Impôt au décès : mieux vaut prévenir que guérir!

Par Marie-Claude Riendeau | 4 mai 2018 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Aleksandr Kalugin / 123RF

Vous recevez un appel téléphonique vous annonçant le décès de l’un de vos clients. Votre interlocuteur se présente comme étant le fils du défunt et vous indique que tous les biens de son père sont légués à sa mère. ­Savez-vous quels risques vous courez en réagissant trop rapidement ou trop tardivement à cette nouvelle ? ­Des conséquences fiscales inattendues sont également susceptibles d’en résulter.

Revenons d’abord sur certaines notions essentielles et préalables à toute intervention dans un tel dossier. Premièrement, seule une preuve de décès officielle peut établir le décès[1]. Deuxièmement, seul le représentant légal du défunt peut agir pour régler une succession. Il s’agit du liquidateur. Troisièmement, ­celui-ci est habituellement désigné dans le testament du défunt.

Enfin, les personnes qui ont le droit de se partager les biens du défunt sont soit :

  • nommées à titre de légataires dans son testament
  • désignées comme bénéficiaires de polices d’assurance vie ou de certaines rentes
  • mentionnées dans le contrat de mariage signé par le défunt
  • déterminées par la loi si le défunt est décédé sans testament
  • ou, le cas échéant, créancières de dettes alimentaires ou patrimoniales

Vous devez valider ces informations et vous assurer que ces règles sont respectées avant que qui que ce soit puisse vous autoriser à intervenir à titre de conseiller dans le compte d’un client décédé. Plusieurs autres vérifications, tant sur le plan juridique que sur le plan comptable, doivent être effectuées par le liquidateur dans le cadre du règlement d’une succession. À cet effet, vous pouvez consulter la publication ­Que faire lors d’un décès, réalisée par le gouvernement du ­Québec[2].

CONSIDÉRATIONS FISCALES 

Ajoutons maintenant certains aspects à prendre en compte du point de vue fiscal. Un défunt est réputé avoir disposé de la majorité de ses biens à leur juste valeur marchande en date de son décès. Ainsi, les gains en capital réalisés sur ses biens, dont ses comptes non enregistrés, devront être indiqués dans la déclaration de revenus pour l’année du décès.

Gardez en mémoire que si certains titres du compte non enregistré ayant appartenu au défunt peuvent être transférés à son conjoint, aucun impôt n’aura à être payé[3]. Ce sera plutôt le conjoint qui, lors de la vente des biens ou à son décès, devra payer les impôts exigibles.

Une telle manœuvre n’est toutefois possible que si le conseiller prend soin de transférer au conjoint survivant, dans le cadre de la liquidation de la succession, le même titre que celui qui appartenait au défunt en date de son décès. Ce transfert doit être effectué dans les 36 mois suivant le décès[4]. Évitez d’effectuer des transactions trop rapidement sur le compte non enregistré d’un client décédé, car la vente d’un titre avant qu’il y ait eu transfert au compte non enregistré du conjoint survivant aura malheureusement pour effet d’empêcher le report d’impôt[5].

Il est aussi prudent de ne pas agir avec précipitation dans les cas où les biens ne sont pas légués au conjoint survivant. En effet, tant que les biens demeureront au nom du client décédé ou de sa succession, il sera possible de réduire les impôts exigibles pour l’année du décès si des pertes en capital résultent de transactions effectuées dans la première année de sa succession. C’est le cas, par exemple, d’une perte en capital découlant de la vente de titres boursiers par le liquidateur dans la première année d’imposition de la succession. Il pourrait ainsi choisir de la déduire dans la déclaration de revenus finale du défunt afin de réduire son impôt à payer[6].

Pendant les 36 mois qui suivront le décès de votre client, sa succession pourra aussi tirer avantage des taux progressifs pour tout revenu gagné après la date du décès ou gain en capital provenant d’une transaction effectuée après le décès.

Cependant, tarder à agir peut aussi entraîner des conséquences fiscales. Par exemple, aucune cotisation ne pourra être versée au ­REER de votre client après son décès. Toutefois, si votre client avait des droits de cotisation inutilisés à son ­REER en date de son décès, un versement pourra être effectué au ­REER du conjoint survivant et être déduit dans la déclaration d’impôt finale du défunt.

Cette cotisation doit cependant être effectuée au plus tard dans les 60 jours suivant la fin de l’année du décès, à la condition que le conjoint survivant ait le droit de recevoir ce montant en vertu de la succession du défunt.

Puisque que chaque situation est unique, ayez le bon réflexe : faites intervenir le plus tôt possible le juriste et le comptable de votre client décédé. Plus ces professionnels participent tôt au règlement d’une succession, plus vous éviterez de mauvaises surprises. ­ Marie-Claude ­Riendeau, ­LL.B, D.D.N., M.Fisc., ­Pl. Fin., ­TEP, est ­vice-présidente, planification fiscale, de la retraite et successorale à ­Placements ­CI.


[1] Au Québec, la preuve de décès officielle est émise par le Directeur de l’état civil, mais certaines instances acceptent l’original de la preuve de décès produite par le salon funéraire. [2] Services Québec, Que faire lors d’un décès, bit.ly/2DO4Ecb [3] LIR, paragraphe 70(6) [4] Ou si le représentant de la succession demande par écrit à l’Agence du revenu du Canada et à Revenu Québec un délai plus long jugé raisonnable dans les circonstances. [5] Interprétation technique de l’ARC : 2010-0371911C6 [6] LIR, paragraphe 164(6)


• Ce texte est paru dans l’édition de mai 2018 de Conseiller.

Marie-Claude Riendeau