Commissions intégrées : l’industrie sur le pied de guerre

Par La rédaction | 11 janvier 2017 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Les réactions n’ont pas tardé après que les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) eurent lancé mardi leur consultation sur « les répercussions possibles de l’abandon des commissions intégrées ».

Dans une lettre adressée à Louis Morisset, patron des ACVM et PDG de l’Autorité des marchés financiers, l’Association professionnelle des conseillers en services financiers (APCSF) réitère son opposition à une éventuelle abolition de ces commissions.

Dans ce message signé par Flavio Vani, son président, l’Association soutient que les résultats d’un sondage réalisé en 2014 par les Autorités sur les pratiques de rémunération et les mesures incitatives utilisées par les sociétés pour motiver leurs représentants ne justifient pas la disparition des commissions.

« PAS DE CONFLITS D’INTÉRÊTS »

« Ces résultats établissent clairement que les conflits d’intérêts potentiels émanent de pratiques de rémunération qui sont mises en place [envers les] sociétés inscrites pour la distribution de valeurs mobilières et de fonds d’investissement, notamment les sociétés intégrées qui distribuent des produits exclusifs », insiste l’Association.

« Par conséquent, poursuit l’APCSF, le sondage exclut la présence de conflits d’intérêts qui seraient entraînés par les commissions intégrées dans les sociétés de gestion de fonds d’investissement. »

À la lumière de ces informations, l’Association recommande donc aux ACVM l’abandon de « l’option d’abolir les commissions intégrées dans les produits non exclusifs », tout en leur demandant d’œuvrer en faveur d’« une réglementation claire afin d’éliminer les situations de conflits d’intérêts potentiels identifiées dans le sondage ».

L’APCSF SURVEILLERA LE PROCESSUS DE PRÈS

Enfin, l’organisation encourage les Autorités à revoir les modèles d’affaires pour la distribution des produits financiers, notamment les fonds d’investissement et les valeurs mobilières, en vue de « favoriser la distribution indépendante des produits non exclusifs ».

« Les résultats du sondage prouvent que les commissions intégrées dans les ratios de frais de gestion des fonds d’investissement au Canada ne constituent pas un problème en matière de conflits d’intérêts, mais que ce sont plutôt les mécanismes de rémunération et les mesures incitatives des réseaux de distribution des sociétés intégrées qui doivent être ciblées par les autorités, en vue d’enrayer les pratiques commerciales qui vont à l’encontre des intérêts des clients », conclut l’Association.

Cette dernière termine sa missive en assurant qu’elle « demeurera vigilante afin que les éventuelles mesures d’intervention réglementaire qui seront proposées répondent aux véritables causes identifiées dans le sondage et qu’elles ne briment pas les intérêts du public pour des conseils objectifs et son accès à des produits non exclusifs ».

LE CDPSF APPELLE AUX « ÉCHANGES CONSTRUCTIFS »

Le Conseil des professionnels en services financiers (CDPSF) a également réagi dans un communiqué adressé à ses membres afin de leur annoncer que « le décompte est commencé ». Son directeur général, Mario Grégoire, y appelle « tous les intervenants du secteur financier » à compléter le sondage du Conseil, intitulé L’abolition des commissions intégrées, d’ici le 31 janvier.

« Tous sont invités à nous faire part de leur opinion sur cette question fondamentale pour l’avenir de la pratique des conseillers », écrit-il.

Soucieux de « favoriser l’émergence d’échanges constructifs », pour reprendre les termes du document de consultation, le CDPSF entend recueillir le plus grand nombre possible de commentaires et de suggestions, explique également Mario Grégoire.

« Le Conseil invite tous les assujettis à participer au dévoilement des résultats de cette consultation lors de son caucus qui se tiendra le 1er juin », conclut le dirigeant.

L’IFIC S’INQUIÈTE POUR LES PETITS INVESTISSEURS

Enfin, Paul C. Bourque, président de l’Institut des fonds d’investissement du Canada, a lui aussi pris la plume pour commenter la publication du document de consultation sur les commissions intégrées.

Dans un communiqué publié mardi, le patron de l’IFIC exhorte les ACVM à « évaluer soigneusement les avantages pour les investisseurs avant de déstabiliser des millions de titulaires de comptes canadiens », rappelant qu’« environ 4,5 millions de ménages au pays paient actuellement les frais liés à leurs fonds de placement au moyen de telles commissions ».

« Le fait d’éliminer la possibilité pour les investisseurs de payer leurs frais au moyen de commissions groupées ou intégrées pourrait grandement entraver l’accès aux conseils en matière de placement pour grand nombre d’entre eux », insiste Paul C. Bourque.

« Les organismes de réglementation et les gouvernements devraient se demander si le coût qu’entraîne l’abolition des commissions intégrées est proportionnel à l’objectif réglementaire de mitiger les conflits d’intérêts », ajoute-t-il.

« Les investisseurs fortunés ne devraient pas ressentir les effets de l’abolition des commissions proposée. Par contre, de nombreux investisseurs de la classe moyenne, ceux dont l’actif est de moins de 100 000 dollars et qui représentent la majeure partie des investisseurs, devront choisir entre payer des frais plus élevés ou se passer de conseils financiers », soutient par ailleurs le dirigeant.

« Les plus petits investisseurs pourraient refuser de payer des frais plus élevés pour des conseils de placement. Et même s’ils acceptent, ils pourraient avoir du mal à trouver un représentant prêt à fournir des services pour des comptes de petite envergure », explique-t-il.

« Le secteur est déçu du fait que les ACVM ont choisi de ne pas axer la consultation sur des mesures moins déstabilisantes et de n’envisager qu’une seule solution, soit une abolition complète », conclut Paul C. Bourque, qui annonce que l’IFIC profitera « du long délai accordé au processus de consultation pour proposer d’autres solutions et évaluer leurs incidences potentielles sur les investisseurs et l’industrie ».

La rédaction