Innover pour croître ou… pour survivre?

Par Daniel Guillemette | 6 avril 2017 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Ion Chiosea / 123RF

Ceux d’entre vous qui ont débuté leur carrière dans les années 1970 ou 1980 ont eu la chance de connaître une longue période de constance. L’absence de changement dans notre industrie a d’ailleurs engendré plusieurs bienfaits au chapitre de l’efficacité… Vous pouviez fournir une réponse à un client sans même réfléchir. Il suffisait de fouiller dans vos vieux souvenirs d’il y a 20 ans et boum, vous aviez votre réponse!

Tout ça, c’est du passé. Les bouleversements technologiques et scientifiques auxquels nous assistons n’ont pas fini de nous surprendre et surtout, de nous affecter, positivement ou négativement.

Les plus fins observateurs ont conclu comme moi que l’ère du statu quo est révolue et qu’aujourd’hui, la nécessité de payer des impôts est probablement la seule chose qui est restée constante, n’en déplaise à ceux qui, pour éviter de devoir changer leurs vieilles pantoufles en Phentex, remplacent ponctuellement la pièce de cuir cousue en-dessous.

Un nombre grandissant d’entreprises, dont les institutions financières, ont commencé à accumuler des données sur l’ensemble de la population. Grâce à la puissance croissante des ordinateurs et à une nouvelle science nommée « business analytics » (une variante de la veille économique, ou business intelligence), qui aide à la prise de décision en entreprise au moyen d’algorithmes, elles peuvent maintenant utiliser ces informations pour prédire nos comportements, nos besoins et nos désirs dans le but de nous pousser à acheter leurs produits, que nous en ayons besoin ou non.

Ces tactiques déloyales réussiront-elles à éliminer le conseil indépendant? Dans la mesure où les outils technologiques que les institutions financières développent leur permettent d’identifier les occasions de vente avant les conseillers indépendants, elles pourraient gagner la course plus souvent qu’autrement. À moins que…

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SOMMES-NOUS EFFICACES?

Imaginez le scénario suivant. Votre client appelle à vos bureaux et demande à votre adjointe de l’aider à faire un changement de bénéficiaires pour ses trois polices en vigueur chez trois assureurs différents. Elle se rend sur le site web de chacun des trois assureurs pour trouver les trois formulaires requis.

Elle les pré-complète et les envoie par courriel à votre client… Euh, non! Ils contiennent des informations confidentielles qui pourraient être interceptées par une personne malveillante. Elle choisit donc de les imprimer et de les insérer dans une belle enveloppe sur laquelle figure votre logo d’entreprise et dans laquelle elle ajoute une enveloppe-retour préaffranchie.

Si tout va bien, l’enveloppe sera postée à la fin de la journée. Bien sûr, votre adjointe n’oubliera pas de créer une tâche de suivi, au cas où votre client ne retournerait pas ses formulaires signés dans un délai raisonnable.

Quand elle recevra les formulaires signés par votre client, elle ouvrira l’enveloppe, s’assurera que tout est conforme, en conservera une copie au dossier et les enverra chez votre agent général ou directement aux trois assureurs (dans trois belles enveloppes).

Croyez-vous que nous pourrons survivre au plan stratégique des grandes institutions avec des opérations aussi inefficaces? Moi, je ne vois pas comment!

DE LA RÉSISTANCE AU CHANGEMENT

Utiliser la signature électronique à authentification multiple nous permet de contrer le problème soulevé par cet exemple. Elle augmente l’efficacité des opérations d’un conseiller, elle réduit les risques de brèche de confidentialité, elle améliore l’expérience-client, elle réduit les délais de traitement, elle est plus sûre que la signature manuscrite sur support papier et elle élimine les risques d’erreurs ou d’omissions.

L’entreprise iGeny, dont je suis le président-fondateur, offre un tel service depuis juillet 2016. Nous avons demandé à une firme d’avocats de statuer sur la signature électronique iGeny Sign et ils ont conclu à sa légalité. Les assureurs et les sociétés de fonds d’investissement sont donc liés par toute demande de service d’un client ayant signé électroniquement son formulaire à travers cette plateforme.

Pourquoi s’en passer, direz-vous? Par ignorance ou entêtement, il arrive que certains directeurs des départements de service des assureurs ou des sociétés de fonds d’investissement envoient encore un avis de refus pour des formulaires signés électroniquement de façon sécuritaire par nos clients. Nous devons constamment exposer la situation à des niveaux supérieurs et nous perdons un temps fou à discuter de ce qui devrait aller de soi.

IL Y A DE L’ESPOIR

En juillet 2016, nous étions heureux d’annoncer qu’un important assureur pancanadien avait approuvé iGeny Sign pour toutes ses filiales.

Au cours des derniers mois, j’ai été invité au siège social de trois importants assureurs québécois pour discuter de la plateforme. J’ai été ravi de constater que le plus gros des trois travaille présentement sur l’intégration d’un mécanisme identique au nôtre dans la proposition électronique qu’il s’apprête à proposer à son réseau d’agents captifs. Voilà un signe qui nous permet de croire que le vent commence à tourner.

Traditionnellement, les conseillers ont toujours adopté une attitude passive par rapport aux innovations. Serions-nous à l’aube d’une grande révolution qui amènera les professionnels des services financiers au premier plan des avancées technologiques? Pincez-moi!

INVESTIR POUR PROTÉGER LE CONSEIL INDÉPENDANT

Ceux qui, comme moi, investissent dans l’innovation le font-ils dans un objectif de croissance ou simplement pour assurer leur survie? Je ne pourrais parler au nom de tout le monde, mais pour ma part, ma première motivation consiste à protéger le conseil indépendant, lequel n’a pas les mêmes capacités financières que les banques, les caisses ou les assureurs. À mon avis, le désir de croître devrait suivre celui de protéger ses acquis et non pas le précéder.

Les banques et les assureurs vont distribuer leurs produits directement aux consommateurs dès qu’ils pourront le faire. Conséquemment, les conseillers autonomes ne peuvent compter que sur eux-mêmes pour protéger leur indépendance. Sauront-ils adapter leurs pratiques à tous ces bouleversements réglementaires, déontologiques, opérationnels et technologiques qui sont apparus soudainement?

Bien sûr! Je prédis non seulement qu’ils s’y adapteront, mais j’ai, de plus, la ferme conviction qu’ils en seront les principaux vecteurs… Dans leur propre intérêt et dans l’intérêt suprême de leurs clients.

Daniel Guillemette

Daniel Guillemette est conseiller en sécurité financière depuis 1984. Il a terminé ses études en fiscalité à l’Université de Sherbrooke en 2000. Il dirige plusieurs cabinets de services financiers qu’il a acquis au fil du temps, la première acquisition datant de 1996. En 2008, inspiré de ses propres besoins, il a commencé à s’investir dans le projet iGeny, une entreprise visant à augmenter son agilité, sa capacité à s’adapter aux conditions changeantes. iGeny commercialise aujourd’hui iGeny Form, iGeny Pro, ScanSquad et offre également aux conseillers un service d’adjointes virtuelles.