Retrait de sommes de la société

Par Sylvain Chartier | 1 octobre 2021 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Femme utilisant une calculatrice
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Il y a quelques années, j’ai écrit un article traitant du choix de conserver des sommes dans une société ou de verser des dividendes pour, notam-ment, cotiser à des régimes enregistrés (REEE, CELI, REER), payer des dettes non déductibles ou même faire du placement non enregistré. Les conclusions montraient qu’il était avantageux de verser des dividendes lorsque le profil d’investisseur était prudent, mais l’avantage devenait moindre ou nul avec un profil d’investisseur en actions, particulièrement lorsque l’on considérait la stratégie du buy and hold.

L’analyse ne considérait pas le compte de revenu à taux général (CRTG) ni le compte d’IMRTD (impôt en main remboursable au titre de dividendes). Depuis ce temps, la hausse des taux d’impôt sur les dividendes rend plus coûteux les retraits de sommes de la société. Le constat est-il le même en 2021 qu’en 2017 ?

Pour répondre à cette question, nous avons refait l’exercice en considérant l’incidence des comptes fiscaux de sociétés. Les hypothèses sont les suivantes:

  • Taux de rendement:
  • 2 % après frais pour les revenus fixes
  • 5,5 % après frais pour les actions
  • Durée: 15 ans
  • Taux d’impôt marginal maximum

Les tableaux suivants montrent les résultats en fonction de trois profils d’investisseur différents.

Le bleu signifie qu’il est avantageux de faire des retraits alors que le rouge indique qu’il serait plus profitable de laisser les sommes dans la société.

Pour voir ces tableaux en grand, cliquez ici.

Il est intéressant de noter que le tableau Sans IMRTD – Sans CRTG s’apparente à notre analyse antérieure et arrive à des résultats similaires.

Sans entrer dans le détail de tous les tableaux, deux situations méritent d’être analysées.

1. Avance et compte de dividende en capital (CDC)

Plusieurs conseillers continuent d’encourager à détenir les placements dans la société plutôt que person-nellement. Certes, il peut y avoir des arguments autres que la fiscalité. Toutefois, les taux d’impôt actuels poussent clairement à faire des placements personnels.

Prenons un particulier qui gagne un revenu d’intérêt imposé au taux marginal maximum de 53,31 % (revenu supérieur à 216 511 $ en 2021). Le même revenu généré dans une société est imposé au taux de 50,17 %, créant un désavantage temporaire de 3,13 % de gagner le revenu personnellement par rapport à générer ce revenu dans une société. Cependant, lorsque la société verse un dividende, l’impôt combiné (société et particulier) sera de 58,70 % en 2022 (tel qu’annoncé dans le dernier budget provincial), soit plus de 5 % supérieur au taux marginal maximum des particuliers. Les taux sont réduits de moitié lorsqu’il s’agit de gain en capital. Le seul revenu qu’il serait fiscalement avantageux de réaliser dans une société serait un dividende.

Pour les particuliers dont les revenus sont inférieurs à 216 511 $, le taux d’impôt est moindre que le taux d’entreprise. Il n’y a donc pas d’avantage temporaire à détenir les placements dans la société. Par exemple, pour un particulier dont les revenus se situent dans la fourchette entre 49 021 $ et 90 200 $, le taux d’impôt d’un revenu d’intérêt sera de 37,12 %, soit environ 13 % de moins que dans la société. Cet écart de 13 % est réduit à environ 6 % lorsqu’un dividende est versé à l’actionnaire.

Finalement, la détention personnelle offre la possibilité de réduire le revenu passif de la société, ce qui pourrait permettre de conserver la déduction pour petite entreprise.

2. Dividende imposable et placement non enregistré

Dans la plupart des situations, il n’est pas avantageux de verser un dividende pour faire du placement personnel non enregistré. Cependant, le tableau Avec IMRTD-Avec CRTG démontre qu’il y a un faible avantage à verser un dividende, même si les fonds ne sont pas utilisés pour cotiser à des régimes enregistrés.

En effet, si une société a un compte d’impôt en main remboursable au titre de dividendes déterminés (IMRTDD), des dividendes déterminés dont le taux marginal maximum est de 40,1 % peuvent être versés. Lors du versement de dividendes, la société récupère 38,3 % de son IMRTDD. En somme, le coût net est inférieur à 2 % et peut même être moindre si les dividendes ne sont pas imposés au taux marginal maximum. Compte tenu de l’impact à long terme de faire des placements personnels, ce coût de 2 % est rapidement compensé par l’avantage fiscal annuel.

En terminant, quelques éléments supplémentaires à considérer:

  • Si le versement de dividende nécessite de vendre des titres générateurs d’impôt dans la société, un calcul personnalisé est alors nécessaire.
  • Des scénarios à taux d’impôt inférieurs montrent des résultats similaires, mais avec une tendance à favoriser le versement d’un dividende pour vider l’IMRTD et pour profiter des taux impôts personnels progressifs.
  • En présence d’une dette personnelle non déductible, souvent l’analyse est comparable à cotiser dans un CELI. La comparaison du taux d’emprunt par opposition au taux de rendement des titres à revenu fixe devient le point décisionnel.

Sylvain Chartier, M. Fisc., Pl. Fin., est conseiller à la Banque Nationale Gestion privée 1859.

Sylvain Chartier