L’abolition de la Chambre fait réagir

Par Pierre-Luc Trudel | 6 octobre 2017 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
3 minutes de lecture
nexusplexus / 123RF

Recul majeur pour les uns, simplification de la réglementation pour les autres, l’abolition de la Chambre de la sécurité financière (CSF) est au cœur des débats entourant le dépôt du projet de loi 141 sur l’encadrement du secteur financier au Québec.

« D’un encadrement professionnel, on se dirige vers un encadrement gouvernemental. Il faut se demander pourquoi on fait ça. À qui cela va réellement servir? Qu’est-ce que le consommateur va gagner dans cette réforme-là? », lance à Conseiller la présidente de la CSF, Marie Elaine Farley, visiblement déçue du projet de loi déposé jeudi.

« L’autoréglementation a fait ses preuves, ajoute-t-elle. La Chambre est un organisme de proximité unique au Canada. Son abolition serait un recul. Pourquoi revenir à un système d’encadrement gouvernemental? C’est un peu comme si on décidait que les avocats devraient dorénavant être réglementés par le ministère de la Justice, sous prétexte que ce serait plus simple. »

La Chambre explique qu’elle devra étudier plus en profondeur le volumineux projet de loi avant d’envisager la suite des choses, mais compte bien se faire entendre lors des consultations.

« Les consultations vont être très importantes, car beaucoup de questions sont sans réponse à l’heure actuelle. Avant de procéder à un tel chamboulement, il faut savoir pourquoi on le fait. Ça va être important que les organismes puissent faire valoir leur point », soutient Mme Farley.

BEAUCOUP D’INQUIÉTUDES

« L’abolition de la Chambre et du code de déontologie m’inquiètent beaucoup », a pour sa part confié Flavio Vani, président de l’APCSF. Le code a été bâti par des professionnels et, de ce que j’ai vu, ce code sera remplacé par un code mis en place par l’AMF ». Selon lui, la CSF a « manqué le bateau de l’ordre ».

« Dans notre mémoire, nous parlions de l’abolition de la Chambre, oui, mais plutôt pour la remplacer par un ordre professionnel. Nous voulions une Chambre forte avec un encadrement professionnel pour tout le monde, poursuit-il. Ce qui se passe, c’est qu’ils font disparaître la Chambre pour la remplacer par l’AMF alors qu’on sait bien que l’AMF n’a pas de professionnels qui sont en contact avec ce qui se passe sur terre ».

UN CADRE RÉGLEMENTAIRE SIMPLIFIÉ

Pour Desjardins cependant, la disparition de la CSF est loin d’être une mauvais nouvelle. L’institution financière critique depuis longtemps déjà le « double encadrement » de la Chambre et de l’AMF, et les coûts élevés qui y sont liés. Dans un mémoire déposé en 2015, elle mentionnait que les cotisations des membres de la CSF avaient crû de 140 % entre 2000 et 2014.

« Nous ne sommes pas contre le regroupement de la CSF sous l’AMF, commente le porte-parole de l’institution, André Chapleau. Pour les consommateurs, ça facilite les choses, Souvent, ils ne savaient pas s’ils devaient s’adresser à l’AMF ou à la Chambre. […] C’est important pour la protection des consommateurs et l’AMF est aussi bien placée que la Chambre pour assumer cette pleine protection. »

« Je n’ai jamais constaté de confusion chez les consommateurs concernant le rôle de la Chambre », rétorque Marie Elaine Farley.

Reste que l’Institut québécois de planification financière (IQPF) juge lui aussi que le rapatriement des pouvoirs de la CSF à l’AMF permettra de clarifier les choses.

« On revient à l’idée d’un guichet unique qui était là, à l’origine, lors de la création de l’AMF, souligne la présidente-directrice générale de l’organisme, Jocelyne Houle-LeSarge. Pour nous, ça a du sens que l’AMF soit le guichet unique et que son rôle soit clarifié. Pour le public, ce n’est pas toujours simple de savoir à qui il doit s’adresser pour faire une plainte. »

À noter que le projet de loi 141 n’aborde ni la question de la planification financière, ni celle de la création d’un ordre professionnel pour les planificateurs financiers, pourtant une demande de longue date de l’IQPF.

Pierre-Luc Trudel