Gagner la confiance des immigrants

Par Bernard Viau | 8 novembre 2021 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
5 minutes de lecture
Une file d'immigrant sur un fonds de ciel parsemé de nuages.
AndreyPopov / iStock

Nous avons tous vu des files de réfugiés et d’immigrés en route vers les États-Unis ou le Canada. Leur situation ne laisse personne indifférent, mais un conseiller devrait-il rechercher leur clientèle ?[1]

Il y a deux raisons pour prospecter auprès des immigrants.  Premièrement, ils sont très débrouillards, et plusieurs sont des entrepreneurs naturels, et ils feront tout pour s’insérer dans notre société avec succès. Deuxièmement, ils socialisent beaucoup plus que les Québécois. Leur réseau social est donc beaucoup plus développé.

LES IMMIGRANTS FORTUNÉS

Parlons d’abord des immigrés des groupes 4 et 5, ceux qui ont les moyens financiers d’entrer au Canada par la grande porte. Comme tous les gens fortunés, ces derniers sont très courtisés. Intéressés par leur clientèle ? Ne perdez pas votre temps, ils sont pris en charge à l’étranger par des équipes de spécialistes basés à l’offshore. Avec ces gens, on ne fait pas d’appels à froid, il faut se faire introduire.

LES MIGRANTS MOINS FORTUNÉS

Ce qu’on connaît de ces migrants ce sont les reportages télévisés, la publicité pour les voyages au soleil et les coutumes exotiques : des illusions et des préjugés.

Si leur clientèle vous intéresse, concentrez-vous sur la culture la plus proche de la vôtre, soit la culture latine, mais renseignez-vous d’abord sur celle-ci ! Les autres cultures ? Pakistanais, Congolais ou Soudanais, ces immigrés ont dans leurs bagages des traditions radicalement différentes des vôtres et, à moins de connaître la culture, laissez-les à d’autres conseillers.

LES DIFFÉRENTS GROUPES

Les migrants du groupe 1 arrivent en catastrophe avec un sac mal ficelé. Ils n’ont pas besoin de vos conseils financiers. Le groupe 2 a payé cher pour son passage et, en arrivant ici, ils n’ont presque plus rien. Le groupe 3 arrive souvent au Québec avec des diplômes ou un métier. Ils sont parfois confondus avec les réfugiés et doivent donc faire changer leur statut d’immigrant précaire à un statut d’immigrant régulier pour pouvoir travailler[2].

Les Haïtiens sont un cas spécial. Ils viennent d’un pays pauvre, peu d’entre eux sont fortunés, mais tous parlent français et plusieurs ont des diplômes : quelques-uns sont d’ailleurs avocats, médecins, professeurs ou ingénieurs.

Les préoccupations financières de tout immigrant sont les mêmes, peu importe leur origine ethnique : trouver un travail, ensuite un toit, puis de quoi épargner pour envoyer à leurs proches et rembourser des dettes, parfois énormes.

LES BESOINS FINANCIERS

Leur taux d’épargne est trois ou quatre fois plus élevé que celui des Québécois et ils n’épargnent que très peu par mois. Cependant, une fois les diplômes reconnus, ce qui prend parfois beaucoup de temps, leur salaire augmente rapidement.

La seconde génération réussit souvent très bien à l’école. Rapprochez-vous des familles d’immigrants en gardant cela à l’esprit. Vous devez accepter que certaines communautés vous seront complètement fermées, une autre raison de choisir des immigrants proches de votre culture.

Chaque mois d’octobre, le salon de l’Immigration et de l’Intégration se tient au centre des congrès. L’événement accueille plus de 10 000 visiteurs et vaut le détour. Cependant, pour votre prospection, je conseille plutôt de fréquenter les festivals ethniques locaux en vous payant un kiosque bilingue.

Le premier contact doit se faire en personne pour utiliser au maximum le langage non verbal. Voici quelques questions pertinentes et sujets importants à aborder pour vous orienter.

