Quand les marchés prennent des vacances

Par Philippe Pratte | 1 juin 2018 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Alexandr Ozerov / 123RF

Alors qu’un des adages les plus populaires en finance n’est plus d’actualité, soit « Sell in May and go away », voilà que le mois de juin apporte avec lui d’autres comportements. Mai est le dernier des six meilleurs mois de l’année. Ainsi, s’amorce en juin la période durant laquelle le rendement des marchés financiers est habituellement plus faible. Que va-t-il nous réserver cette année?

CYCLE ÉLECTORAL AMÉRICAIN

Les élections de mi-mandat aux États-Unis pourraient venir brouiller certaines cartes.

Les processus politiques américains peuvent en effet influencer directement les marchés financiers. Des cycles boursiers de quatre ans ont tendance à se répéter et à suivre les cycles électoraux de nos voisins du Sud.

Les guerres et les récessions surviennent généralement au début du mandat d’un président. Les marchés haussiers et la prospérité semblent être plus au rendezvous après deux ans. En analysant les tendances, on se rend compte que la stratégie « Sell in May and go away » semble avoir de meilleurs résultats lors des deux premières années du cycle électoral.

Comme la deuxième année de la nouvelle présidence est en cours, nous pourrions envisager de diminuer notre exposition au risque.

LE SECTEUR BIOTECHNOLOGIQUE

La biotechnologie a tendance à bien performer à partir du 23 juin jusqu’au 13 septembre et peut venir remplacer le secteur technologique dans les portefeuilles, dans une période où les investisseurs optent habituellement pour une attitude défensive. Il s’agit d’un bon moment pour se procurer ces titres, avant les conférences annuelles du secteur qui ont lieu à l’automne. Ces événements sont souvent synonymes d’annonces positives pour ces compagnies, ce qui vient par ricochet donner de la vigueur à leurs actions.

Selon le Thackray’s 2018 Investor’s Guide, juillet s’est avéré le meilleur mois pour ce secteur de 1992 à 2016, débutant son cycle en juin pour se terminer en septembre. Cependant, il demeure important de noter que la biotechnologie est souvent l’objet de spéculation, tout comme les technologies.

Rappelons que ce secteur relève d’un seul créneau, soit médical, et ce dernier est rarement affecté par l’économie.

JOUR DE L’INDÉPENDANCE AMÉRICAINE

Deux jours avant la fin du mois de juin et cinq jours après les célébrations du 4 juillet, les marchés financiers évoluent habituellement en terrain positif, selon le Thackray’s 2018 Investor’s Guide.

Il s’agit ainsi d’investir une ou deux journées avant le jour de l’Indépendance, pour ensuite vendre à profit un ou deux jours après. De 1950 à 2009, cette stratégie s’est avérée fructueuse 70 % du temps, avec un rendement moyen de 0,8 %. Il faut cependant demeurer prudent, car les gestionnaires de portefeuilles peuvent influencer le marché en fin de mois et en fin de trimestre, tentant d’améliorer leur rendement en procédant à des acquisitions à court terme, soit simplement en achetant des titres pour faire monter les prix, soit en couvrant des positions à découvert. Comme juin est une fin de trimestre, il peut s’avérer volatil.

Il est également un des quatre mois de l’année où survient le jour des quatre sorcières (quadruple witching day). Ce phénomène se produit lorsque les contrats à terme sur les indices boursiers, les options sur les différents indices et les options sur actions expirent tous le même jour, créant ainsi de la volatilité puisque le volume de transactions augmente considérablement.

LES MARCHÉS BOURSIERS

Les principaux indices américains vivent un mois de juin difficile. Le Dow Jones a enregistré un résultat légèrement négatif de 0,09 % depuis les cinq dernières années, mais une moyenne baissière de 1,22 % sur dix ans.

Le NASDAQ a aussi diminué de 0,47 % depuis les cinq dernières années et de 1,29 % depuis dix ans pendant cette période. Par contre, à plus long terme, soit depuis les 21 dernières années, il est parvenu à progresser de 0,70 % au mois de juin.

