Les saisons de la Bourse

Par Philippe Pratte | 6 janvier 2018 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Maitree Laipitaksin / 123RF

En finance comme ailleurs, l’histoire se répète (parfois). Parmi les dictons les plus populaires de l’industrie, on retrouve « ­Sell in ­May and go away » et « ­Don’t forget to come back in ­September ».

Ils ne sortent pas de nulle part, ils sont issus de la tendance des indices boursiers, dont les résultats sont généralement plus faibles en été qu’en hiver. Autre exemple : la neuvième journée de négociation de mars s’est avérée positive 70 % du temps pour l’indice ­Nasdaq depuis 1986.

Les tendances reviennent, les cycles recommencent. On n’a qu’à penser à la mode ! ­Combien de fois ­a-t-on vu un vêtement qui semble dater d’une époque lointaine revenir au goût du jour ? Quelques modifications et le voilà actuel, « à la mode » d’aujourd’hui.

On retrouve également ce type d’analogie en ­Bourse. Les cycles passent, des similitudes peuvent être remarquées, mais ils diffèrent toujours légèrement d’une fois à l’autre. Comment expliquer cette récurrence ? J’estime que c’est en grande partie attribuable à la nature humaine, qui a une tendance à la nostalgie, d’où les cycles qui reviennent sans cesse.

Chaque mois comporte ses forces et ses faiblesses en matière d’investissement. Que nous enseignent les tendances passées ? Quels marchés, secteurs et même produits de base sont à privilégier et à éviter pour chaque période ?

Je ne possède aucune boule de cristal et il est impossible de prédire avec une certitude absolue ce qui se déroulera sur les marchés. Pour répondre à ces questions, je me baserai sur l’analyse statistique, non pas comme guide, mais plutôt à la manière d’un ­GPS, qui propose plusieurs chemins. À vous de choisir celui qui vous convient. Les tendances, bien que récurrentes, ne reviennent pas systématiquement chaque année. Même si ces cycles saisonniers ne représentent qu’un critère parmi tant d’autres, en prendre connaissance est certainement un atout dans une stratégie financière.

LE « ­JANUARY EFFECT »

Nous voici en janvier 2018. Chaque année débute avec des résolutions, et les résolutions financières figurent, selon mon expérience, parmi les plus populaires. Elles participent d’ailleurs au « ­January effect », qui veut que les investisseurs anticipent avec un certain enthousiasme cette période de l’année, le mois de janvier étant traditionnellement reconnu pour sa croissance sur les cours boursiers. Depuis 1950, il détenait le record du mois le plus performant pour les marchés ­nord-américains.

Toutefois, cet élan s’est aujourd’hui dissipé. Dans la dernière décennie, le S&P 500 a enregistré un recul moyen de -1,70 % au mois de janvier. Celui de 2016 a été désastreux, le S&P 500 ayant perdu plus de 5,1 %.

Auparavant, la performance de janvier était un indicateur important du reste de l’année financière. S’il se terminait dans le vert, 11 mois plus tard, les titres boursiers clôturaient généralement l’année sur une note positive, et ­vice-versa. Depuis quelques années, la corrélation entre janvier et la fin de l’année ne semble plus être la norme. L’an 2016 est un excellent exemple, alors que janvier s’est amorcé avec beaucoup de volatilité et un effondrement radical des marchés, pourtant le S&P 500 a réussi à enregistrer des gains de 9,54 % pour l’année.

À l’origine, sur quoi était donc fondé ce fameux « ­January effect » ? ­Il partait du principe que les investisseurs vendent souvent des titres en décembre afin de tirer avantage de l’année fiscale qui se termine. Cette stratégie est utilisée pour concrétiser une perte ou un gain en capital et ainsi influencer leur déclaration de revenus. La logique veut qu’une fois la nouvelle année entamée, les investisseurs retournent sur le marché, souvent en favorisant les titres qui ont vécu les plus fortes corrections en décembre.

