Impôt : quelles mesures contre les clients cachottiers?

Par Me Maxime Alepin | 3 février 2018 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
5 minutes de lecture
Aleksandr Kalugin / 123RF

Notre système fiscal en est un d’autocotisation. Étant donné les ressources limitées des autorités fiscales et les coûts afférents aux vérifications, chaque personne et chaque entreprise doit, sauf exception, produire une déclaration de revenus annuellement et, s’il y a lieu, des déclarations de taxes et de retenues à la source, le tout dans les délais prescrits.

Ce système a été conçu pour que chacun paie sa juste part d’impôt, en se basant sur le principe que chaque personne est honnête et de bonne foi. Ceci étant dit, pour différentes raisons, certains décident de se soustraire à leurs obligations, en tout ou en partie, par exemple en ne déclarant pas tous leurs revenus mondiaux.

ÉCHANGE DE RENSEIGNEMENTS À L’INTERNATIONAL 

Afin de pallier cette situation et de récupérer les sommes qui lui sont dues tout en évitant la double imposition, le gouvernement canadien a signé des conventions fiscales ou entamé des pourparlers avec près d’une centaine de pays à ce jour. Ces conventions permettent notamment à l’Agence du revenu du ­Canada (ARC) ainsi qu’à ­Revenu ­Québec (RQ) d’obtenir des renseignements sur les contribuables canadiens ayant des éléments d’actif à l’étranger.

Les négociations des dernières années ont également mené à la signature, en juin 2017, de la ­Convention multilatérale pour la mise en œuvre des mesures relatives aux conventions fiscales pour prévenir l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices (­ci-après la « ­Convention multilatérale »), proposée par l’Organisation de coopération et de développement économiques.

Cet accord a pour objectif d’établir des mesures facilitant la modification des conventions fiscales bilatérales entre les pays afin de contrer l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices (BEPS, de l’anglais base erosion and profit shifting). On vise particulièrement les planifications qui profitent des failles des systèmes fiscaux de différents pays pour permettre à une entreprise de transférer ses revenus dans un État qui offre un taux d’imposition inférieur.

La prochaine étape pour le ­Canada sera d’intégrer la ­Convention multilatérale dans la législation canadienne, ce qui devrait être fait au courant de l’année 2018.

Les fuites d’information et scandales récents, tels que ­SwissLeaks, les ­Panama ­Papers et les ­Paradise ­Papers, sont des arguments additionnels motivant les pays à s’échanger des renseignements sur leurs contribuables. Les conventions fiscales et les changements à venir après l’entrée en vigueur de la ­Convention multilatérale faciliteront notamment la transmission d’informations entre

États afin qu’ils corroborent les renseignements fournis par les contribuables et les entreprises dans leurs déclarations de revenus et, s’il y a lieu, réclament à ces derniers l’impôt sur les revenus non déclarés.

Ceux qui n’auraient pas déclaré l’ensemble de leurs revenus mondiaux auraient avantage à mettre à jour leurs renseignements auprès de l’ARC et de ­RQ, par exemple en faisant dès que possible une demande de divulgation volontaire.

PROGRAMME DE DIVULGATION VOLONTAIRE 

En plus des conventions internationales signées par le gouvernement du ­Canada, l’ARC a voulu mettre à jour son programme de divulgations volontaires avec la publication, le 15 décembre 2017, de la nouvelle circulaire d’information ­IC00-1R6 - ­Programme des divulgations volontaires.

Afin de donner une seconde chance aux contribuables et entreprises en défaut, l’ARC (ainsi que ­RQ) permet depuis plusieurs années déjà de divulguer les omissions ou les fausses déclarations qui leur auraient permis de se soustraire au paiement d’impôts et de taxes.

Cela leur évite surtout des poursuites au criminel, de devoir payer des sommes encore plus importantes en pénalités et intérêts, en plus de l’impôt dû, sans oublier la paix d’esprit qu’une divulgation volontaire apporte. En effet, la personne qui en fait une se voit exonérée du paiement des pénalités ainsi que d’une partie des intérêts.

Le contribuable ou la société qui voudrait en bénéficier aurait avantage à s’y prendre dès maintenant, et ce, avant l’entrée en vigueur le 1er mars 2018 du nouveau programme de l’ARC, vu les modifications qui y sont prévues.

En effet, l’Agence a non seulement resserré les critères permettant de faire une divulgation volontaire, mais aussi aboli le programme de divulgation volontaire anonyme.

Certaines des modifications prévoient plus précisément :

  • L’abolition de la possibilité de faire une demande de divulgation anonyme permettant de ne pas révéler son identité dans les 90 jours suivant l’envoi de sa demande
  • ­Le remplacement de la divulgation anonyme par un service de discussion anonyme avec un agent de l’ARC, préalable à la divulgation qui, elle, ne sera pas anonyme
  • ­La création d’un programme limité pour certains contribuables (par exemple, ceux qui se sont soustraits intentionnellement à leurs obligations fiscales), qui verront les allègements être réduits. Ils s’éviteront seulement les pénalités pour faute lourde, alors que les autres types de pénalités et intérêts leur seront imposés.
  • ­La limitation de l’allègement des pénalités et intérêts à certaines années pour les contribuables dont la demande sera traitée dans le cadre du programme limité
  • L’obligation de joindre à la demande le montant estimé de l’impôt à payer ou, lorsque le contribuable n’a pas la capacité d’effectuer ledit versement, de prendre une entente de paiement en fournissant les preuves de ses revenus, dépenses, actif et passif
  • L’obligation de renoncer aux droits d’opposition et d’appel à l’égard des cotisations établies qui font l’objet de la demande de divulgation volontaire

Il est important de noter que l’Agence peut refuser les divulgations volontaires de certains contribuables si elles ne respectent pas les critères du programme. Dans ces circonstances, il est fortement recommandé de consulter un avocat afin de faire une demande conforme, et ce, dans les meilleurs délais.

maxime_alepin_thumb_150x150 Me ­Maxime ­Alepin et Me ­Jean-Paul Melko sont avocats chezAlepinGauthierAvocatsInc.

­Ce texte contient de l’information juridique d’ordre général et ne devrait pas remplacer un conseil juridique auprès d’un avocat qui tiendra compte des particularités de la situation de vos clients.


• Ce texte est paru dans l’édition de février 2018 de Conseiller.

Me Maxime Alepin