Copropriété indivise et copropriété divise : ce qu’il faut savoir

Par Alepin Gauthier Avocats inc. | 12 Décembre 2022 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Plusieurs propriétaires se demandent s’il est possible de transformer leur immeuble détenu en indivision en copropriété divise.  Les distinctions entre indivise et divise sont importantes et il faut bien les connaître avant d’acquérir un immeuble en copropriété. Avant d’entamer un projet comme celui-ci, il importe de souligner ce qui différencie les copropriétés divises des copropriétés indivises et les démarches à suivre pour la conversion.

  1.  COPROPRIÉTÉ DIVISE OU INDIVISE : QUELLES DIFFÉRENCES?

Une copropriété divise est ce que la majorité des gens appelle « un condo », soit un immeuble divisé en fractions dont chacune comprend une partie qui vous appartient (dite partie privative) et de laquelle vous êtes le propriétaire exclusif. Dans un immeuble, il y a aussi une quote-part exprimée en pourcentage (%) pour les parties communes (les escaliers ou le corridor, par exemple) qui sont, cette fois, la propriété de tous les copropriétaires et qui servent à des usages communs.

Toute copropriété divise est administrée par un syndicat de copropriété, lequel doit agir selon les règles de gestion établies dans un document nommé « déclaration de copropriété ». Ce document énonce, également, les règles essentielles à la vie en copropriété, généralement dans le but d’éviter des conflits entre copropriétaires.  De nombreux autres éléments sont prévus dans la déclaration de copropriété, comme les parts de chacun et les valeurs relatives des fractions. Il est aussi fréquent que l’on y prévoit d’autres conditions, comme= le fait que les stationnements et les casiers de rangement sont des parties privatives ou que certaines parties communes servent à l’usage exclusif d’un copropriétaire (comme le balcon du logement qui est normalement à l’usage exclusif du propriétaire du logement). La « déclaration de copropriété » doit obligatoirement être notariée et publiée au registre foncier.

La copropriété est indivise lorsque plusieurs personnes possèdent un même droit de propriété sur un immeuble. Un bon exemple est celui du couple qui achète une résidence. Ils deviennent copropriétaires de l’immeuble. L’exemple peut aussi s’appliquer lorsque plusieurs personnes héritent d’un immeuble. En d’autres mots, si vous décidez d’acquérir une résidence avec votre conjoint ou conjointe, chacun de vous détiendra 50 % des parts de l’immeuble à moins que ce soit indiqué autrement dans le contrat d’achat (pourcentage de parts différent).

  1. LES RÈGLEMENTS MUNICIPAUX 

Avant tout projet de transformation, il revient au propriétaire de se renseigner auprès de la municipalité dans laquelle se situe l’immeuble afin de savoir s’il peut réaliser un tel projet. En effet, certaines municipalités ont adopté des règlements ou des moratoires interdisant la conversion d’immeubles indivis en copropriétés divises, sous réserve de certaines exceptions.

La ville de Montréal est un bon exemple de ville ayant instauré des moratoires et ayant appliqué différentes règles en matière de conversion. Ainsi, il faudra, généralement, et ce, peu importe la situation actuelle de l’immeuble, demander une autorisation particulière à la Ville.

Il est important de noter, qu’en date des présentes, il est interdit de convertir en copropriété divise tout immeuble servant comme coopérative d’habitation ou qui abrite un organisme à but non lucratif si celui-ci a été construit, aménagé, restauré ou rénové grâce à une aide gouvernementale à l’habitation. [1]

  1. PROCESSUS DE CONVERSION EN COPROPRIÉTÉ DIVISE

La première démarche avant de débuter un projet de conversion est de consulter la municipalité où est situé l’immeuble pour savoir si ce projet est réalisable.

Quand tous les copropriétaires occupent un logement de l’immeuble, ils doivent envoyer une demande d’autorisation au Tribunal administratif du logement. Celle-ci doit être accompagnée d’une somme à payer qui varie en fonction du nombre de logements. Ensuite, le Tribunal convoquera les demandeurs à une audience en précisant la date, l’heure et le lieu. Il incombe aux demandeurs ou à leurs représentants de présenter les preuves relatives à la demande et les circonstances motivant une telle conversion. À cet effet, ils devront présenter des témoignages ainsi que des pièces matérielles. De plus, selon la Loi sur le tribunal administratif du logement, il est généralement requis de placer une affiche devant l’immeuble. Lorsque le Tribunal accorde l’autorisation de convertir, les propriétaires disposent d’un an pour inscrire la déclaration de copropriété au registre foncier[2]. Celle-ci sera également accompagnée de la décision du Tribunal administratif du logement.

Dans le cas où l’immeuble locatif n’est pas occupé par les copropriétaires, il est impératif d’envoyer par écrit un avis d’intention de conversion en copropriété divise à tous les locataires de l’immeuble en prenant soin de bien indiquer l’intention de convertir l’immeuble.  Il est très important de garder toutes les preuves d’envoi de l’avis aux locataires puisque celles-ci peuvent être demandées lors de l’audience. Le propriétaire ne doit pas oublier d’envoyer une copie de tous les avis au Tribunal administratif du logement.

Une fois cette étape franchie, le propriétaire demandeur s’assurera d’envoyer une demande d’autorisation auprès de la municipalité dans laquelle l’immeuble se situe. La demande inclura l’avis d’intention et ladite demande d’autorisation en vue d’obtenir un certificat d’autorisation. La procédure peut varier selon la ville et selon les arrondissements. Pour les immeubles situés sur le territoire de la Ville de Montréal, il vaut mieux consulter le Règlement sur la conversion des immeubles en copropriété divise de la ville. [3]

Le propriétaire dispose d’un délai de six mois pour envoyer sa demande d’autorisation de convertir au Tribunal administratif du logement. Ensuite, la demande doit être notifiée, aux frais du demandeur, à chaque locataire et colocataire.

Une audience du Tribunal administratif du logement à laquelle seront présents les locataires visés par l’avis d’intention aura lieu, d’où l’importance pour le demandeur d’avoir bien respecté toutes les étapes. Les locataires disposent effectivement du droit au logement et peuvent refuser la reprise de leur logement[4].

Si le Tribunal administratif du logement donne le feu vert à la conversion, la déclaration de copropriété doit être publiée dans un délai d’un an. [5]

  1. CONCLUSION

En conclusion, la conversion d’un immeuble en copropriété divise doit se faire en suivant un certain nombre d’étapes. Il est important de respecter chacune d’elles et de garder en mémoire l’ampleur des frais qui peuvent être engagés. La protection des locataires est également essentielle pour que le projet de conversion puisse se faire. Puisque les démarches sont relativement complexes, le demandeur a tout intérêt de consulter un notaire ou un avocat pour la rédaction de la demande et pour l’assister lors de l’audience.

Me Suzanne Vézina

Avec la collaboration de Kelly Dessources

Alepin Gauthier Avocats inc.

 

Cette chronique contient de l’information juridique d’ordre général et ne devrait pas remplacer un conseil juridique auprès d’un avocat ou d’un notaire qui tiendra compte des particularités de votre situation.

[1] Loi sur le Tribunal administratif du logement, RLRQ c R-8.1, article 51

[2] Ibid., art.54.4

[3] Règlement sur la conversion des immeubles en copropriété divise (C-11)

[4] Code civil du Québec, RLRQ c CCQ-1991

[5] Ibid., référence 2.