Abolir les concours de vente : oui, mais…

Par Didier Bert | 25 juillet 2017 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Les incitatifs de vente dans l’industrie de l’assurance sont nocifs et il était grand temps de songer à les abolir, selon Daniel Guillemette, président de Diversico. Mais blâmer les conseillers pour l’existence de ces récompenses serait une erreur.

Réagissant au dépôt jeudi d’un document de réflexion par l’Autorité des marchés financiers (AMF) sur le risque de conflits d’intérêts que posent ces incitatifs, M. Guillemette affirme que le problème (et la solution) vient plutôt de l’industrie elle-même.

« Tant que l’industrie continuera d’offrir des récompenses de quelque nature que ce soit aux conseillers au-delà d’une commission normalisée entre assureurs (incluant une bonification normalisée permettant aux plus performants d’être mieux récompensés que les autres), ces derniers n’ont aucune raison d’être blâmés par qui que ce soit, incluant les régulateurs, martèle-t-il dans un courriel à Conseiller. C’est le système qui les place dans cette position délicate. »

Pour le président de Diversico, les concours de vente sont une « carotte » utilisée pour encourager les conseillers. Mais cela « les réduit au statut de bêtes de cirque et retarde l’épanouissement et le rayonnement de cette profession qui ne demande qu’à éclore », poursuit-il.

La grande majorité des conseillers se comportent de manière éthique, rappelle-t-il. L’existence des concours alimente à tort la perception qu’ils pourraient faire passer leurs intérêts avant ceux de leurs clients pour gagner des prix, ouvrant « la porte à la critique de la population et de l’AMF », continue M. Guillemette.

« Cette situation malsaine qui perdure et qui continue d’être alimentée par les réseaux de distribution afin d’attirer les affaires des conseillers vers eux doit cesser au plus tôt », conclut-il.

LES BONIFICATIONS, PAS SI NUISIBLES

Par contre, les bonifications ne devraient pas être associées « sans nuance » à un risque élevé de conflit d’intérêts comme c’est le cas dans le document de l’Autorité, soutient Daniel Guillemette. Il refuse l’idée qu’un conseiller soit performant uniquement parce qu’il anticipe de meilleurs taux de boni.

« Il est performant pour une série de raisons, mais pas pour celle-là. S’il a négocié, comme nous, un taux de bonification identique chez tous les assureurs et qu’il ne subit pas la pression de quiconque pour qu’il vende un assureur donné, le taux de bonification devient alors un risque faible », précise-t-il.

UNE QUESTION D’IMAGE

Si les concours de vente doivent être remis en cause, c’est surtout pour l’image du conseiller qu’ils projettent au public plutôt que pour leur utilisation, relève de son côté Flavio Vani, président de l’Association professionnelle des conseillers en services financiers (APCSF).

« Les concours de vente ont toujours existé dans le domaine de l’assurance, observe-t-il. La raison est que cela coûte cher de trouver de bons représentants, et que la rémunération joue un rôle très important pour motiver les gens à rester dans ce secteur. »

S’il y a des conflits d’intérêts évidents, il faut toutefois s’y attaquer, poursuit M. Vani. « Dans la société, il y a des gens qui trichent, constate-t-il. Mais il ne faut pas confondre avec les concours de vente, qui sont là pour pousser les représentants à performer. »

Flavio Vani pointe aussi le fait que les représentants ne sont pas les seuls à pouvoir être en situation de conflits d’intérêts. « Ça me paraît une affirmation gratuite de dire que les représentants sont les seuls concernés », lâche-t-il.

La consultation de l’AMF sur la gestion des risques de conflits d’intérêts liés aux incitatifs se poursuivra jusqu’au 15 octobre.

Didier Bert

Didier Bert est journaliste indépendant. Il collabore à plusieurs médias sur les thèmes de l’économie, des finances et du droit.