L’ABC des nouveaux taux d’imposition sur les dividendes ordinaires en 2014

Par François Bernier | 3 septembre 2013 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Evgeny Atamanenko / 123RF

Le système fiscal canadien – tout comme le système québécois – est basé sur le principe de l’« intégration ». Ce principe stipule essentiellement que le revenu d’une entreprise exploitée activement, gagné au sein d’une société par actions, devrait être imposé de façon à ce que l’impôt payé par un entrepreneur, tant au niveau entreprise que personnel, soit le même que le taux d’imposition payé personnellement par un entrepreneur s’il gagnait personnellement ce revenu. Ceci dans la condition où tous les bénéfices de la société par actions sont versés à l’actionnaire sous forme de dividendes.

Toutefois, ce principe d’intégration n’a pas toujours été respecté dans les taux d’imposition mis en place par les différents législateurs. En fait, si vous jetez un coup d’œil au tableau ci-dessous, vous pourrez constater que dans la plupart des provinces canadiennes, il est plus avantageux, en 2013, de gagner un revenu d’entreprise exploitée activement par l’entremise d’une société par actions que de le gagner personnellement.

Économie/ (Coût) fiscal du revenu d’une entreprise exploitée activement par l’entremise d’une société par actions en 2013 (1):

C.-B.

AB

SK

MB

ONT

QC

N. -B.

N.- S.

I.P.-É.

T.-N.

Économie/

(Coût)fiscal

1,0%

1,2%

2,0%

0,6%

3,4%

(0,2%)

1,7%

4,5%

(0,9%)

1,8%

(1) Suppose qu’un revenu d’entreprise exploitée activement est gagné au sein de la société par actions et est versé aux actionnaires sous la forme d’un dividende ordinaire, au taux d’imposition maximum marginal en vigueur le 1er janvier 2013.

Comme on peut le voir dans le tableau ci-dessus, il y a des économies fiscales à faire en 2013, dans la plupart des provinces canadiennes, lorsque vous gagnez un revenu d’entreprise exploitée activement au sein d’une société par actions, et que vous distribuez ce revenu aux actionnaires sous forme de dividendes ordinaires. Ça ne devrait pas être le cas si le principe d’intégration fonctionnait parfaitement.

C’est pourquoi le gouvernement fédéral a annoncé de nouvelles mesures lors du budget présenté en mars 2013. Elles prendront effet le 1er janvier 2014 et se traduiront par une augmentation du taux d’imposition sur les dividendes ordinaires. Nous allons expliquer, dans cet article, la mécanique derrière ces changements et nous allons discuter de leur impact sur les actionnaires de petites sociétés par actions.

Nouvelles règles fiscales pour les dividendes ordinaires

Généralement, les dividendes versés par des sociétés privées sous contrôle canadien (SPCC) – lorsque leur revenu est assujetti au taux d’imposition des petites entreprises ou au taux d’imposition qui s’applique au revenu d’investissement – sont catégorisés comme dividendes « ordinaires » et bénéficient d’un traitement fiscal distinct. Quand un particulier reçoit un dividende ordinaire, il n’est pas imposé de la même façon qu’il le serait sur un revenu ordinaire. Dans sa déclaration fiscale, le montant du dividende ordinaire reçu est majoré de 25 %, tant au Québec qu’au fédéral. Toutefois, afin de préserver le principe d’intégration dont nous avons discuté plus haut, les particuliers qui reçoivent des dividendes ordinaires bénéficient d’un crédit d’impôt pour dividendes équivalent à 13,33 % au fédéral et à 8 % au Québec, du montant du dividende majoré reçu.

Mais comme nous l’avons vu dans le premier tableau, notre système fiscal avantage les particuliers qui exploitent une entreprise par l’entremise d’une société par actions. Donc, afin de mieux respecter le principe d’intégration, le budget fédéral de 2013 a introduit des ajustements dans la façon dont seront imposés les dividendes ordinaires. Au niveau fédéral, le facteur de majoration passera de 25 % en 2013 à 18 % en 2014. De plus, le crédit d’impôt pour dividendes ordinaires passera de 13,33 % en 2013 à 11,02 % en 2014.

Afin d’harmoniser la législation québécoise à celle du gouvernement fédéral, le ministère des Finances et de l’Économie à annoncé, dans un bulletin d’information publié le 11 juillet dernier, qu’il modifierait le traitement fiscal réservé aux dividendes ordinaires au niveau provincial : le taux de majoration sur les dividendes ordinaires passera de 25 % en 2013 à 18 % en 2014. De plus, le crédit d’impôt pour dividendes ordinaires passera de 8 % en 2013 à 7,05 % en 2014.