EN DÉTAIL  ­

Le secteur technologique a tendance à terminer sa croissance saisonnière en janvier. Au cours des dix dernières années, il a surtout flirté avec des baisses pendant ce mois. Il ne faut toutefois pas négliger février, mois pendant lequel il a connu un rebond moyen de 3,66 % au cours des cinq dernières années, tout comme le mois de mars, avec une hausse moyenne de 2,68 %.

Des augmentations qui se confirment à plus long terme : le secteur de la technologie américaine a gagné, en moyenne, 1,25 % en février et 3,10 % en mars depuis les dix dernières années. Le repli de janvier peut donc servir d’occasion d’achat, surtout s’il y a eu vente de positions pour des raisons fiscales au mois de décembre. Le creux de janvier, qui semble devenir la nouvelle tendance, pourrait bien être le moment idéal pour faire des réserves.

Quant à l’or et à l’argent, ils ont tendance à briller au mois de janvier ! ­Après sa léthargie de l’automne, l’or sort généralement de sa torpeur. Depuis les cinq dernières années, vers la fin août, il a la fâcheuse habitude d’afficher plusieurs mois négatifs consécutifs. Puis, janvier arrive et le métal jaune finit par enregistrer une croissance (5,54 % dans les cinq dernières années). Cette tendance haussière se transporte habituellement jusqu’en février.

L’argent, que certains qualifient d’« or des pauvres », s’avère aussi intéressant. Partageant de nombreuses propriétés avec son confrère doré, il est couramment utilisé dans le secteur industriel pour remplacer l’or à un coût inférieur. La corrélation entre ces deux métaux est très étroite, mais le grand gagnant du mois de janvier demeure assurément l’argent, qui y obtient une hausse moyenne depuis les cinq dernières années de 6,84 %, suivie de 1,33 % en février.

Au ­Canada, janvier est également le moment pour de nombreux snowbirds de migrer vers le ­Sud. À cause de ce phénomène, le taux de change est scruté à la loupe chaque année. Ces voyageurs auront besoin d’échanger leur argent au bon moment pour profiter du meilleur taux.

Comment s’en assurer ? ­Statistiquement, au cours des cinq dernières années, le dollar américain s’est considérablement apprécié face au dollar canadien. ­Avez-vous l’impression qu’à chaque année en janvier, juste avant de quitter pour des contrées aux températures plus clémentes, le dollar américain semble plus cher ? ­Vous avez raison : sur les cinq dernières années, la devise américaine a gagné en moyenne 2,80 % au mois de janvier (1,82 % depuis dix ans). Et puis, au retour des vacances : pouf ! ­Le dollar américain fond. C’est là, vers avril, qu’il vaut mieux se procurer des dollars américains.

De son côté, la devise canadienne reprend son envol après janvier, avec une tendance positive moyenne de 0,74 % au mois de février depuis 10 ans. À la fin janvier, il faut donc revoir son exposition au dollar américain, comme son homologue canadien a tendance à reprendre du poil de la bête.

Force est de le constater, les tendances saisonnières sont omniprésentes dans différentes facettes de la vie. En finance, on cherche constamment à les saisir pour prendre des décisions de placement plus éclairées. Une stratégie d’investissement va ­au-delà des tendances saisonnières, mais en les prenant en considération, il est tout à fait possible d’augmenter ses chances de réussite.

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Philippe ­Pratte est président, chef des investissements et gestionnaire de portefeuille chez ­Pratte ­Gestion de portefeuilles.

Les opinions (y compris les recommandations, s’il y a lieu) exprimées dans le présent billet sont celles de l’auteur seulement et ne représentent pas nécessairement celles de ­Pratte ­Gestion de portefeuilles, ni celles de ­Conseiller. Ce texte ne doit pas être considéré comme un conseil personnel de placement ou une sollicitation d’achat ou de vente de titres. Les renseignements qu’il contient proviennent de sources considérées comme fiables, mais leur exactitude et leur exhaustivité ne peuvent être garanties. L’auteur et ­Pratte ­Gestion de portefeuilles n’assument aucune responsabilité quant aux erreurs qui pourraient s’y glisser.


• Ce texte est paru dans l’édition de janvier 2018 de Conseiller.

Philippe Pratte