Et si le RVER renfermait des surprises?

Par Hélène Roulot-Ganzmann | 4 février 2016 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Vous ne l’affectionnez pas vraiment, et pourtant… certains conseillers envisagent le RVER comme une belle opportunité d’élargir leur clientèle pour l’amener, à terme, vers d’autres produits plus complexes.

Alors qu’il n’était encore que sur la planche à dessin, le régime volontaire d’épargne-retraite (RVER) s’était déjà fait beaucoup d’ennemis dans l’industrie. Premier d’entre eux, l’Association professionnelle des conseillers en sécurité financière (APCSF), qui est tout de suite montée au front, accusant le produit de discréditer le rôle des conseillers. Après plusieurs mois de mise en marché, la position de son président, Flavio Vani, n’a pas changé d’un pouce.

« Nous n’avons aucun intérêt à l’offrir, point à la ligne, scande-t-il. C’est un produit nuisible pour la clientèle car il est vendu sans analyse, sans conseil, sans conseiller même parfois. Et à nous, il ne rapporte pas grand-chose. Qui va mettre du temps là-dedans ? J’en parle autour de moi et tout le monde est contre. »

Autour de lui peut-être… mais pas dans toute l’industrie toutefois. Nombreux sont ceux qui s’accordent sur le fait qu’il s’agit d’un produit d’entrée de gamme qui ne permettra pas, si le client s’en tient à cela, de pouvoir prétendre à une retraite dorée. Plusieurs rappellent pourtant que derrière ce produit imparfait se cache une loi qu’il faut saluer.

UNE BELLE PORTE D’ENTRÉE

« On peut discuter du fait que l’employeur n’est pas obligé de cotiser, ou encore du fait que les salariés peuvent se retirer du programme, commente Jean-François Pelletier, vice-président régional, régimes collectifs de retraite de la Financière Sun Life, Québec. Toujours est-il qu’un patron de PME a désormais l’obligation de proposer un régime de retraite. Ça le pousse à y réfléchir. Depuis l’entrée en vigueur de la loi, jamais au Québec il n’y avait eu une telle fenêtre pour parler de retraite avec les employeurs. »

Plusieurs conseillers confirment que depuis quelques mois, les employeurs sont plus nombreux à frapper à leur porte, qui pour s’informer, qui pour signer un RVER, qui parfois aussi pour adopter un autre régime collectif de retraite, plus poussé… et plus rémunérateur pour eux.

« Le RVER correspond aux attentes de certains, d’autres s’en vont vers d’autres produits. »

Steeve Gagné

Steeve_Gagne_150 « C’est une belle porte d’entrée pour parler de régime de retraite avec les entrepreneurs, confirme Steeve Gagné, vice-président délégué, ventes et développement, Régimes de retraite collectifs à Banque Nationale Assurances. Le RVER correspond aux attentes de certains, d’autres s’en vont vers d’autres produits. Chez nous, les entrepreneurs s’inscrivent sur notre site internet et ils sont ensuite rappelés par un conseiller de notre Centre contact client RVER. Ces conseillers sont des salariés à l’interne qui ne touchent pas de commission en fonction du régime qu’ils vendent. Leur objectif est de fournir le bon produit à chaque client et ils sont évalués sur cela. S’ils pensent qu’un autre régime serait mieux adapté, ils mettent le client en relation avec la direction du développement des affaires. Et c’est vrai que ça commence un peu à bouger dans ces services. »

Ça rapporte combien ?

En moyenne, la commission sur un RVER est de 0,2 % à 0,3 % sur l’actif du régime, pas plus. Pour un REER collectif, cette commission sur l’actif s’élève quant à elle à 0,3 %, mais une autre commission vient s’ajouter, soit 1 % de toutes les cotisations qui rentrent dans le programme. Au bout du compte, vendre un RVER rapporte deux fois moins qu’un REER collectif, affirment les conseillers interrogés.

La différence est encore plus grande si on compare le RVER à un REER individuel. Il est plus intéressant pour les conseillers de faire placer 25 000 dollars dans cinq REER individuels distincts plutôt que dans un seul RVER collectif. On suggère une différence de rétribution du simple au triple.

AUGMENTATION DE L’ACTIVITÉ

Et encore, à onze mois de l’entrée en vigueur de l’obligation pour les plus grosses PME, seuls les employeurs les plus motivés ont déjà franchi le pas pour se conformer à la législation. D’autres ne se réveilleront que dans le dernier semestre de 2016. À terme, la Régie des rentes du Québec (RRQ) considère que la loi touchera plus de 90 000 PME et près de 2 millions de travailleurs.