Quel sera l’effet de toutes ces modifications?

Le calcul des impôts à payer sur les dividendes ordinaires est assez complexe. Pour résumer, les changements annoncés dans les taux de majoration et dans les taux de crédit d’impôt viendront augmenter l’imposition des dividendes ordinaires. La comparaison suivante illustre l’impact des nouvelles règles pour un dividende ordinaire de 1000 $ reçu par un résident du Québec :

Comme vous pouvez le voir dans le tableau ci-dessus, le taux d’imposition maximum marginal sur les dividendes ordinaires passera au Québec de 38,54 % en 2013 à 39,78% en 2014.

Effet des changements sur les actionnaires de petites sociétés par actions

De façon évidente, ces changements vont augmenter le taux d’imposition maximum marginal sur les dividendes ordinaires reçus dans toutes les provinces canadiennes :

(1) Le taux d’imposition maximum marginal sur les dividendes ordinaires pour les revenus supérieur à 509,000 $ est de 36,47 % en 2013 et sera de 38,60 % en 2014. (2) Basé sur les taux connus en date du 30 Juin 2013 (Source EY.com). (3) Les taux tiennent compte des modifications proposées dans le bulletin d’information publié le 11 juillet 2013.

Deuxièmement, comme le démontre le tableau suivant, il sera généralement moins intéressant, en 2014, de gagner un revenu d’entreprise exploitée activement par l’entremise d’une société par actions, en se versant des dividendes ordinaires, en comparaison avec le revenu d’entreprise gagné personnellement par un particulier exploitant une entreprise :

(1) Le taux d’imposition maximum marginal sur les dividendes ordinaires pour les revenus supérieurs à 509,000 $ est de 36,47 % en 2013 et sera de 38,60 % en 2014. (2) Basé sur les taux connus en date du 30 juin 2013 (Source EY.com). (3) Les taux tiennent compte des modifications proposées dans le bulletin d’information publié le 11 juillet 2013.

En 2013, il était généralement avantageux de gagner un revenu d’entreprise par l’entremise d’une société par actions dans la plupart des provinces canadiennes, à l’exception du Québec et de l’Île-du-Prince-Édouard. Les changements proposés entraîneront un coût fiscal à gagner un revenu d’entreprise au sein d’une société par actions et à se verser la totalité de ces revenus personnellement sous forme de dividendes, dans la majorité des provinces canadiennes.

En dépit de ces changements, les dividendes – qu’ils soient déterminés ou ordinaires – resteront le moyen le plus fiscalement efficace de recevoir un revenu à partir d’une société par actions. Mais pour les actionnaires qui gagnent un revenu d’entreprise exploitée activement dans leur société par actions, le moment est propice pour revoir leur mode de rémunération et examiner la combinaison du salaire et des dividendes versés par leur société. Devrait-on envisager de se verser plus de dividendes en 2013 et de réduire ceux à être payés en 2014? Une discussion avec son conseiller en services financiers et son comptable s’impose. Enfin, il faut rappeler aux propriétaires d’entreprise qui n’ont pas besoin de tous les revenus générés par leur société par actions qu’ils pourront toujours continuer à bénéficier d’un report d’impôt significatif lorsqu’ils conserveront les bénéfices générés par ladite société.

Finalement, pour les propriétaires d’entreprises à la retraite qui reçoivent un dividende de leur société par actions, la réduction du taux de majoration sur les dividendes ordinaires pourra apporter un certain soulagement fiscal; en effet, les montants majorés de dividendes reçus détermineront les règles de remboursement des prestations de la pension de la sécurité de la vieillesse et du programme de supplément du revenu garanti.

Conclusion

Le maintien de l’équité dans le système fiscal canadien est louable. Les changements annoncés dans le dernier budget permettront de créer un terrain de jeu plus égal entre les personnes qui exploitent leur entreprise au sein d’une société par actions et celles qui opèrent une entreprise personnellement. Pour les conseillers en services financiers, ces changements aux règles d’imposition des dividendes ordinaires amènent une belle occasion de discussion avec les clients propriétaires d’entreprise sur la façon dont ils tirent une rémunération à partir de leur société par actions.


François Bernier, notaire directeur, planification fiscale et successorale, Placements Mackenzie.

François Bernier

François Bernier est notaire. Il occupe le poste de directeur, techniques de planification avancées à la Financière Sun Life.