Le transfert d’un IRA des États-Unis au Canada

Par Karine Précourt | 22 octobre 2019 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Le détenteur de longue date d’une carte verte aux États-Unis (résident permanent) est sujet à des règles de disposition fiscale lorsqu’il renonce à son statut. S’il a accumulé de l’actif dans un compte de retraite individuel à report d’impôt (individual retirement account ou IRA) et est revenu au Canada, il devra prendre plusieurs précautions s’il souhaite transférer son IRA à un REER.

Il devra en effet suivre dans l’ordre les étapes nécessaires pour rompre ses liens avec les États-Unis afin d’éviter que le transfert lui soit fiscalement défavorable. L’actif de son IRA devra être déplacé vers son REER avant qu’il n’abandonne sa carte verte.

Traitement fiscal américain

Dans l’année du transfert de l’IRA au REER En vertu de la législation américaine, le transfert d’un IRA à un REER oblige le contribuable à inclure l’IRA dans sa déclaration de revenus aux États-Unis. Certains régimes de retraite exigent un impôt supplémentaire de 10 % de la juste valeur marchande (JVM) des actifs lorsque les comptes sont résiliés avant que le contribuable ait atteint l’âge de 59 ans et demi. Au Canada, les contribuables qui ont été l’objet de ces impôts peuvent néanmoins bénéficier du crédit pour impôt étranger (CIE) au fédéral et au Québec.

Dans l’année de l’abandon de la carte verte Aux États-Unis, un « expatrié couvert » est celui qui, le jour de son expatriation (où il abandonne sa carte verte), détient un « intérêt » dans un IRA (un droit dans la valeur des actifs accumulés à l’IRA), a été résident permanent huit des 15 années précédant ce jour et se trouve dans une des situations suivantes :

  • A un actif net de 2 M$ US ou plus aux États-Unis ;
  • Avait un revenu annuel moyen excédant 160 000 $ au cours des cinq dernières années ;
  • A demandé à bénéficier d’un traité fiscal comme résident d’un autre pays ;
  • N’a pas fait attester sa situation fiscale par les administrations fiscales.

En principe, l’expatrié couvert est réputé avoir reçu une distribution correspondant à la totalité de son intérêt (à la JVM de l’actif) dans son IRA le jour précédant son expatriation.

Lorsque le résident permanent a déjà transféré son IRA au REER au moment d’abandonner sa carte verte, il n’a pas à inclure de montant provenant de l’IRA dans sa déclaration de revenus américaine l’année de l’abandon si elle est ultérieure à l’année du transfert de son IRA puisque le compte n’existe plus aux États-Unis.

En revanche, s’il abandonne sa carte verte avant de transférer son IRA, il sera réputé avoir reçu la JVM de l’actif de l’IRA le jour précédant celui de son expatriation et devra inclure ce montant dans sa déclaration de revenus aux États-Unis. Il n’aura pas à inclure le montant dans sa déclaration de revenus américaine de l’année où il procédera au transfert puisqu’il aura déjà été imposé au moment de l’abandon de sa carte verte.

Traitement fiscal canadien

Dans l’année du transfert de l’IRA au REER Au Canada, l’IRA est considéré comme un « mécanisme de retraite étranger » (MRE)1. Rappelons qu’en vertu des lois américaines, lorsque l’IRA est transféré avant l’abandon de la carte verte, un impôt est à payer aux États-Unis au moment du transfert et le contribuable n’est assujetti à aucun impôt dû au compte lorsqu’il abandonne sa carte verte.

Par contre, au Canada, suivant la division 56(1)a)(i)(C.1) LIR, le contribuable doit inclure toute somme reçue d’un MRE dans son revenu de l’année du transfert2. En vertu de l’alinéa 60j) LIR, il pourra réclamer une déduction équivalant au montant transféré du MRE au REER de son revenu de l’année si les sommes :

  • N’ont pas été déduites au cours d’une année antérieure ;
  • Correspondent à un montant admissible selon l’article 60.01 LIR, c’est-à-dire un paiement visé par la division 56(1)a)(i)(C.1) LIR que le contribuable a reçu au cours de l’année dans le cadre d’un MRE (critère du « montant reçu ») ;
  • Sont déjà indiquées dans sa déclaration de revenus canadienne produite pour l’année ;
  • Ne dépassent pas le total des montants qu’il a versés à son REER au cours de l’année ou dans les 60 jours suivants la fin d’année.

Dans l’année de l’abandon de la carte verte Si le contribuable abandonnait sa carte verte avant de transférer son IRA, on présumerait qu’un montant de MRE a été versé au particulier3.

En vertu de cette présomption et de la division 56(1)a)(i)(C.1) LIR, le contribuable devra inclure la JVM de son IRA dans le calcul de son revenu de l’année de l’abandon. En outre, selon l’alinéa 60j) et l’article 60.01 LIR, il ne pourra pas déduire le montant transféré de ses revenus parce que la distribution réputée ne respectera pas le critère du « montant reçu ». De plus, le montant transféré au REER réduira d’autant ses droits d’y cotiser.

À certaines conditions, l’impôt payé aux États-Unis pourrait donner lieu au CIE au Canada. Tout dépendant de ses revenus, le contribuable pourrait réclamer une déduction REER équivalant au montant transféré dans l’année ou par la suite.

Ainsi, à titre d’exemple, un résident canadien détenteur de la carte verte aux États-Unis, qui y aurait travaillé huit ans et aurait accumulé de l’actif d’une valeur de 3 M$ US, qui envisage d’abandonner sa carte verte, puis de transférer son IRA au Canada, pourrait subir des conséquences fiscales désavantageuses.

Ce serait le cas même si les deux événements étaient réalisés au cours de deux années différentes, selon l’interprétation technique 2017‑0682301E5 de l’Agence du revenu du Canada (ARC). De plus, les conséquences fiscales décrites seraient similaires advenant que le résident canadien soit citoyen américain plutôt que détenteur de carte verte. Dans l’interprétation technique 2018‑0750411E5, l’ARC indique par ailleurs qu’elle portera la situation à l’attention du ministère des Finances et que des changements législatifs pourraient être apportés ultérieurement.

Karine Précourt est directrice, Planification du patrimoine et fiscalité à BMO Gestion privée.

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1 En vertu du paragraphe 248(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu (LIR), un « mécanisme de retraite étranger » est un régime ou un mécanisme auquel s’appliquent les alinéas 408a), b) ou h) de la loi américaine intitulée Internal Revenue Code of 1986 et ses modifications successives. C’est le cas de l’IRA. 2 Il n’a pas à l’inclure si le paiement était exclu du revenu du contribuable aux fins de l’impôt sur le revenu dans le pays où le MRE était établi. 3 Paragraphe 56(12) LIR.

Karine Précourt