Mes clients préretraités et moi

Par Emmanuelle Gril | 8 mars 2017 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Cathy Yeulet / 123RF

Les préretraités représentent la clientèle rêvée pour bien des conseillers. Comment établir un lien de confiance avec elle et qu’est-ce qui la fait fuir ? ­Petit tour d’horizon et conseils à retenir.

« J’aime beaucoup travailler avec les préretraités, car ces personnes sont conscientes de l’importance de l’épargne et de la planification de la retraite. Elles savent que le gouvernement tend à se désengager progressivement et se montrent donc très impliquées dans leur avenir financier » , déclare d’emblée ­Olivier ­Paré, conseiller en sécurité financière et ­PDG d’AVEGO ­Groupe financier/Gestion privée. Un avis que partagent plusieurs autres experts en planification financière, pour qui elles constituent une clientèle « chouchoute ». Portrait des préretraités et de leurs besoins spécifiques.

« J’aime beaucoup travailler avec les préretraités, car ces personnes sont conscientes de l’importance de l’épargne. »

– Olivier Paré

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QUI SONT LES PRÉRETRAITÉS ?

Même si la tranche d’âge des préretraités peut varier, on estime qu’elle se situe entre 45 et 55 ans. « ­Durant cette phase, les clients ont généralement une grande réceptivité à la question de la retraite », indique Jacinthe St-Onge, planificatrice financière du cabinet Planif-Globale Inc., à Repentigny.

En effet, à cette période de la vie, les individus ont habituellement progressé dans leur carrière, leurs enfants ont grandi, le montant de l’hypothèque a diminué… « ­Ils ont donc davantage de latitude financière pour épargner », poursuit ­Mme ­St-Onge.

« À partir de la cinquantaine, les clients pensent davantage en termes d’objectifs de retraite. Auparavant, ils faisaient des économies, mais vers 50 ans ils commencent à se demander à quel âge ils pourront cesser de travailler », précise ­Angela ­Iermieri, planificatrice financière chez ­Desjardins Gestion de patrimoine.

Françis Sabourin

Françis Sabourin

Les préretraités sont généralement sérieux et disciplinés dans leur gestion de l’épargne, du moins ceux qui consultent un expert en planification. « ­Les préretraités que je rencontre font preuve de prévoyance « , soutient ­Francis ­Sabourin, planificateur financier et directeur de ­Gestion de patrimoine et gestionnaire de portefeuille chez ­Richardson ­GMP. « ­Ils ont une vision de ce qu’ils voudraient pour leur retraite et ils travaillent dans le but de profiter de ­celle-ci. »

« ­LES 10 ANNÉES CRITIQUES »

Quelle est la meilleure stratégie pour approcher et gagner la clientèle des préretraités ? « ­Bien souvent, ce sont des personnes avec qui nous travaillons déjà, à qui l’on a vendu des produits d’investissement ou d’assurance par le passé. Habituellement, elles nous contactent pour obtenir une analyse de leur situation par rapport à la retraite. C’est donc une clientèle existante, que l’on amène un peu plus loin », explique ­Jacinthe ­St-Onge.

Pour sa part, ­Francis ­Sabourin utilise souvent un document rédigé par son cabinet, intitulé « ­Les 10 années critiques » . Il s’agit d’un guide pour les cinq années avant et après la retraite. « C’est une bonne façon d’ouvrir le dialogue sur la question avec mes clients, en plus de s’assurer de couvrir tous les champs d’une bonne planification », ­dit-il.

Angela Iermieri

Angela Iermieri

À l’inverse, certaines maladresses peuvent faire fuir cette clientèle. Lui proposer un plan d’épargne qui va sembler hors d’atteinte parce que très ambitieux, par exemple. « ­Il faut y aller par étapes, sans quoi la marche paraît trop haute. On propose donc des paliers progressifs, ce qui semble plus accessible et moins décourageant », souligne ­Angela ­Iermieri.

Francis ­Sabourin recommande également d’éviter de critiquer les habitudes financières passées et de se concentrer sur une approche positive. « ­Il n’est pas toujours facile pour les préretraités de respecter leurs objectifs, il faut donc les encourager à épargner. On les incite à adopter de saines pratiques en ce sens, en éliminant les dettes, en maximisant les ­CELI et en comblant leurs droits ­REER inutilisés, par exemple », ­illustre-t-il.

