La diversité, qu’ossa donne?

Par Christine Bouthillier | 12 mars 2018 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Christine Bouthillier

On a souvent déploré le manque de diversité de l’industrie des services financiers. Un secteur fréquemment dépeint comme un rassemblement d’hommes d’un certain âge, d’une certaine culture et d’une certaine orientation sexuelle, prenant des décisions entre hommes d’un certain âge, d’une certaine culture et d’une certaine orientation sexuelle.

Il semble que les choses commencent à changer (voir Quelle place pour la diversité dans l’industrie?). Que l’industrie canadienne de la finance et de l’assurance, comme beaucoup d’autres, s’ouvre davantage et reflète plus fidèlement les multiples facettes de la société d’aujourd’hui. Ce n’est pas parfait, mais c’est déjà un bon pas en avant.

Le chemin parcouru est particulièrement notable du côté de la présence féminine. Les femmes constituent près de la moitié (49,5 %) des membres de la ­Chambre de la sécurité financière, alors qu’elles représentent 49,8 % de la population du pays, selon ­Statistique ­Canada.

Fait intéressant : toutes les grandes banques canadiennes emploient davantage de femmes que d’hommes, et ce, depuis de nombreuses années (ce qui inclut cependant des postes qui ne sont pas directement liés à la finance ou l’assurance, par exemple les employées qui assument des fonctions administratives).

Et même si elles restent minoritaires aux postes de direction, les femmes y sont de plus en plus nombreuses. Elles constituent de 27,2 à 46,3 % des dirigeantes des grandes banques canadiennes et de 35 à 41,2 % des membres de leur conseil d’administration (CA). En comparaison, seuls 14 % des membres du ­CA des entreprises canadiennes cotées en ­Bourse sont des femmes. L’industrie des services financiers se démarque donc en la matière. Pas mal pour un boys club, non?

D’AUTRES FACETTES

Mais la diversité ne se limite pas à la présence féminine. Qu’en ­est-il de la représentation des communautés culturelles et ­LGBTQ?

Les minorités visibles constituaient 19,1 % de la population canadienne en 2011, selon ­Statistique ­Canada. De leur côté, les grandes banques canadiennes présentent des taux d’employés issus des communautés culturelles allant de 17,9 à 36,2 %. Évidemment, toutes les minorités culturelles ne sont pas nécessairement visibles, ce qui peut expliquer la différence entre les données. Reste que ces chiffres semblent plutôt encourageants.

Aucune donnée cependant sur la représentation des communautés culturelles aux postes de direction. Selon les impressions des intervenants interrogés par ­Conseiller, c’est là que le bât blesse particulièrement. Voilà donc une piste d’amélioration à suivre, surtout qu’il ne semble pas manquer de candidats.

Difficile d’évaluer le pourcentage d’employés issus de la communauté LGBTQ, car les données sur le sujet à l’échelle de l’industrie sont pratiquement inexistantes. Néanmoins, les témoignages recueillis font état d’une plus grande ouverture… dans certains cas. Si l’homosexualité semble être assez bien acceptée, ce n’est pas toujours le cas de la transsexualité, par exemple.

Devant cette multiplicité des différences, comment s’assurer de lutter contre tous les types de préjugés et ainsi être plus inclusif de façon générale dans l’industrie ? ­Car on n’oppose pas les mêmes idées préconçues à chaque groupe. Chaque situation requiert une réponse différente.

L’approche plus généraliste, appliquée notamment chez ­Desjardins et à la ­Banque ­Nationale, semble donc intéressante. Plutôt que d’offrir des formations spécifiques sur certaines formes de diversité, il s’agit de sensibiliser employés et gestionnaires à la différence au sens large. Une solution qui peut se marier aisément avec la mise sur pied de ­groupes-ressources pour chacune des communautés afin de les appuyer de façon plus spécifique.

QUE DES AVANTAGES 

Si plusieurs entreprises de l’industrie essaient d’encourager la diversité, ce n’est pas seulement pour se donner bonne conscience, ou présenter une image respectable. Confronter une multitude de points de vue, ça rapporte.

« ­Du choc des idées jaillit la lumière », disait au 17e siècle l’écrivain français ­Nicolas ­Boileau. Un proverbe qui semble avoir conservé toute sa pertinence. De la pluralité des points de vue naissent les meilleures idées… et les meilleurs résultats, montrent de nombreuses études.

La cofondatrice du ­robot-conseiller pour femmes ­Ellevest, ­Sallie ­Krawcheck, va même jusqu’à attribuer la crise de 2008 au manque de diversité. Personne n’a rien vu venir, car tout le monde pensait pareil, ­soutenait-elle l’an dernier en conférence à ­Montréal1.

Un personnel plus diversifié attire également une clientèle plus diversifiée, car elle se sent représentée. Ainsi, pas d’excuse pour ne pas embarquer dans le train de l’inclusion, il n’y a que des avantages! ­Même si du chemin reste à faire, plusieurs entreprises semblent l’avoir compris. En espérant en voir les fruits dans les prochaines années.

Christine Bouthillier est directrice principale de contenu à Conseiller.

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• Ce texte est paru dans l’édition de mars 2018 de Conseiller.

Christine Bouthillier

Titulaire d’un baccalauréat en science politique et d’une maîtrise en communication de l’Université du Québec à Montréal, Christine Bouthillier est journaliste depuis 2007. Elle a débuté sa carrière dans différents hebdomadaires de la Montérégie comme journaliste, puis comme rédactrice en chef. Elle a ensuite fait le saut du côté des quotidiens. Elle a ainsi été journaliste au Journal de Montréal et directrice adjointe à l’information du journal 24 Heures. Elle travaille à Conseiller depuis 2014. Elle y est entrée comme rédactrice en chef adjointe au web, puis est devenue directrice principale de contenu de la marque (web et papier) en 2017, poste qu’elle occupe encore aujourd’hui.