  • De quels pays, région et ville venez-vous ?
  • Quand êtes-vous arrivés au Canada ? Quel âge aviez-vous ?
  • Quel était votre travail là-bas ? Avez-vous étudié un métier ?
  • Quel était le métier de vos parents ?
  • Avez-vous des contacts avec une communauté déjà établie au Canada ?

Sujets à aborder avec tact :

  • Les droits légaux dans le couple, mariage et patrimoine ;
  • La religion : elle détermine parfois des interdits financiers ;
  • Les transferts d’argent à leur pays d’origine ;
  • Les « frais de voyage ».

Ils voudront savoir et comprendre ceci en premier lieu :

  • L’assurance maladie, les médicaments et frais couverts ;
  • Les vacances payées ;
  • Les assurances collectives à leur travail ;
  • L’importance d’un dossier de crédit ;
  • L’achat d’une maison, hypothèque et tout le reste ;
  • Les cours de formation en français et les remboursements potentiels ;
  • Les services de garde d’enfants ;
  • La fiscalité du Québec et, éventuellement les incitatifs aux placements ;
  • L’éducation et le perfectionnement d’un métier.

Les connaissances que vous devez bien maîtriser :

  • Les questions de permis de travail et de résidence ;
  • Les contrats d’assurance invalidité ;
  • Les contrats d’assurance voyage ;
  • Les assurances automobile et habitation ;
  • L’assurance hypothécaire et le courtage hypothécaire ;
  • Éventuellement, les rentes, viagères et différées, pour leur famille ;
  • Les transferts de fonds internationaux et les monnaies digitales ;
  • Investir en fonction de l’impôt.

Après une dizaine d’années ici, leurs besoins financiers seront les mêmes qu’un Québécois et vous pourrez leur parler de REER, CELI, fonds de placement, assurance et autres produits financiers.

Préparez-vous une vingtaine de textes courts sur ces points financiers, en français et en espagnol.[3] Engagez un traducteur pour réviser vos textes.

Vous avez sûrement des clients entrepreneurs. Montez-vous une liste des emplois ouverts chez ces derniers ainsi vous gagnerez sur deux tableaux à la fois : vos gros clients vous enverront d’autres entrepreneurs en référence et vous gagnerez l’estime des immigrants.  Même logique pour vos clients propriétaires d’immeubles locatifs.

Autres conseils :

  • Bâtissez un réseau d’experts : avocats en immigration, interprètes et traducteurs ;
  • Si vous avez déjà un site web, traduisez-le en deux ou trois langues ;
  • Devenez mentor: le parrainage est une baguette magique ;
  • Mettez-vous à l’étude de l’espagnol : même avec un accent affreux, vous partirez gagnant ;
  • Lisez sur l’histoire de leur pays : vous serez surpris par leur réaction.

Dernier point important. Lorsqu’on vit une situation d’immigrant, on se fie beaucoup plus à ses intuitions, c’est une question de sécurité. Si vous n’êtes pas sincère, il y a de grandes chances qu’ils s’en aperçoivent, plus vite encore que vos clients réguliers.

[1]   Parler des immigrants peut s’avérer dangereux : on passe pour raciste. Alors, mettons les choses au point : je suis ouvert à toutes les cultures, mais en tant que conseiller, mes stratégies d’affaires doivent maximiser mes efforts de prospection. Cet article parle « Strictly business », comme dit l’expression consacrée.

[2]   Me Melvin Weigel, avocat en immigration dont le principal port d’attache est Montréal, a accepté de me souligner quelques erreurs et imprécisions dans le texte. Ses expériences s’étirent sur 40 ans et une vingtaine de pays. Elles m’ont été précieuses et je l’en remercie.

[3]   Ils apprécieront l’aspect pédagogique si vous les structurez les textes en deux colonnes, ce qui leur permettra d’améliorer leur français en même temps, une attention particulière qu’ils remarqueront et qu’ils apprécieront.

Bernard Viau