Quel avenir pour les conseillers indépendants?

Par Gino Savard | 5 septembre 2013 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Sergey Nivens / 123RF

Pour mon premier billet sur cette plateforme, j’ai eu envie d’échanger sur l’avenir des conseillers indépendants. Le fruit des interventions de l’AMF dans le dossier du règlement 81‑407 pourrait avoir de graves répercussions sur notre métier. Invitation à une brève réflexion.

Où s’en va notre profession? Scandales, crise financière, acharnement des législateurs… être conseiller de nos jours n’est pas de tout repos! Disons-le, nous n’avons pas bonne presse. Les épargnants sont devenus méfiants (et avec raison!) et ils ne savent plus en qui avoir confiance. « Dois-je faire confiance au mari de ma belle-sœur qui est conseiller financier indépendant ou à ma voisine d’en arrière qui travaille dans une institution financière à deux pâtés de maisons de chez moi, ou encore tout mettre sous le matelas comme papa? ». Autant de choix qui mènent à des résultats bien différents.

Nous savons tous que les épargnants ont besoin d’être bien conseillés. Peu importe la philosophie et les embûches, nous savons également que notre profession demeure d’une importance capitale pour notre société. Or, quels sont les moyens qui permettraient de redorer le blason de notre industrie et de nous assurer d’être perçus comme les professionnels que nous sommes?

Le jeu des perceptions Comment vos clients vous perçoivent-ils? Comme le Superman de la finance au sujet duquel l’entourage n’a que des bons mots concernant le rendement de ses placements? Comme le « vendeux » d’assurance fatiguant qui fait de l’argent sur le dos des autres? Ou encore comme le conseiller qui leur a permis de ne pas perdre leur chemise quand ils ont divorcé? À la lecture du document de consultation 81-407 concernant les frais des OPC, vous serez à même de constater que les perceptions des ACVM à notre égard ne sont pas particulièrement élogieuses.

On ne peut blâmer les régulateurs pour ces questionnements. L’essence même des organismes de réglementation étant la protection du public, il est plutôt normal qu’ils se demandent si notre travail est fait selon les règles de l’art et par des personnes compétentes. Non, nous ne sommes pas des Earl Jones ou des Vincent Lacroix cupides et prêts à nous enrichir sans scrupule au détriment de la clientèle. Les règles se sont resserrées parce que les autorités y ont vu de l’abus, à tort ou à raison.

Mais le piège est là : à force d’entendre à gauche et à droite notre profession se faire ternir, certains conseillers finissent par y croire et par se sentir dévalorisés. À mon humble avis, le premier pas vers la reconnaissance de notre métier est de se considérer (et à juste titre!) comme un service essentiel au mieux-être de notre société. C’est donc à nous de faire le nécessaire afin de nous assurer que la perception publique corresponde à ce que nous sommes vraiment. Cela n’a pas toujours été le cas au cours des dernières années.

Après, et seulement après, pourrons-nous collectivement établir les bases de ce que deviendra notre profession : un groupe d’experts, individuellement conscients et convaincus de l’apport indéniable de leurs interventions auprès des particuliers et des entreprises. Mais pour partir en croisade, il faut d’abord être croyant.

Dans l’œil du législateur En voulant protéger le consommateur, plusieurs nouvelles règles et nouvelles pratiques de notre industrie sont venues embrouiller le processus de vente au lieu de le clarifier. Une démarche qui laisse nos clients encore plus craintifs. Ce n’est pas simple de savoir où commence et où se termine ce qui doit être expliqué et signé par le consommateur. Obliger le conseiller à un processus rigoureux le menant à la connaissance approfondie de son client en vue d’une analyse efficiente de ses besoins, c’est super! Mille fois bravo aussi à l’abandon du prospectus de 300 pages et à l’adoption d’un document simple d’une page ou deux permettant même au néophyte d’en comprendre la composition, le mandat et la structure de frais du placement dans lequel il investira. Mais saborder toute une industrie en forçant une conversion aux honoraires, comme il est proposé dans le document de consultation 81-407, me laisse pour, le moins, très perplexe.

Je ne suis pas plus convaincu qu’un client qui verra sur son relevé annuel de 2016 que son conseiller a empoché 2000 $ en commission, malgré les 5000 $ de pertes réalisées au cours de l’exercice financier, sera bien disposé à écouter les prochaines recommandations et à poser les bons gestes proposés par son conseiller (merci, 31-103!). Il est donc impératif que vos clients soient au courant de votre réalité commerciale car, dans trois ans, ce ne sera pas devant le fait accompli qu’il sera temps de l’expliquer.

Et les jeunes dans tout ça? Comme l’avenir de notre profession passe inévitablement par la relève, permettez-moi une petite mise en situation. Un jeune conseiller se déplace pour rencontrer un nouveau client de 29 ans, père de deux jeunes enfants, afin de le sensibiliser au fait qu’il doit épargner. Il verra sa rencontre de deux heures se solder par la mise en place d’un nouveau REER de 3000 $ et une cotisation au REEE de 2000 $. Comment sera perçue sa facture d’honoraires de 500 $ par ce client? Bienvenue dans le monde des services financiers et bonne chance mon grand!

Je ne crois pas que cette avenue stimulera la relève à s’établir dans notre industrie déjà désertée par les jeunes. Je ne crois pas non plus que cette solution améliorera l’accessibilité au conseil pour les plus petits épargnants. Par contre, le client qui aura le plaisir et la chance de traiter avec un conseiller en succursale bancaire ne paiera ni frais ni honoraires (car tout le monde sait que nos institutions financières sont des OBNL…) Pas de méchante commission en succursale : et tout paraît gratuit!

En avant toute! Notre industrie, bien qu’imparfaite (et surtout traditionnelle), a malgré tout su s’ajuster et évoluer. Je suis convaincu qu’elle saura poursuivre ses efforts en ce sens. Je crois aussi fondamentalement que le monde des conseillers indépendants demeure une avenue intéressante pour nos Y, une génération empreinte d’un esprit entrepreneurial. À nous de tout mettre en œuvre afin de faire entendre notre voix sans équivoque au nom de la pérennité de notre métier.

Et vous, conseillères et conseillers, comment comptez-vous y contribuer?


Gino-Sébastian Savard est président et associé de MICA Cabinets services financiers

Gino Savard

Gino Savard

Gino-Sébastian Savard est président et associé de MICA Cabinets de services financiers, un agent général de deuxième génération établi à Québec depuis 30 ans et fort d’un réseau de plus de 185 représentants partout en province. Bachelier de l’Université Laval, avec en poche un certificat en planification financière et le titre d’assureur vie agréé, il a su développer en 25 ans de carrière une expertise enviable en assurance dans le secteur corporatif et le développement de marchés avancés. Fervent défenseur de la profession de conseiller, il est engagé de façon importante dans l’industrie pour qu’elle soit reconnue comme un service essentiel à la population. Franc, objectif et accessible, M. Savard est souvent invité à titre de panéliste et sollicité pour ses propos pertinents dans divers médias spécialisés.