« C’est sûr qu’il va y avoir du volume dans les prochains mois, affirme Robert Tellier, vice-président développement des affaires à Manuvie. L’activité est en augmentation dans ce secteur. Et depuis que les conseillers offrent notre produit RVER, nous voyons les ventes de nos autres produits de retraite collective augmenter elles aussi. »

« Depuis que les conseillers offrent notre produit RVER, nous voyons les ventes de nos autres produits de retraite collective augmenter elles aussi.  »

Robert Tellier

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« Cette loi amène des discussions sans précédent sur la retraite mais aussi sur les assurances collectives plus généralement, confirme Denis Antonelli, président du Groupe conseil Antonelli et Morel. Dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre spécialisée, de plus en plus d’entrepreneurs comprennent que les avantages sociaux qu’ils proposent sont un véritable atout pour recruter et garder leurs salariés. L’entrée en vigueur du RVER nous donne l’occasion de rencontrer de nouveaux clients et de monter avec eux des programmes globaux et personnalisés. »

« L’entrée en vigueur du RVER nous donne l’occasion de rencontrer de nouveaux clients et de monter avec eux des programmes globaux et personnalisés. »

Denis Antonelli

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Certains conseillers entrevoient ainsi l’occasion de devenir une personne ressource sur laquelle le propriétaire d’entreprise voudra s’appuyer.

« Si mes clients fournissent déjà des avantages sociaux à leurs employés, nous pouvons compléter l’offre le plus intelligemment possible, explique Pierre-André Gervais, conseiller en assurances et rentes collectives à Avec Assurance. Je rencontre aussi de nouveaux clients avec lesquels je démarre une relation. Ceux-là pourraient ensuite me demander de l’aide sur d’autres dossiers. »

Élargir sa clientèle d’entreprises. Élargir également sa clientèle individuelle pour ceux qui disposent de la double casquette, la loi autorisant aussi les conseillers en sécurité financière à vendre le produit.

Qui et quand ?

  • Avant le 31 décembre 2016, pour les entreprises de 20 employés ou plus.
  • Avant le 31 décembre 2017, pour les entreprises de 10 à 19 employés.
  • À une date ultérieure non précisée pour les entreprises de 5 à 9 employés.
  • Les entreprises de 4 salariés et moins et les travailleurs autonomes peuvent eux aussi se prévaloir de la loi mais n’y sont pas obligés.

PARI SUR L’AVENIR

Certains lorgnent du côté de la retraite personnelle des employeurs. Pas nécessairement ceux qui dirigent les plus grosses PME, ceux-là ayant souvent déjà tout planifié. Mais au fur et à mesure que les plus petites entreprises entreront dans la danse, les conseillers feront affaire avec des entrepreneurs qui n’auront pas forcément pris le temps de penser à leurs propres vieux jours.

« Il s’agit alors de devenir leur personne de confiance, explique John Desormeau, président du Groupe Vigilis et conseiller en sécurité financière et en assurances et rentes collectives. Les propriétaires de grosses PME sont déjà bien entourés, ils ont un avocat, un comptable… Mais ceux qui ont cinq, six salariés, c’est autre chose. Là, il y a peut-être des opportunités d’affaires. Leur offrir à la fois un programme collectif pour leur entreprise et regarder aussi leur situation individuelle. »

D’autres pensent également pouvoir toucher la clientèle des travailleurs de façon individualisée.

« Quand tu fais 20 000 ou 30 000 dollars par année, tu n’as pas une grosse marge pour placer pour ta retraite, reconnaît Pierre-André Gervais. Le RVER permet de commencer à épargner. Et puis, quand ceux-là auront réussi à mettre une forte somme dedans, peut-être dans dix ans, ils auront envie d’obtenir des conseils personnalisés. S’ils sont satisfaits de leur RVER, ils voudront probablement poursuivre avec le même conseiller. »

« Quand ils auront réussi à mettre une forte somme dedans, ils auront envie d’obtenir des conseils personnalisés.  »

Pierre-André Gervais

Pierre-Andre_Gervais_150

« Il ne faut pas regarder les profits que nous faisons à court terme, conclut Denis Antonelli. Le conseil, c’est toujours un travail de longue haleine. »

Vous êtes contre le RVER parce que…

  • Il vous rapporte en moyenne moitié moins qu’un REER collectif;
  • Il peut être vendu sans faire appel à un conseiller ou un courtier;
  • Il n’est pas suffisant pour envisager une bonne retraite;
  • Le fardeau administratif est lourd pour l’employeur.

Vous y êtes favorables parce que…

  • Il oblige les employeurs à réfléchir à leurs programmes d’avantages sociaux;
  • C’est un bon produit d’entrée de gamme;
  • Il fidélise le client;
  • Il permet d’élargir la clientèle tant collective qu’individuelle;
  • Il permet de vendre les autres produits de retraite;
  • Il contribue à augmenter l’activité, au-delà des produits de retraite.

• Ce texte est paru dans l’édition de février 2016 de Conseiller

Hélène Roulot-Ganzmann