Où s’arrête la volonté de vendre à tout prix?

Par Gino Savard | 26 février 2018 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
4 minutes de lecture

Comme tous les gens en affaires, je suis conscient qu’il existe un impératif commercial qui nous dicte de vendre toujours plus. Mais pas à n’importe quel prix!

Une vente ne doit jamais se faire au détriment de celui qui est assis de l’autre côté de la table, c’est-à-dire le consommateur.

Selon Serge Beauchemin, ex-dragon et conférencier extraordinaire, « un vendeur, c’est quelqu’un qui aide une autre personne à faire un geste positif pour sa vie ». Selon cette prémisse, les bons vendeurs sont animés non pas par l’argent, mais par la grande satisfaction que leur procure le fait d’aider les gens à régler des problèmes. Leur travail s’inscrit donc dans une spirale positive selon laquelle plus ils règlent des problèmes, plus ils sont heureux et plus ils vivent des succès.

Lorsqu’on me demande mon rôle précis dans l’entreprise, je réponds sans hésiter que je suis vendeur. Mon père et mon grand-père avant lui l’étaient aussi, et je suis très fier de l’être.

J’ai le plus grand respect pour ce métier, car c’est celui qui me caractérise le mieux, mais je suis en colère quand je constate que certains collègues sont prêts à tout pour augmenter leurs ventes, affichant un « je-m’en-foutisme » profond quant aux conséquences sur la qualité de vie des gens.

Je fais ici allusion aux excellents lobbyistes qui représentent les institutions financières auprès du gouvernement pour permettre la vente directe d’assurance sur le web sans conseils professionnels. Certes, leurs employeurs veulent vendre plus, et à de meilleurs coûts de revient. Ils veulent que leurs produits soient exposés là où le client d’aujourd’hui et de demain regarde. Mais qu’en est-il du bien-être de ce même client?

Nous ne pouvons nier que la consommation en ligne augmente inexorablement, mais cela ne justifie pas que l’on doive suivre cette tendance les yeux fermés. Les gouvernements ont le devoir de fixer des balises pour protéger les consommateurs. Si l’avenir du commerce passe par le web, assurons-nous que celui qui programme les ventes en ligne ne le fasse pas uniquement au profit des vendeurs!

UN AMAZON DE L’ASSURANCE

Sur le site web d’Amazon, par exemple, si le produit ne convient pas ou n’est pas conforme à ce qui a été présenté à l’acheteur, divers moyens de remboursement sont proposés. De plus, un système de notation permet d’exclure les mauvais vendeurs de la plateforme si trop de gens manifestent de l’insatisfaction envers lui. C’est un système programmé pour que le client soit satisfait.

Imaginez maintenant que le consommateur n’ouvre pas la boîte en la recevant et qu’il se contente de lire l’information inscrite dessus précisant la marque du chandail acheté, sa taille et sa couleur pour s’assurer que cela corresponde à ce qu’il a commandé. Sans autre vérification, il range la boîte.

Trente ans plus tard, alors qu’il reçoit des invités, un convive renverse son verre de vin rouge sur lui. Le temps est venu de sortir le fameux chandail de sa boîte et là – oh malheur – le fuchsia n’est plus à la mode et il ne porte plus du small, mais du large (comme ça a été mon cas!). Impossible dès lors d’enfiler ce vêtement. Le voilà torse nu devant tout le monde.

Dans le domaine des services financiers, il est impossible pour les gens d’ouvrir la boîte et de juger si le produit commandé leur sied bien. Contrairement au chandail que l’on essaie immédiatement et que l’on porte régulièrement par la suite, une assurance est immédiatement mise dans un tiroir que l’on ouvrira uniquement en cas de problème, c’est-à-dire trop tard pour réaliser que le produit ne convenait pas.

Dès lors, se retrouver mal couvert (voire pas du tout) aura un effet beaucoup plus dramatique que de se retrouver « en bedaine » au milieu de ses invités! Cela peut même mettre en péril la santé financière de toute une famille.

Avec raison, les précédents gouvernements et leurs organismes de réglementation ont mis en place des balises (on ne pouvait acheter un produit d’assurance sans passer par le service conseil) afin non seulement que le chandail convienne parfaitement à l’achat, mais aussi qu’une vérification et des ajustements soient faits par un professionnel, notamment avant l’achat. On souhaitait alors que tous les Québécois revêtent une assurance qui leur sied bien. Désormais, j’ai la triste impression que les vendeurs de chandails sont ceux qui décident des règles et que les Québécois de demain risquent de se retrouver tout nus face au désastre.

La mission du gouvernement libéral est-elle de protéger les intérêts financiers des assureurs et des banques?

Gino Savard

Gino Savard

Gino-Sébastian Savard est président et associé de MICA Cabinets de services financiers, un agent général de deuxième génération établi à Québec depuis 30 ans et fort d’un réseau de plus de 185 représentants partout en province. Bachelier de l’Université Laval, avec en poche un certificat en planification financière et le titre d’assureur vie agréé, il a su développer en 25 ans de carrière une expertise enviable en assurance dans le secteur corporatif et le développement de marchés avancés. Fervent défenseur de la profession de conseiller, il est engagé de façon importante dans l’industrie pour qu’elle soit reconnue comme un service essentiel à la population. Franc, objectif et accessible, M. Savard est souvent invité à titre de panéliste et sollicité pour ses propos pertinents dans divers médias spécialisés.