Quand un simple aspirateur surclasse un robot-conseiller

Par Fabien Major | 15 août 2017 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Photo : Charles Taylor / 123RF

La curiosité a fini par l’emporter. Pour le plaisir, j’ai investi un petit REER dans le robot-conseiller Wealthsimple. Et on ne peut pas dire que j’ai été très impressionné.

Comme je m’en doutais, après avoir terminé mon profil, l’algorithme m’a dirigé vers un portefeuille dynamique composé uniquement de fonds indiciels.

Wealthsimple estime la performance réalisée à +24 % au total (avant frais) entre le 20 août 2014 et le 1er juin 2017. Est-ce bon? Pas sûr. Vous allez voir.

Mon robot-aspirateur se déguise en IndexBuster

J’ai trouvé tellement simpliste le fonctionnement de Wealthsimple que j’ai choisi d’assembler mon propre robot-conseiller.

On sait tous que la répartition d’actif est au cœur des rendements d’un portefeuille. Mais il ne suffit pas de diversifier. Comme les marchés financiers répondent aux mouvements émotifs et aux intérêts économiques de « vrais » humains, j’ai alimenté mon robot avec une sélection minutieuse de fonds supervisés par des gestionnaires en chair et en os, qui apportent une valeur ajoutée très tangible, plutôt que de le remplir de fonds indiciels comme Wealthsimple.

C’est mon robot-aspirateur, rebaptisé IndexBuster pour l’occasion, qui a lui-même choisi ces gestionnaires. Qui a obtenu les meilleurs résultats?

Voyez IndexBuster affronter Wealthsimple!

Des questions en suspens

Après avoir utilisé Wealthsimple, je suis resté plutôt surpris par les nombreux raccourcis éthiques que la plateforme emprunte.

Les fournisseurs d’origine de mon portefeuille étaient BMO, iShares, Vanguard et Purpose, que je ne connaissais pas. Après quelques recherches, je me suis aperçu que Purpose Investments est l’un des manufacturiers les plus coûteux de l’industrie canadienne des FNB indiciels. Un des fonds proposés, le fonds de dividendes de base Purpose, a un ratio de frais de gestion (RFG) de 0,73 %. Quant au Fonds immobilier à durée couverte Purpose, son ratio total est de 0,80 %. Cela équivaut à des frais 16 fois plus élevés que ce que Vanguard facture pour son FNB US Total Market US, dont les frais sont de 0,05 %.

Pourquoi Weathsimple m’a-t-il choisi des FNB aussi onéreux? Outre le fait que Som Seif, chef de la direction de Purpose Investments, siège au conseil d’administration de Wealthsimple, je ne vois pas vraiment. Sans crier gare, en mars 2017, la plateforme éjectait les fonds Purpose de mon portefeuille, mais sans les remplacer. Je n’ai jamais compris la logique derrière cette transaction.

Trois ratios pour le prix d’un

Mon sourcil droit s’est aussi relevé de deux pouces en lisant sur le site web de Wealthsimple que le portefeuille croissance qu’on m’avait attribué affichait un RFG de 0,1 %. Pourtant, lorsqu’on assemble le même portefeuille avec le Laboratoire Advisor Morningstar, on arrive à un ratio 60 % plus cher (RFG de 0,16 %). Qui dit vrai?

Toujours sur la même page web, un tableau présentant les performances des trois dernières années montre des résultats BRUTS, avant les frais. Il est pourtant impossible d’investir chez Wealthsimple pendant 36 mois sans frais. Plus loin, on fait valoir que les placements d’un investisseur traditionnel suivent exactement les mêmes indices que ceux sélectionnés par l’autoproclamé robot-conseiller, mais qu’il doit débourser 2 % de frais.

La comparaison est boiteuse et très discutable quant à l’honnêteté intellectuelle. Pourquoi pas ne pas se mesurer à un indice croissance de Morningstar ou, mieux, à une sélection de fonds quatre ou cinq étoiles, ce que suggèrent réellement de nombreux conseillers attentifs aux investisseurs?

Dans le tableau cité précédemment, on souligne que Wealthsimple ne facture que 0,5 % de frais, plus 0,2 % de RFG pour ses fonds indiciels. Mais on mentionnait ailleurs des frais de 0,1 % pour mon portefeuille… C’est 0,1 %, 0,16 % ou 0,2 %? Je ne sais plus. Mais j’ai trois tarifs différents pour les mêmes fonds.

Cessons d’appeler ces trucs des robots-conseillers. Ce ne sont que des algorithmes primaires de répartition d’actif. Ont-ils de l’avenir? Certainement. Surtout si des conseillers s’en servent pour simplifier une partie de leur boulot, notamment pour les très petits comptes.

Aux États-Unis, où le principe a décollé il y a près d’une décennie, le géant des robots-conseillers Betterment a dû se rendre à l’évidence. Malgré ses 10 G$ sous gestion, l’expérience ne semblait toujours pas suffisamment rentable.

En début d’année, les conseils humains sont donc venus à la rescousse de la machine. Betterment a recentré son marché cible vers les comptes de plus de 100 000 $ en offrant des bouquets de services supplémentaires, comme la planification de la retraite et de la succession, des services fiduciaires et de la fiscalité avancée. Et ça, aucune machine ne pourra y arriver.

Pour lire la réponse de Wealthsimple, c’est ici.

Fabien Major

Fabien Major, MBA, Adm.A., est planificateur financier et conseiller en placement. Il possède aussi le cabinet Major Gestion Privée, lié à Assante, à Montréal.