Adieu, Canada!

Par Funda Dilaver | 22 février 2021 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
8 minutes de lecture
Une femme qui marche dans la rue avec une valise à la main.
martin-dm / iStock

Que vous souhaitiez vivre votre retraite dans le Sud jusqu’à la fin de vos jours, que vous soyez contraint de quitter le pays pour votre travail ou, comme moi, que vous rêviez de vivre sur une île sous la chaleur des tropiques, quelle que soit la raison de votre émigration, il importe que celle-ci soit planifiée et de bien connaître les conséquences fiscales de votre départ permanent du Canada[i].

Selon Statistique Canada, bien que le Canada soit perçu comme une terre d’accueil pour les immigrants, l’émigration, elle, continue d’être un enjeu important. En effet, si les immigrants semblent être plus nombreux à s’établir au pays que les émigrants à le quitter, l’émigration de certains groupes démographiques, comme les immigrants récents, les jeunes adultes et les personnes plus scolarisées, constitue un enjeu démographique et socioéconomique important pour le Canada.

Une étude récente de Statistique Canada révèle qu’entre avril 2019 et mars 2020, environ 50 000 personnes ont émigré du Canada. L’année précédente, ce nombre s’élevait à 62 000. On comprend que cette baisse de l’émigration est due en grande partie à la pandémie de COVID-19.  Statistique Canada indique qu’il est difficile de mesurer l’émigration avec exactitude. Or, les données fiscales peuvent être une source fiable d’informations.

ÊTES-VOUS UN ÉMIGRANT AUX YEUX DE L’IMPÔT[ii]?

L’imposition du revenu au Canada est basée sur la résidence et non sur la citoyenneté. Je reçois presque quotidiennement des questions concernant les problèmes de résidence fiscale : beaucoup de gens confondent citoyenneté et résidence.

En vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu, un particulier paie des impôts sur son revenu mondial s’il est un résident du Canada. En revanche, si le particulier est considéré comme un non-résident, il n’est alors imposé que sur certaines sources de revenu canadiennes.

N’oubliez pas que si vous décidez de quitter le Canada, partir n’est pas gratuit!

En règle générale, vous devenez un non-résident si vous remplissez les conditions suivantes :

  • vous quittez le Canada pour vivre dans un autre pays;
  • vous rompez vos liens de résidence avec le Canada.

La rupture des liens de résidence signifie que :

  • vous disposez ou louez votre maison au Canada et établissez une résidence permanente dans un autre pays;
  • votre époux ou conjoint de fait ou vos personnes à charge quittent le Canada;
  • vous disposez de biens personnels au Canada et rompez les liens sociaux.

Si vous avez quitté le Canada mais n’avez pas rompu vos liens de résidence avec le pays, vous êtes généralement considéré comme un résident de fait. C’est ainsi le cas si :

  • vous êtes parti pour un travail temporaire;
  • vous avez quitté pour des vacances;
  • vous faites le va-et-vient chaque jour ou chaque semaine entre le Canada et votre lieu de travail situé à l’extérieur du pays;
  • vous fréquentez une école dans un autre pays.

Si vous avez établi des liens dans un pays avec lequel le Canada a conclu une convention fiscale, même si vous n’avez pas rompu les liens au Canada et que vous êtes considéré comme un résident de ce pays, vous pouvez être un non-résident réputé du Canada et serez traité comme un non-résident.

Si vous n’avez pas de liens de résidence importants avec le Canada, mais que vous avez passé plus de 183 jours au pays, vous pouvez être considéré comme un résident réputé du Canada.

Notez également qu’en tant que résident de fait ou réputé, le particulier doit produire une déclaration de revenus canadienne et inclure son revenu mondial. Les résidents de fait peuvent recevoir tous les crédits d’impôt fédéraux et provinciaux, alors que les résidents réputés ne peuvent bénéficier que des crédits d’impôt fédéraux. Les résidents de fait ou réputés continueront de cumuler des cotisations au REER et au CELI.

Si vous avez besoin que l’Agence du revenu du Canada (ARC) détermine votre statut de résidence, vous devez remplir le formulaire NR73, Détermination du statut de résidence lorsque vous quittez le Canada.

QUE FAIRE SI VOUS DÉCIDEZ DE PARTIR?

Vous devez informer les institutions financières de votre changement de résidence et communiquer votre date de départ avec l’ARC, Revenu Québec et les autres organismes gouvernementaux si vous êtes un résident du Québec.

Vous devez produire une déclaration de revenus si vous possédez des biens au Canada, même si vous n’avez pas gagné de revenu dans l’année où avez quitté le pays. Vous pourriez avoir des gains en capital. Vous seriez réputé avoir disposé de certains types de biens à leur juste valeur marchande[iii].

Il existe quelques exceptions à cette règle :

  • les biens, immobiliers ou réels, situés au Canada, les avoirs miniers canadiens et les avoirs forestiers;
  • les biens utilisés dans une entreprise canadienne (incluant ceux qui figurent à l’inventaire);
  • les régimes de retraite, régimes de rentes, REER, CELI, REEE.

Le formulaire T1243, Disposition réputée de biens par un émigrant du Canada doit être rempli pour calculer le gain en capital découlant de la disposition. De plus, si la juste valeur marchande de tous les biens que l’émigrant possédait au moment de son départ du Canada était supérieure à 25 000 $, il doit remplir le formulaire T1161, Liste des biens d’un émigrant du Canada.

DEVEZ-VOUS PAYER DES IMPÔTS SUR LA DISPOSITION RÉPUTÉE DE VOS BIENS?