Enfin, instaurer une relation de confiance est essentiel. « ­Il ne faut pas oublier que le conseiller va gérer les ressources dont disposera son client retraité pour le restant de son existence, des sommes qui auront pris toute une vie à accumuler », fait valoir ­Jacinthe ­St-Onge.

SUR LA BONNE VOIE

Bien que variés – gestion de patrimoine, financière et de placements, épargne, maximisation de la fiscalité, assurances, philanthropie, etc. –, les besoins des préretraités en matière de planification ont un point commun : l’intervention nécessaire d’un professionnel qui pourra dresser un portrait complet de leur situation et les aiguiller dans la bonne direction. « ­Bien souvent, les gens ont du mal à s’y retrouver : entre la ­Sécurité de la vieillesse au fédéral, le ­Régime de rentes du ­Québec, les ­REER, les ­CELI… ce n’est pas simple ! ­On les aide en leur fournissant les chiffres, en évaluant les ressources selon l’âge de la retraite prévu, en tenant compte de l’inflation, de l’augmentation de l’espérance de vie, etc. », mentionne ­Jacinthe ­St-Onge.

« Bien souvent, les gens ont du mal à s’y retrouver : entre la ­Sécurité de la vieillesse au fédéral, le ­Régime de rentes du ­Québec, les ­REER, les ­CELI… ce n’est pas simple ! »

– Jacinthe ­St-Onge

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Elle ajoute que cette clientèle est généralement très disciplinée et qu’elle suit à la lettre le plan établi de concert avec son conseiller, dès lors que le tout est appuyé par des chiffres qui permettent d’y voir clair.

« ­Les gens ont besoin d’être rassurés, souligne ­Angela ­Iermieri. Même ceux qui ont fait un bon bout de chemin en matière d’épargne veulent savoir s’ils sont sur la bonne voie et quelles seront leurs sources de revenus. Il y a aussi beaucoup d’impondérables qui peuvent entrer en ligne de compte dans l’atteinte des objectifs de retraite. »

Et même si la population est généralement beaucoup plus informée qu’autrefois, il ne faut pas tenir pour acquis que les préretraités ont bien planifié leur avenir. « ­Par exemple, un propriétaire de ­PME peut être très efficace dans la gestion de son entreprise, mais il n’aura pas nécessairement pris des dispositions pour ­lui-même », remarque ­Mme ­Iermieri.

SUIVI ANNUEL

Un plan d’action pour la retraite, c’est bien, mais un plan réévalué régulièrement, c’est mieux. Olivier ­Paré recommande donc de faire un suivi périodique avec les clients, pour s’assurer que la stratégie adoptée au départ correspond encore aux besoins. « C’est essentiel, car une planification de retraite peut évoluer, et les objectifs changer. On doit donc procéder à une révision annuelle avec le préretraité », ­dit-il.

Il arrive, par exemple, que la personne décide de prendre sa retraite une ou deux années plus tard ou plus tôt, ou encore qu’une invalidité ou une maladie grave vienne modifier les plans initiaux.

Là encore, effectuer des simulations et revoir les montants permettra au client d’y voir clair. « ­Certains sont davantage visuels et ont besoin qu’on leur montre des graphiques, des chiffres.

D’autres sont auditifs et préfèrent qu’on leur donne des exemples de situations, des comparaisons », illustre M. Sabourin.

  • ­En 2013, 41 % des ­Québécois espéraient débuter leur retraite avant 65 ans, comparativement à 62 % en 2003.
  • La proportion des personnes ayant pris une retraite anticipée avant 55 ans est passée de 33 % en 2003 à 17 % en 2013.
  • Les travailleurs prévoyaient, en 2013, ajouter plus de deux ans et demi à leur vie active, faisant grimper l’âge moyen de la retraite de 60,1 à 62,7 ans.
  • L’intérêt pour la retraite progressive est passé de 54 à 62 % entre 2003 et 2013.

Source : ­Sondage ­SOM pour le compte de l’organisme ­Question ­Retraite, octobre 2013. www.questionretraite.ca > études > l’âge de la retraite évolue


• Ce texte est paru dans l’édition de mars 2017 de Conseiller

Emmanuelle Gril