera réduite en conséquence.

Un client qui achète un condo existant de 250 000 $ et dépose 5 %, soit 12 500 $, de mise de fonds devrait actuellement payer une prime de 9 500 $, soit 4 % de 237 500 $.

Ce même client, bénéficiant de l’incitatif de 5 % supplémentaire, paierait plutôt une prime de 6 975 $ plus taxe1, soit 3,10 % de 225 000 $.

Cela aura évidemment aussi des répercussions sur le paiement mensuel qu’aura à verser le client. Pour un prêt amorti sur 25 ans, avec un taux de 3 %, on se retrouve donc d’un côté avec un prêt de 247 000 $ (237 500 $ + la prime de 9 500 $), pour un paiement mensuel d’environ 1 168,92 $, contre un prêt de 231 975 $ (225 000 $ + la prime de 6 975 $) et un paiement mensuel d’environ 1 097,81 $. Soit une différence de 71,11 $ par mois, un total de 4 266,60 $ sur 60 mois consécutifs.

Un cadeau ne vient jamais seul

Il y a toutefois plusieurs inconvénients à l’IAPP. Celui-ci étant enregistré comme une hypothèque de deuxième rang, des frais de transaction s’ajouteront aux coûts habituels des notaires. On parle d’environ 500 $ supplémentaires pour l’enregistrement de l’IAPP, selon les premières informations que j’ai obtenues à cet effet.

Par la suite, le client devra rembourser l’incitatif de 5 ou 10 % à la juste valeur marchande qu’a la propriété au moment du paiement.

Et ce, à la première des dates suivantes :

  • vente de la demeure
  • fin de la période d’amortissement de 25 ans
  • à tout moment en remboursant volontairement le montant total de l’incitatif

Un acheteur qui a payé 200 000 $ et obtenu un prêt de l’IAPP de 5 %, soit 10 000 $, et qui revend son habitation 260 000 $ devra rembourser 13 000 $.

Il est aussi vrai de dire que s’il revend sa maison 180 000 $, il ne devra rembourser que 9 000 $. Le risque est donc partagé entre les parties.

Là encore, il devra faire effectuer une quittance de ce prêt de deuxième rang et ainsi payer des frais supplémentaires d’environ 500 $ à cet effet, en plus des 500 $ déboursés lorsqu’il a contracté le prêt. L’IAPP est-il bénéfique pour vos clients? Tout n’est pas blanc ou noir. Pour plus d’informations, vous pouvez consulter le www.lincitatif.com. Vous y trouverez notamment un outil d’autoévaluation pour que votre client puisse déterminer si l’utiliser est rentable dans sa situation.

Bonne discussion!

Hugo Neveu est courtier hypothécaire agréé à Planiprêt et directeur au développement hypothécaire pour AFL Groupe Financier.


1 Une taxe de 9 % s’applique sur la prime et n’a pas été prise en compte, car elle ne peut pas être capitalisée dans l’emprunt.


• Ce texte est paru dans l’édition de novembre-décembre 2019 de Conseiller. Vous pouvez consulter l’ensemble du numéro sur notre site Web.

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