Vous pouvez choisir de reporter le paiement de l’impôt sur le revenu lié à la disposition réputée d’un bien, quel qu’en soit le montant. Vous paieriez alors cet impôt plus tard, sans intérêt, lorsque vous vendez (ou aliénez autrement) la propriété[iv].

Pour ce faire, le formulaire T1244, Choix de reporter le paiement de l’impôt sur le revenu relatif à la disposition présumée d’un bien doit être produit avec votre déclaration de revenus.

Si vous choisisssez cette option pour et que le montant de l’impôt fédéral sur le revenu dû relatif à la disposition réputée de biens excède 16 500 $ (13 777,50 $ si vous résidiez au Québec), vous devez fournir à l’ARC une garantie suffisante pour couvrir le montant[v].

Cela signifie essentiellement qu’aucune garantie n’est requise pour les premiers 100 000 $ de gains en capital. Un dépôt de garantie peut être exigé pour couvrir tout impôt provincial ou territorial applicable.

SI VOUS VENDEZ VOTRE MAISON APRÈS VOTRE DÉPART

Si vous vendez un bien canadien imposable après que vous serez devenu non-résident, vous devez informer l’ARC de la disposition proposée ou de la disposition terminée de votre maison au plus tard 10 jours après la clôture de la vente. L’avis est fait à l’aide du formulaire T2062 Certificat – La disposition éventuelle de biens par un non‑résident du Canada (et T2062A s’il s’agit d’un bien amortissable comme un bien locatif), pour éviter une pénalité pouvant atteindre 2 500 $.

Lorsque vous remplissez le formulaire, vous devez calculer le gain (ou la perte) en capital estimé sur la vente ainsi que toute récupération d’amortissement / perte finale (si vous vendez un bien locatif). L’ARC vous demandera de payer au moment de la vente 25 % du gain en capital estimé et l’impôt fédéral dû sur toute récupération. L’acheteur de la propriété assiste dans ce processus en retenant l’impôt sur le produit brut qui vous est dû. L’ARC vous délivrera un certificat de conformité une fois que l’acheteur aura versé le montant exact de l’impôt.

Le montant de la retenue n’est pas votre dernier impôt canadien à payer. Vous devrez produire une déclaration de revenus des non-résidents canadiens pour déclarer la vente et calculer votre impôt réel. Ce retour est dû au plus tard le 30 avril de l’année suivant l’année de la vente. Vous pouvez obtenir un remboursement ou vous pourriez avoir un paiement dû si votre impôt canadien final est supérieur au montant retenu.

L’EXEMPTION POUR RÉSIDENCE PRINCIPALE

Comme mentionné plus haut, une résidence principale n’est pas assujettie aux règles de disposition réputée au départ, ni aucun autre bien immobilier. Les particuliers ont deux options :

  • Choisir de déclencher la disposition réputée du bien et d’utiliser l’exemption pour résidence principale dans l’année d’émigration pour exonérer le gain accumulé de l’inclusion dans son revenu imposable. Le produit de la disposition réputée correspondra à leur nouveau prix de base sur lequel tout gain futur sur la disposition finale sera calculé aux fins de l’impôt canadien.
  • Ne rien faire au moment de l’émigration car le bien est exempté de la règle de disposition réputée. Lorsque le particulier vendra la propriété – en tant que non-résident – le gain sera calculé à partir du prix d’achat historique, et il pourra utiliser l’exemption pour résidence principale à ce moment-là. Veuillez noter que l’exemption pour résidence principale est offerte à un non-résident pour la totalité ou une partie des années où il a été propriétaire du bien en tant que résident du Canada.

Le choix de l’option qui convient le mieux dépend du gain accumulé jusqu’au moment de l’émigration et de l’attente d’un gain futur après l’émigration.

VOS REVENUS SERONT-ILS IMPOSÉS APRÈS VOTRE DÉPART?

Les particuliers non-résidents sont assujettis à l’impôt sur le revenu canadien, sur le revenu d’un emploile revenu tiré de l’exploitation d’une entreprise au Canada ainsi que sur les gains en capital provenant de la disposition de biens canadiens imposables.

En règle générale, les intérêts et dividendes versés à des non-résidents sont assujettis à la retenue d’impôt canadien. De plus, les paiements provenant d’un REER, d’un FERR, du RPC, du RRQ ou de la SV sont assujettis à 25 % du taux fixe de retenue d’impôt à moins qu’une convention fiscale ne réduise le taux.

En conclusion, les règles peuvent être complexes et des pénalités peuvent s’appliquer si vous ne les respectez pas. Il est très important de conserver les documents qui prouvent que vous n’êtes plus un résident canadien. Une planification minutieuse en amont est nécessaire, surtout si vous avez des actifs au moment de quitter le Canada.

[i] Les conséquences fiscales de l’émigration des sociétés et des fiducies sont en dehors d’application de cet article.

[ii] Folio de l’impôt sur le revenu S5-F1-C1, Détermination du statut de résident d’un particulier.

[iii] LIR alinéa 128.1(4)b)

[iv] LIR paragraphe 220(4.5)

[v] LIR paragraphe 220(4.51)

Funda Dilaver

Titulaire d’un baccalauréat en administration des affaires, Funda Dilaver a également complété des études supérieures en commerce international et en comptabilité à l’Université McGill ainsi qu’en fiscalité à l’Université de Sherbrooke. Elle a obtenu le certificat de réussite du cours fondamental d’impôt de CPA Canada. Spécialisée en planification fiscale, successorale et de la relève, en gestion du patrimoine des particuliers à valeur nette élevée et de propriétaires de petites entreprises, Funda Dilaver possède aussi une connaissance approfondie des questions fiscales internationales.