Le S&P 500 régresse également, avec une moyenne de 0,22 % sur cinq ans et de 1,30 % sur dix ans. La technologie n’y fait notamment pas bonne figure en juin. Cette dernière affiche une moyenne de 2,27 % depuis les cinq dernières années et de 2,25 % depuis dix ans.

Le secteur gagnant de cet indice durant ce mois est sans équivoque celui de la santé, qui s’est apprécié de 1,23 % dans les cinq dernières années et de 0,64 % dans les dix dernières années. Suivent les services publics, qui ont gagné 0,62 % sur cinq ans et 0,94 % sur dix ans, les investisseurs s’y réfugiant pour fuir la volatilité.

L’indice de volatilité, le VIX, capitalise quant à lui sur la turbulence des marchés en juin, affichant une impressionnante hausse moyenne de 10,84 % depuis cinq ans et de 6,52 % depuis dix ans.

Avec toute cette incertitude, les investisseurs ont tendance à rechercher plus de stabilité pendant cette période. Ce qui a permis aux obligations américaines à dix ans d’enregistrer une augmentation moyenne de 2,82 % depuis les cinq dernières années et de 1,21 % depuis dix ans. La tendance haussière des obligations débute alors que se termine celle des actions, c’estàdire en mai. L’obligation américaine à dix ans faisant office de baromètre obligataire, on peut en conclure que le revenu fixe dans son ensemble profite de l’incertitude du mois de juin.

Ô CANADA 

Au pays, le TSX suit la majorité des autres indices nordaméricains avec une moyenne de 0,92 % depuis les cinq dernières années et de 1,31 % sur dix ans. Le secteur des technologies vit toute une déconfiture, affichant en moyenne 3,34 % depuis cinq ans et de 6,98 % depuis 10 ans. Sans grande surprise, le secteur gagnant du TSX est celui des biens de consommation de base. Les investisseurs se tournent en effet vers ce secteur gage de sécurité, contribuant à sa hausse moyenne de 0,31 % depuis les cinq dernières années.

De son côté, l’Europe est sans contredit la région où le mois de juin fait le plus mal. L’Euro 50, l’indice regroupant les cinquante sociétés européennes les plus importantes en matière de capitalisation, a diminué de 4,05 % depuis les dernières cinq années.

Au RoyaumeUni, la moyenne est de 2,41 % depuis les cinq dernières années. Les choses se corsent aussi en France ainsi qu’en Allemagne. La France a vécu une baisse de 4,17 % sur cinq ans et de 3,31 % depuis dix ans, alors que l’Allemagne est tombée en moyenne de 3,57 % depuis cinq ans et de 2,65 % au courant des dix dernières années. Investir en Europe est donc à éviter au mois de juin.

Finalement, le mois de juin se compose de volatilité, combinée à peu de rentabilité, tout dépendant du cycle électoral américain. Que votre client soit un novice ou un expert de la Bourse, un négociateur à court terme ou un investisseur à long terme, il est important de se rappeler que les tendances mensuelles doivent être vues comme un baromètre des marchés financiers. Ces analyses permettent de mettre du gros bon sens dans ses décisions de placement, de naviguer entre les mois forts et les mois faibles et de prendre des décisions rationnelles en tant qu’investisseur.

philippe_pratte_thumb_150x150 Philippe Pratte est président, chef des investissements et gestionnaire de portefeuille chez Pratte Gestion de portefeuilles.

Les opinions (y compris les recommandations, s’il y a lieu) exprimées dans le présent billet sont celles de l’auteur seulement et ne représentent pas nécessairement celles de Pratte Gestion de portefeuilles, ni celles de Conseiller. Ce texte ne doit pas être considéré comme un conseil personnel de placement ou une sollicitation d’achat ou de vente de titres. Les renseignements qu’il contient proviennent de sources considérées comme fiables, mais leur exactitude et leur exhaustivité ne peuvent être garanties. L’auteur, Pratte Gestion de portefeuilles et Conseiller n’assument aucune responsabilité quant aux erreurs qui pourraient s’y glisser.


• Ce texte est paru dans l’édition de juin 2018 de Conseiller.

Philippe Pratte