Budget fédéral : pas de quoi bouleverser votre vie

Par Hélène Roulot-Ganzmann | 23 mars 2017 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Beaucoup de spéculations… pour trois fois rien! Le budget présenté hier par le ministre des finances Bill Morneau ne va rien changer ou presque à la pratique des conseillers durant l’année à venir.

Les rumeurs allaient bon train jusqu’à hier 16heures, heure à laquelle le budget 2017 du gouvernement de Justin Trudeau a été dévoilé. Principale d’entre elles, la hausse du taux d’inclusion du gain en capital que certains analystes prévoyaient pouvoir s’élever jusqu’à 75%. Résultat, rien de tout ça ne se retrouve dans le texte qui devra être approuvé par la Chambre des communes.

« Sur ce point-là, c’est un soulagement, souligne Annie Boivin, directrice principale planification fiscale et successorale, Gestion de patrimoine TD. Pour le reste, il n’y a pas grand-chose à en dire. Il y a bien quelques modifications, mais sur des aspects qui ne concernent finalement pas les conseillers, ou une très faible minorité d’entre eux. »

Première constatation et pas des moindres : il n’y a pas de changement aux taux d’imposition.

Ensuite, pour ce qui peut intéresser les conseillers, notons d’abord l’élimination progressive du programme des obligations d’épargne du Canada, compte tenu de leur popularité en baisse. Celles-ci cesseront d’être émises dès cette année, mais tous les titres en circulation sur le marché de détail continueront d’être honorés.

Notons ensuite l’amélioration de l’accès aux bons d’études canadiens dans les régimes d’épargne-études et, afin d’accroître l’uniformité des règles fiscales qui s’appliquent aux placements détenus dans des régimes enregistrés, l’extension de l’application des règles anti-évitement aux REEE et aux REEI.

« Mais dans le premier cas, il s’agit surtout d’une mesure administrative, qui va faire en sorte que l’un ou l’autre des parents pourra en faire la demande, ce qui va permettre à plus d’enfants de recevoir les montants, explique Mme Boivin. Dans l’autre, d’étendre aux REEI et au REEE, les contraintes qui ne s’appliquaient jusque-là qu’au CELI et aux REER. Dans un cas comme dans l’autre, ça ne concerne que très peu de conseillers et ça ne va pas révolutionner leur pratique. »

FCP, ÉVASION FISCALE ET PRODUITS DÉRIVÉS

Le gouvernement a cependant profité de la présentation de ce budget pour annoncer être en train d’examiner un certain nombre de problèmes liés aux stratégies de planification fiscale au moyen de sociétés privées, qui peuvent permettre à des particuliers à revenu élevé – avocats, médecins, notaires – de profiter d’avantages fiscaux considérés comme injustes, ceux-ci ayant accès à un éventail de stratégies de réduction des impôts auxquelles les autres Canadiens n’ont pas accès. Un document exposant plus en détail la nature de cet enjeu sera publié dans les prochains mois.

« On peut noter également des changements sur le plan des fonds communs de placement (FCP), note Mme Boivin. Mais c’est à l’échelle des entreprises que ça se joue. Un FCP peut être en fiducie ou en compagnie. Mais nous, sur le terrain, on choisit le fonds qui est là. Ce n’est pas nous qui le montons. »

Le budget propose en effet d’élargir la portée des règles existantes concernant les fusions de fonds communs de placement afin de faciliter, avec report de l’impôt, la réorganisation en plusieurs fiducies de fonds commun de placement d’une société de placement à capital variable structurées sous la forme d’un fonds de substitution.

Ottawa propose également de s’attaquer à une pratique fiscale qu’elle considère comme douteuse et qui lui a fait perdre d’importantes sources de revenus au cours des dernières années. Le fédéral interdira dorénavant à un contribuable de déclarer une position à perte dans un placement de produit dérivé dit à chevauchement à la fin d’une année fiscale. Cette pratique fiscale encouragée par de nombreux cabinets comptables et fiscalistes permettra au fisc de récupérer 304 millions de dollars au cours des cinq prochaines années.

Dans le même ordre d’idées, le gouvernement Trudeau donne plus de moyens à l’Agence du revenu du Canada (ARC) en lui octroyant 523,9 M$ sur cinq ans afin de prévenir l’évasion fiscale. Le budget estime à environ 2,5 G$ sur cinq ans les revenus qui seront générés grâce au renforcement de la lutte.

CRÉDITS D’IMPÔT

Pas de grands changements donc pour les conseillers, mais quelques-uns à prévoir cependant du côté des préparateurs de déclarations de revenus. Certaines modifications interviennent en effet, notamment dans les crédits d’impôt.

  • Confirmation des modifications relatives à l’exemption pour résidence principale. Le budget confirme que le gouvernement ira de l’avant à l’égard des mesures fiscales annoncées le 3 octobre 2016 quant à l’exonération des gains en capital sur la vente d’une résidence principale.
  • Élimination du crédit d’impôt pour le transport en commun. Il s’agit d’un crédit d’impôt fédéral de 15 % sur le coût des laissez-passer admissibles que le budget propose d’éliminer à compter du 1er juillet 2017.
  • Élargissement de l’application du crédit d’impôt pour frais médicaux. Les coûts liés aux technologies reproductives sont généralement admissibles au crédit d’impôt pour frais médicaux lorsque l’état de santé du particulier est préexistant, comme l’infertilité médicale. Le budget propose d’étendre l’admissibilité au crédit d’impôt pour frais médicaux aux coûts liés à l’utilisation de technologies reproductives engagés par des particuliers sans infertilité reconnue, qui requièrent une intervention médicale pour concevoir un enfant.
  • Consolidation des crédits pour aidant naturel. Le budget propose de remplacer le crédit pour personnes à charge ayant une déficience, le crédit d’impôt pour aidants naturels et le crédit d’impôt pour aidants familiaux par un nouveau crédit canadien pour aidant naturel non remboursable de 15 % pour 2017 et les années subséquentes.
  • Élargissement de l’admissibilité au crédit d’impôt pour frais de scolarité. Le budget propose d’élargir l’admissibilité au crédit d’impôt pour frais de scolarité aux frais de scolarité payés à un établissement postsecondaire au Canada pour des cours axés sur des compétences professionnelles qui ne sont pas de niveau postsecondaire.

Enfin, le budget de 2017 propose que les taux de droit d’accise sur les produits alcoolisés augmentent de 2 % à compter d’aujourd’hui et que les taux soient automatiquement rajustés en fonction de l’indice des prix à la consommation le 1er avril de chaque année à partir de 2018. Les taux de droit d’accise sur le tabac sont également augmentés.

Bref, un budget sans grands changements, conclut Mme Boivin… qui se garde bien de faire des prédictions quant à ce que sera le budget 2018, tant toutes les spéculations de cette année se sont révélées fausses.

Hélène Roulot-Ganzmann