Les cabinets fantômes

Par Fabien Major | 15 Décembre 2015 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Dans tout le débat qui entoure le MRCC 2, on ne cesse de répéter que rien ne sera pareil, que tout va changer, qu’il faut modifier sa pratique, que la profession sera bouleversée, etc.

Le MRCC 2 avance comme un bulldozer et rien ne peut l’arrêter. C’est effectivement ce que je crois. Mais ce n’est pas vrai qu’il faut rester seul à défendre sa pratique et à s’organiser pour tirer parti de ce qui pourrait bien devenir, à mes yeux, la plus formidable occasion de croissance pour les conseillers qui regardent en avant.

J’entends régulièrement les dirigeants responsables et actionnaires de contrôle de petits et grands cabinets de valeurs mobilières et d’épargne collective répéter comme une cassette qu’il faut déjà que les conseillers et planificateurs expliquent clairement à leurs clients comment ils sont rémunérés. Et surtout qu’ils se dotent d’une proposition de valeur ajoutée perceptible par les investisseurs.

Par exemple : offrir des plans financiers complets, communiquer plus souvent, offrir des rencontres en personne plusieurs fois l’an, offrir du soutien relativement au budget, assurances, financement hypothécaire ou de la petite entreprise, donner des séminaires spécialisés et soirées privées, etc. Bref, dorloter davantage sa clientèle.

Bravo! Ça, c’est la partie « cute ». L’objet de mon billet aujourd’hui est de leur répondre : « Et vous, dirigeants et proprios de cabinet, qu’offrez-vous de concret comme valeur ajoutée à vos conseillers? »

Pour relever le défi, le conseiller doit être mieux appuyé

Avant que le rouleau compresseur MRCC 2 n’atteigne la porte de votre bureau, c’est vrai que vous devrez effectuer une sérieuse remise en question de votre façon de travailler, mais ÉGALEMENT faire un inventaire de l’OFFRE de la firme à laquelle vous êtes rattaché.

Après tout, c’est elle qui met en évidence sa force de vente, ses actifs globaux sous gestion, ses honneurs, petits et grands… Retenez qu’elle ne pourrait pas pavoiser longtemps SANS votre apport quotidien. C’est votre labeur qui donne une valeur pécuniaire aux cabinets et fait sourire leurs banquiers! Ce sont VOS clients qui permettent aux actionnaires de contrôle de marchander des prêts, des marges et même de s’offrir manoirs et voitures de luxe. C’est aussi votre contribution qui engendrera un juteux bénéfice lors de la vente du cabinet à une plus grosse bannière.

Parfois, en lisant des entrevues avec des patrons de cabinets, j’observe quelques sans-gêne qui ont l’outrecuidance de confondre leurs conseillers avec leurs employés. Pour avoir une idée précise de votre statut, faites une demande d’hypothèque! Les prêteurs nous qualifient toujours de travailleurs autonomes, jamais de salariés. Dans mon esprit, un cabinet a un statut de fournisseur de services. Nous sommes les clients. NOUS leur faisons une faveur de passer des transactions par leur entremise, et c’est loin d’être gratuit.

Donc, si on insiste pour que vous en fassiez plus et que vous modifiez radicalement votre pratique, votre cabinet de courtage doit être en mesure de VOUS offrir une TRÈS grande valeur ajoutée, et ça presse.

Elle est révolue l’époque où vous deviez laisser 20 ou 30 % de votre paye, pour le fun, sans rien obtenir de concret en retour. L’argent facile dans les services financiers, c’est terminé.

Voici, par ordre d’importance, ce que les conseillers doivent exiger :

  • Une participation en actions votantes du cabinet ou de la maison mère, ou une compensation financière proportionnelle au bloc d’affaires en cas de vente ou de fusion;
  • Une équipe de professionnels disponible en soutien au développement des affaires (avocats, fiscalistes, notaires, comptables, planificateurs…), tous des employés à l’interne et qui ont du temps à vous consacrer;
  • Une image de marque solide, une stratégie SEO et un plan de communication auprès du public cible;
  • Une équipe de direction disponible et proactive;
  • Une architecture informatique du 21e siècle compatible avec les outils mobiles comme les tablettes et téléphones intelligents;
  • Une passerelle sécurisée à un logiciel en nuage (Cloud) CRM renommé;
  • Des espaces de bureaux dans un établissement stratégiquement bien situé;
  • Un soutien important pour le démarchage d’alliance stratégique et de prospection;
  • Une rémunération compétitive (attention au piège de la grosse paye sans soutien).

Plus un conseiller a d’actifs sous gestion, plus il engendre de croissance de nouvelles affaires, mieux il est placé pour exiger des changements concrets de la part de son courtier.

Identifier la motivation réelle

Mais par-dessus tout, étudiez ce qui motive les actionnaires de contrôle de votre cabinet. Ne vous laissez pas leurrer par la mission d’entreprise qui figure dans les dépliants publicitaires. Cette dernière date probablement de deux décennies et est rédigée en des termes anesthésiants qui ne veulent absolument rien dire.

Rappelez-vous que les gestes parlent davantage que les slogans. Depuis 12 mois, combien de fois le président est-il venu vous rencontrer personnellement pour vous remercier? Combien de fois s’est-il assis avec vous simplement pour vous demander ce qu’il pourrait faire pour contribuer à la progression de vos affaires (sans regarder sa montre)? Combien d’employés a-t-il ajoutés à son équipe pour vous soutenir dans le défi du MRCC 2? Où est le matériel promotionnel pertinent qui vous sera utile? Combien a-t-il investi en stratégie de communication sur les médias sociaux?

Le fait est que de nombreux cabinets ont plutôt choisi de fermer le robinet des investissements. Leurs dirigeants sont sur le pilote automatique depuis qu’ils ont perdu le feu sacré. Ils s’assoient sur leurs lauriers en ne pensant qu’à leurs prochaines vacances. La mission d’origine qui était « Devenir LE réseau de conseillers en finances personnelles de référence au Québec en offrant à nos professionnels des outils et un environnement exceptionnel facilitant leur croissance » est devenue « améliorer le ratio BAIIA (bénéfices avant intérêt, impôts et amortissement) pour séduire un consolidateur visant une entrée en Bourse ou une revente ».

Est-ce que cette vision des affaires s’aligne parfaitement avec la vôtre? Si oui, alors parfait, ne changez rien et laissez le marché décider de votre avenir. Si ce n’est pas le cas, vous devrez bouger.

Je suis passé par là. Je ne me suis jamais senti aussi prêt pour participer et tirer profit des changements qui déferlent déjà sur la profession.

Fabien Major

Fabien Major, MBA, Adm.A., est planificateur financier et conseiller en placement. Il possède aussi le cabinet Major Gestion Privée, lié à Assante, à Montréal.