Jeu d’évasion

Par Michel Mailloux, du Collège des professions financières | 15 août 2019 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Homme qui réalise six étapes d'un jeu d'évasion.
Photo : zzoplanet / 123RF

Vous êtes-vous déjà adonné à un jeu d’évasion avec un groupe d’amis? On vous enferme dans une pièce. Vous devez, dans un temps limité et à l’aide d’indices, résoudre des énigmes pour vous réussir à vous échapper. Clefs à découvrir, pistes cachées, pièces secrètes, pression des minutes qui filent, interactions entre amis.

Depuis 20 ans, le poids de la conformité augmente d’année en année. Les seuls indices que nous ayons sur les règlements à venir nous viennent du Mercatus Center, aux États-Unis. Chez nos voisins du Sud, on comptait en 1983 environ 610 000 mots relatifs aux devoirs dans les lois et règles américaines, ceci dans tous les secteurs. Exactement 17 ans plus tard, il y en avait 860 000. En 2017, on en retrouvait 1 080 000. Le graphique suivant, tiré de la revue The Economist, illustre cette situation.

Tableau qui indique le nombre de fois que des mots relatifs aux devoirs ont été utilisés dans la législation américaine au fil des années.

On sait que le secteur financier excelle dans l’art d’établir des règlements. Par exemple, le Dodd-Frank Act américain, réforme du secteur financier adoptée en 2010 à la suite de la crise des subprimes, contenait plus de 1 600 articles répartis sur 689 pages et cette loi a donné lieu à la création de nombreux nouveaux règlements.

Toute cette petite démonstration pour illustrer les tendances lourdes qui affecteront votre pratique sur le plan de la conformité. Comment sera votre pratique dans dix, quinze ou vingt ans? Même s’il est impossible de répondre exactement, certains indices pointent cependant à l’horizon. Voyons les deux grands volets qui portent sur le sujet.

L’ENTRÉE EN CARRIÈRE

Le première exigence de conformité demandée à un conseiller touche sa formation. Depuis le 1er janvier 2016, la formation obligatoire à l’entrée en carrière en assurance de personnes a été uniformisée à travers le Canada. Il s’agit du Programme de qualification en assurance de personnes (PQAP).

Il comprend quatre volets, dont trois sont communs à toutes les provinces et territoires canadiens. Seul le cours de déontologie est différent. Au Québec, nous étudions le droit civil, alors que dans les autres provinces, c’est la common law.

La formation québécoise, à cause de la nature même de notre droit, est plus complexe. À titre d’exemple, au Canada anglais, la formation comprend environ 50 000 mots (common law) contre 124 000 mots (code civil).

Le grand avantage est que si vous avez déjà terminé votre cursus au Québec et que vous désirez obtenir votre permis dans le reste du Canada, la procédure est simple. Vous n’avez qu’à vous inscrire à la formation de déontologie en common law.

Certains diront que les exigences québécoises ont été réduites puisque le diplôme d’études collégiales n’est plus obligatoire à l’entrée en carrière, même si disponible.

Reste que le système actuel donne la chance au plus grand nombre. Auparavant, les détenteurs de diplômes supérieurs ou équivalents à une attestation d’études collégiales pouvaient directement se soumettre aux examens sans devoir suivre la formation. Aujourd’hui, cette dernière est obligatoire pour tous, sans égard à leurs diplômes précédents.

L’accès est plus simple et la qualité garantie par les examens obligatoires à l’Autorité des marchés financiers. En ce sens, on a simplifié le processus et la conformité.

LA CONFORMITÉ EN CARRIÈRE

La conformité pour les représentants est plus lourde qu’il y a 20 ou 30 ans.

Depuis à peine cinq ans, vous avez dû faire face :

  • au rehaussement des normes du Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada (CANAFE, qui réglemente ce qui entoure la lutte au blanchiment d’argent)
  • à l’introduction des règles fiscales du Foreign Account Tax Compliance Act (FATCA) et de la norme commune de déclaration
  • à la nouvelle Loi canadienne anti-pourriel
  • à la ligne directrice 18 de l’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes, qui oblige les agents généraux à exercer des contrôles de conformité
  • aux changements introduits par la Loi 141, dont la vente d’assurance et de planification financière sur Internet.

Pour ne nommer que les principales nouveautés!

À eux seuls, ces changements ont nécessité beaucoup d’efforts pour vous, surtout si vous êtes seul à votre compte ou regroupé avec une ou deux personnes. C’est la majorité d’entre vous, selon les données du ministère provincial des Finances!

À titre indicatif, un manuel complet de conformité peut compter 400 pages[1].

CE QUI S’EN VIENT

Nous ne prévoyons pas beaucoup de nouvelles réglementations, à deux exceptions près : CANAFE et ce qui touche les clientèles vulnérables. CANAFE a deux projets de règlements en cours, dont le premier, portant sur des aspects plus techniques, tels que l’encadrement des services de cryptomonnaie, doit être implanté cette année. Le deuxième, basé sur une quarantaine de recommandations du Sénat canadien, englobe une multiplicité d’aspects.

Les clients vulnérables retiendront aussi notre attention au cours des prochains mois. L’Autorité est en effet engagée dans un processus de simplification des directives quant à cette clientèle pour vous faciliter la tâche.

Enfin, nous prévoyons des suivis plus importants de la part des régulateurs. Pas beaucoup plus de règles, mais l’exigence de toutes les appliquer. Pour tous ceux qui le font déjà, cela signifie donc une relative simplification de la conformité.

Nous devons toutes et tous nous conformer même si le travail est simplifié. Or, il y a au Québec près de la moitié des représentants qui travaillent seuls. De plus, la moyenne des cabinets ne comprennent que trois détenteurs de permis. Se plier aux changements réglementaires demande des ressources, dont les (très) petites pratiques ne disposent pas toujours.

Vous aurez donc deux choix d’actions pour être conforme : vous vous regroupez ou vous achetez des logiciels et recourez aux services spécialisés d’experts du web ou de la conformité.

La logique même des marchés actuels nous conduit vers des regroupements. Pas moyen de nous évader, nous devons toutes et tous faire face aux nouvelles réalités.


[1] Le manuel de Mailloux & associés représente environ 400 pages.

Famille sous un parapluie rouge

Michel Mailloux, du Collège des professions financières

Michel Mailloux, MBA, est planificateur financier et éthicien. Il dirige le Collège des professions financières. Le Collège est un fournisseur autorisé par l’Autorité des marchés financiers pour les formations nécessaires à l’entrée en carrière en assurance de personnes (Programme de qualification en assurance de personnes, ou PQAP). Michel travaille aussi comme intervenant en conformité à travers sa firme Mailloux & associés.