À chaque solvabilité son prêt (ou pas)

Par Marjorie Banville | 12 juin 2019 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Photo : Alexander Raths / 123RF

Dans le cadre d’une démarche d’emprunt hypothécaire, l’évaluation de la capacité de l’emprunteur à rembourser sa créance se trouve au cœur du processus d’admissibilité. Bien que d’autres aspects, tels que la mise de fonds, le dossier de crédit et la garantie, soient essentiels à l’analyse, la solvabilité est l’élément central de l’admissibilité à un prêt hypothécaire et de son ampleur. Voici comment l’évaluer.

La solvabilité d’un emprunteur, ou sa capacité à rembourser un prêt, est mesurée à l’aide de deux ratios d’endettement, soit l’amortissement brut de la dette (ABD) et l’amortissement total de la dette (ATD), qui sont détaillés ci-dessous.

Ces deux ratios du service de la dette reposent sur les revenus de l’emprunteur, puisque ce sont principalement eux qui lui permettront d’honorer ses obligations financières.

Ainsi, les institutions prêteuses veulent s’assurer que les principales charges du ménage n’excèdent pas une certaine proportion de leurs revenus. Les résultats du calcul des deux ratios doivent donc être inférieurs à des coefficients donnés.

Dans le cas des prêts assurés, soit notamment ceux pour lesquels la mise de fonds initiale est inférieure à 20 % du prix d’achat de la propriété, les limites à respecter sont fixées à 39 % pour l’ABD et 44 % pour l’ATD par des normes gouvernementales.

Dans le cas des prêts conventionnels, c’est-à-dire ceux qui ne sont pas assurés, il n’y a pas de contrainte réglementaire. Par contre, les institutions financières établissent généralement des maximums égaux ou inférieurs aux plafonds de 39 % et 44 %. Des règles différentes peuvent parfois s’appliquer, par exemple lorsqu’un capital important est disponible sur la propriété ou encore sur le marché des prêts alternatifs.

DE NOUVELLES NORMES

Récemment, le gouvernement fédéral a pris la décision de resserrer les normes de souscription relativement aux ratios du service de la dette dans le but, notamment, de « protéger la sécurité financière des Canadiens […] et d’appuyer la stabilité à long terme du marché du logement ». Un nouveau « test de résistance » a été instauré, visant à s’assurer que les emprunteurs puissent continuer à effectuer leurs paiements hypothécaires advenant une hausse éventuelle des taux d’intérêt, ceux-ci étant historiquement faibles depuis plusieurs années.

L’entrée en vigueur des nouvelles normes s’est faite en deux temps, touchant d’abord le marché des prêts assurés, puis celui des prêts conventionnels.

17 octobre 2016 – Segment des prêts assurés. Le paiement hypothécaire, que doit être capable d’assumer l’emprunteur, doit être calculé selon le taux le plus élevé entre le taux prévu au contrat et le taux de référence de la Banque du Canada pour les prêts hypothécaires ordinaires d’une durée de cinq ans, celui-ci étant présentement égal à 5,34 %.

1er janvier 2018 – Segment des prêts conventionnels. Le paiement hypothécaire doit être calculé selon le taux le plus élevé entre le taux prévu au contrat majoré de 2 % et le taux de référence de la Banque du Canada pour les prêts hypothécaires ordinaires d’une durée de cinq ans.

Il va sans dire que l’implantation de ce modèle de souscription révisé est venue rehausser substantiellement les exigences en matière de qualification. Avant son introduction, le paiement hypothécaire pouvait être calculé, pour les termes fixes de cinq ans, selon le taux prévu au contrat.

Afin d’illustrer l’application de ces nouvelles directives, prenons l’exemple d’un jeune diplômé qui souhaite obtenir un prêt assuré de 275 000 $ afin de faire l’acquisition d’une propriété. Supposons également les données suivantes :

  • des frais de chauffage de 150 $ par mois;
  • des impôts fonciers s’élevant à 300 $ par mois;
  • des dettes totalisant 500 $ par mois;
  • un taux d’intérêt négocié pour un terme fixe de cinq ans établi à 3,34 %.

Quel est le montant minimum de revenus requis afin de pouvoir procéder à cet achat? Dans l’ancien modèle, le calcul du paiement hypothécaire se faisait avec le taux contractuel de 3,34 %, de sorte que les revenus nécessaires étaient de 62 727 $[1]. Dans le nouveau modèle, c’est le plus élevé entre le taux contractuel de 3,34 % et le taux de référence de la Banque du Canada de 5,34 % qui doit être utilisé. De ce fait, le niveau de revenus requis s’élève désormais à 70 991 $, ce qui représente une hausse non négligeable de 13,17 %.

La capacité d’un emprunteur à faire face à ses engagements vis-à-vis du prêteur revêt une importance cruciale dans le processus d’obtention d’un prêt hypothécaire. Devant la complexité grandissante des normes mises en place par le gouvernement et les institutions financières afin de mesurer cette capacité, le recours à un professionnel comme un courtier hypothécaire apparaît de plus en plus comme une nécessité pour faire de cette démarche un succès.

[1] Il est à noter que l’amortissement prescrit dans le cas d’un prêt assuré est de 25 ans.

Marjorie Banville

Marjorie Banville est titulaire d’un baccalauréat en mathématiques, option actuariat, de l’Université de Montréal ainsi que d’une maîtrise en gestion, spécialisation en ressources humaines, de HEC Montréal. Après quelques années de travail en entreprise privée, elle se joint à l’été 2015 à l’entreprise familiale Banville Gestion de Patrimoine. Elle est représentante en épargne collective auprès de Services en placements PEAK, conseillère en sécurité financière et courtier hypothécaire à HYPOTHECA.