L’AMF voit d’un bon œil l’intégration de la Chambre

Par Nathalie Côté | 5 mai 2017 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Le PDG de l’Autorité des marchés financiers (AMF), Louis Morisset, voit d’un bon œil la possibilité que son organisation absorbe la Chambre de la sécurité financière (CSF), ce qui lui permettrait de renforcer son rôle de guichet unique.

Questionné au sujet de la déclaration du ministre Carlos Leitao selon laquelle il serait souhaitable que l’AMF absorbe la Chambre, M. Morisset s’est montré très ouvert.

« Il y a dans l’environnement québécois une volonté de faire de l’Autorité un guichet unique et nous avons déjà plusieurs ingrédients, a-t-il indiqué jeudi en conférence devant le Cercle finance du Québec. Si l’intention gouvernementale est d’intégrer les activités d’autres organisations, cela compléterait ce modèle intégré et on va certainement obtenir des synergies. On va laisser le gouvernement et les parlementaires faire leur travail, mais si l’on nous confie davantage de responsabilités, on espère mettre ça en œuvre rapidement. »

Selon lui, l’AMF a prouvé dans le passé qu’elle pouvait bien s’acquitter de tâches supplémentaires. « Si c’est le choix que veut faire le gouvernement, nous allons prendre à bras le corps ces nouvelles responsabilités, souligne M. Morisset. On a démontré dans les dernières années, avec [l’octroi d’autorisations pour] les contrats publics ou encore l’encadrement des entreprises de services monétaires, que nous étions capables de mettre tout en œuvre pour prendre ces mandats. »

FERMÉ AU RÉGULATEUR NATIONAL

Il se montre cependant beaucoup plus réticent devant l’idée du gouvernement fédéral de créer une commission nationale des valeurs mobilières. « C’est ironique, laisse tomber le PDG de l’AMF et président des Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM). Le gouvernement fédéral et certaines provinces se sont regroupés pour créer un régime coopératif qui va détruire le régime coopératif qui existe au Canada sous l’égide des ACVM. C’est difficile d’y comprendre quelque chose. »

Il ajoute que ce projet est mauvais pour le Québec et que les juges devront trancher cette question. Il a en effet été contesté sur le plan constitutionnel devant la Cour d’appel en novembre. La décision se fait toujours attendre.

D’ici là, l’AMF ne reste cependant pas les bras croisés.

« On continue de tout mettre en œuvre pour faire face à cette organisation-là si elle existe un jour, note-t-il. On veut continuer de démontrer la pertinence d’avoir un régulateur fort au Québec. […] Il faudra développer des interfaces fonctionnelles pour composer avec elle et continuer à user de l’influence qu’on a. On nous annonce le projet pour la fin de 2018. On verra. Mon travail, c’est de m’assurer que nos troupes soient prêtes. »

SUR LA TABLE

Louis Morisset a profité de l’occasion pour partager certaines grandes lignes du nouveau plan stratégique 2017-2020 qui sera rendu public dans les prochaines semaines. « Il s’appuie sur une analyse rigoureuse de l’environnement dans lequel nous intervenons, les tendances qui émergent et les nombreuses transformations de l’industrie portées notamment par les innovations technologiques », précise-t-il.

Le PDG de l’Autorité annonce que son organisation souhaite approfondir sa compréhension et ses actions dans le secteur des fintechs. Déjà, un comité de travail interne, puis un comité consultatif composé de gens de l’externe, ont été créés pour travailler sur des enjeux comme les robots-conseillers et la blockchain.

« La réglementation n’a pas été développée à une ère très technologique, constate-t-il. C’est important pour nous de bien comprendre ce qui se développe, de voir les impacts réglementaires et si la réglementation ne devrait pas évoluer pour faciliter ces innovations technologiques. »

La création d’un laboratoire fintech au sein de l’AMF a d’ailleurs été annoncée récemment pour approfondir les connaissances de l’organisation sur les applications technologiques. « Nous cherchons aussi à créer des partenariats avec des joueurs de cette industrie [dans cette optique] », ajoute M. Morisset.

LA TECHNO CONTRE LA FRAUDE

Parmi les autres initiatives que l’Autorité entend déployer, on retrouve notamment le développement de nouveaux instruments technologiques pour contrer plus efficacement les pratiques déloyales, abusives et frauduleuses.

Elle désire également simplifier et alléger, lorsque possible, le cadre réglementaire et normatif en place. L’AMF veut aussi bonifier son accompagnement auprès de l’industrie, entre autres en mettant à sa disposition des outils visant à mieux faire comprendre certaines de ses exigences réglementaires et attentes. « Nous voulons favoriser l’émergence d’une véritable conformité au sein des institutions », souligne M. Morisset.

De plus, comme les changements climatiques et l’investissement socialement responsable interpellent de plus en plus le secteur financier, l’Autorité entend porter un regard particulier sur l’information offerte aux investisseurs à cet égard.

Finalement, M. Morisset s’est réjoui du travail effectué par son organisation ces dernières années. « Quelque 60 % des poursuites pénales intentées par les régulateurs canadiens pour des infractions en valeurs mobilières le sont par l’AMF, cite-t-il en exemple. N’allez pas en déduire qu’il y a plus de fraudeurs et de manipulateurs de marché au Québec que dans les autres provinces. Je pense qu’il faut davantage en comprendre que l’AMF déploie des efforts importants pour maintenir le climat de confiance essentiel au bon fonctionnement des marchés. »

Nathalie Côté