Traitement fiscal des dons philanthropiques

Par François Bernier | 7 janvier 2013 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Nous avons esquissé, dans notre précédente chronique, des idées sur la façon de développer le marché de la donation philanthropique. Tel que promis, nous allons discuter aujourd’hui du traitement fiscal des différents types de donations philanthropiques.

Pour débuter, contrairement à une croyance populaire qui est tenace, les donations charitables ne donnent pas lieu, pour les particuliers, à une déduction d’impôt, mais plutôt à un crédit d’impôt relatif à la valeur de la donation.

Illustrons ici la différence : comparons une déduction pour une contribution REER de 5 000 $, à une donation charitable du même montant, pour un particulier ayant un revenu de 50 000 $ :

Cotisation à un REER (déduction au revenu) Don caritatif (crédit d’impôt)
Revenu imposable 50 000 $ 50 000 $
Revenu imposable après cotisation ou don 45 000 $ 50 000 $
Facture fiscale (Québec) 9 625 $ 11 544 $
Crédit d’impôt (Québec à 48,2 %) 0 $ 2 410 $
Facture fiscale finale 9 625 $ 9 134 $

On peut voir que, à montant égal, le crédit d’impôt peut amener une plus grande économie fiscale. Le montant du crédit d’impôt qui sera reçu par le particulier variera en fonction du montant du don effectué : la première tranche de 200 $ donnera lieu à un crédit d’impôt combiné (fédéral et provincial) correspondant à 32,5 % de la valeur du don. Pour la portion de la donation supérieure à 200 $, le particulier obtiendra un crédit d’impôt combiné correspondant à 48,2 %. À noter que les changements de taux d’imposition annoncés dans le dernier budget du Québec n’affecteront pas le niveau de crédit d’impôt qu’un donateur pourra réclamer.

Les dons versés à un organisme de charité donnent habituellement droit à un crédit d’impôt sur le revenu pour les particuliers (ou à une déduction d’impôt pour les sociétés), pour l’année d’imposition au cours de laquelle le don a été versé. Dans le cas des particuliers, le montant annuel à l’égard duquel un crédit peut être demandé est plafonné à 75 % du revenu net. Les dons non utilisés peuvent être reportés sur les cinq années qui suivent l’année du don, sous réserve du plafond annuel de 75 %.

Lorsque la donation philanthropique se fait au décès, le don peut servir à minimiser ou éliminer l’impôt à payer par la succession. Le montant de la donation utilisable est alors plafonné à 100 % du revenu net de l’année du décès et, si nécessaire, à 100 % du revenu net de l’année précédant le décès.

Dons en espèces et dons de titres en nature

Il est possible de donner des sommes en espèces à des organismes de charité. Il est toutefois beaucoup plus avantageux, du point de vue fiscal, de donner directement des titres sur lesquels du gain en capital s’est accumulé. En effet, les dons de titres en nature à un organisme de charité peuvent donner droit à un traitement fiscal amélioré. La Loi de l’impôt sur le revenu prévoit un taux d’inclusion de 0 % pour les gains en capital imposables dans le cas de dons d’actions, d’obligations de titres de fonds communs et d’autres titres cotés en bourse. Les donateurs ne paieront donc aucun impôt sur les gains en capital réalisés sur des titres donnés à un organisme de charité. Cette réduction du taux d’inclusion s’applique également aux donateurs qui font don de titres cotés en bourse acquis en vertu d’une option d’achat d’actions attribuée aux employés, à condition que le don ait lieu dans les 30 jours suivant la levée de l’option.

Assurance-vie

Il est également possible d’utiliser une police d’assurance-vie existante afin de faire des dons.

Pour obtenir un avantage fiscal immédiat, il est possible de céder irrévocablement la propriété d’une police d’assurance-vie à un organisme de charité. Un reçu fiscal sera immédiatement émis pour la valeur de rachat de la police (à sa juste valeur marchande). De plus, si le client continue de payer les primes, chacun des paiements qu’il effectuera sera considéré comme un don supplémentaire donnant droit à un crédit d’impôt. Suite au décès du donateur, l’intégralité de la prestation de décès sera versée à l’organisme de charité, sans créer d’avantage fiscal supplémentaire pour la succession du donateur.

Si le donateur est prêt à reporter l’avantage fiscal dans le temps, il peut désigner l’organisme de charité comme bénéficiaire de la police, mais sans lui assigner la propriété (ce qui lui laisse donc la possibilité de changer d’avis si les circonstances évoluent, par exemple). Aucun reçu fiscal ne sera émis. Toutefois, suite au décès du donateur, sa succession recevra un reçu fiscal pour la pleine valeur de la prestation de décès, à utiliser dans la préparation de la déclaration de revenus du défunt.

Fiducie philanthropique résiduaire

Il existe même la possibilité de faire le don d’un bien tout en conservant l’usage et les revenus qu’il produit : il s’agit de la « fiducie philanthropique résiduaire ». Comment cela fonctionne ? Le contribuable crée une fiducie et y transfère la propriété d’un bien immobilier, producteur de revenu ou non. Le donateur conserve l’usage de la résidence ou de l’immeuble à revenu de son vivant, ainsi que tous les revenus qui en sont tirés. L’acte de fiducie doit prévoir que la propriété sera transférée, au moment de son décès, à une fondation philanthropique préétablie. Cette façon de procéder offre deux avantages au donateur. En premier lieu, il pourra bénéficier d’un crédit d’impôt immédiat, tout en conservant l’usage du bien. En second lieu, il pourra continuer de recevoir le revenu généré par le bien.

Il y a toutefois certaines limitations à ce type de donation. Une donation doit généralement se faire à la juste valeur marchande du bien. Mais quelle est donc la juste valeur marchande d’un bien que l’on donne aujourd’hui, mais qui ne pourra pas être utilisé par un organisme de charité avant 15 ou 20 ans ? Le montant du crédit d’impôt relatif à cette donation doit donc refléter ce délai à obtenir la totale propriété du bien par l’organisme de charité; il doit être ajusté en fonction de l’espérance de vie du donateur, en utilisant par exemple les tables de mortalité et le taux d’intérêt prescrit par l’agence du revenu du Canada.

Il existe d’autres possibilités de donations, chacune ayant un traitement fiscal distinct, tels les dons de terres écosensibles, les dons d’œuvres culturelles, etc.

Mise en garde

Certains promoteurs ont mis sur pied, au cours des dernières années, des stratagèmes visant à obtenir des crédits d’impôts « vitaminés ». Ces promoteurs promettent des reçus d’impôt pour dons pour un montant plus élevé que ce qui a été payé par les donateurs.

Il est prudent de conserver un certain scepticisme vis-à-vis de ces arrangements. La position de l’Agence de Revenu du Canada est claire en matière de philanthropie : une donation doit impliquer un part de renonciation de la part du donateur. Si un particulier s’enrichit suite à un tel arrangement il est possible que l’agence de revenu du Canada réduise le montant du crédit d’impôt à une limite égale au don en argent du contribuable et, dans bien des cas, à une somme inférieure à ce montant.

François Bernier

François Bernier est notaire. Il occupe le poste de directeur, techniques de planification avancées à la Financière Sun Life.