Hypothèque traditionnelle ou « parapluie » : faire la différence

Par Hugo Neveu | 1 juin 2018 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Photo : flynt / 123RF

Devenu courant dans l’offre des institutions financières, l’acte de garantie hypothécaire, ou « hypothèque parapluie », s’applique peut-être déjà à l’emprunt de votre client sans qu’il ne le sache. Il importe de bien le comprendre pour faire un choix avisé, puisqu’il n’est pas avantageux pour tout le monde.

Récemment, un article intitulé « L’hypothèque parapluie en travers de la gorge… et pire encore »[1] a provoqué maintes questions de la part de mes clients à propos de la fameuse « hypothèque parapluie »[2]. Il ne s’agit aucunement d’une sorte de financement vous protégeant des jours pluvieux. Peut-être est-elle même signe de tempête à l’horizon ! Mais calmons-nous, tout n’est pas si noir non plus.

L’acte de garantie hypothécaire est beaucoup plus répandu que l’on pourrait le croire. L’emprunt de votre client a même plus de chance d’être de type parapluie que traditionnel puisque la majorité des institutions financières offre désormais ce type de financement. Auparavant, ce genre de prêt concernait principalement les produits à marge de crédit hypothécaire, mais il est depuis devenu la norme dans l’industrie, ou presque.

Dans une hypothèque parapluie, l’institution financière prend une garantie plus élevée que la valeur totale de la propriété, ce qui lui permettra éventuellement de garantir les dettes futures du propriétaire. Pensons ici à une augmentation du prêt hypothécaire pour effectuer des rénovations, sans devoir retourner chez le notaire.

L’ENVERS DE LA MÉDAILLE 

A priori, le concept semble excellent, car si la demeure prend de la valeur et que le client a besoin de liquidités, la garantie initiale permettra de récupérer une certaine somme sans trop de paperasserie. Génial, non ? Ça dépend pour qui. Cet avantage indéniable vient cependant avec un gros défaut : il rend le prêt impossible à subroger. Subroquoi ?

Résumée de façon très simpliste, la subrogation d’un prêt hypothécaire consiste à transférer l’hypothèque d’une institution financière vers une autre tout en conservant les caractéristiques initiales de la première hypothèque, comme l’amortissement et le solde de prêt restant. En termes clairs, changer de banque, en cours de terme ou à l’échéance, afin de bénéficier de meilleures conditions.

On ne peut pas subroger un acte parapluie, c’est-à-dire qu’il n’est pas transférable d’une banque à une autre sans modification complète et radiation de l’acte notarié. Ce qui comporte non seulement des frais, mais peut aussi grandement réduire les possibilités de négociation d’un emprunteur.

Prenons l’exemple d’un couple qui achète aujourd’hui une maison d’une valeur de 240 000 dollars avec une mise de fonds de 5 %. L’emprunt, incluant la prime d’assurance prêt hypothécaire, sera initialement de 237 120 $, soit 240 000 $ moins 5 % (12 000 $), montant auquel s’ajoute 9 120 $ de prime. Amorti sur 25 ans et à un taux de 3,5 %, ce prêt s’élèvera à environ 204 587 $ après cinq ans.

Disons que la valeur de la demeure a augmenté à 250 000 $. Le solde du prêt par rapport à la valeur marchande, qu’on nomme ratio prêt-valeur (RPV), se chiffrera à 81,83 %. C’est donc dire que le solde du prêt représente 81,83 % de la valeur marchande de l’immeuble. Ce qui est en soi un gros problème si l’emprunt ne peut pas être subrogé !

Les normes et lois en vigueur ne permettent pas de refinancer une propriété à plus de 80 % de sa valeur marchande, mais elles permettent de subroger une telle hypothèque. Un prêt traditionnel pourra donc être négocié et transféré dans une autre institution financière, alors qu’avec une « hypothèque parapluie », le client se retrouvera coincé et forcé de négocier seulement avec l’institution du début, le laissant avec très peu de marge de manœuvre.

L’acte de garantie hypothécaire peut donc être très avantageux pour certains, mais moins pour d’autres. Pour des conseils avisés et pour éviter « l’hypothèque parapluie en travers de la gorge… et pire encore »[1], votre client devrait consulter un courtier hypothécaire dûment enregistré à l’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec. Selon sa situation, il pourra le guider vers un « acte parapluie » ou un prêt traditionnel, car plusieurs sociétés de financement hypothécaire l’offrent encore.

Hugo Neveu est courtier hypothécaire agréé à Planiprêt, ainsi que directeur au développement hypothécaire pour AFL Groupe Financier.

[1] La Presse, « L’hypothèque parapluie en travers de la gorge… et pire encore », bit.ly/2rc2ij6 [2] Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec, « Connaissez-vous les hypothèques parapluie ? », bit.ly/2vVAtBa


• Ce texte est paru dans l’édition de juin 2018 de Conseiller.

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