Le conseil financier menacé par le projet de loi 141

Par Pierre-Luc Trudel | 16 janvier 2018 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Sergii Gnatiuk / 123RF

Le projet de loi 141, s’il est adopté dans sa forme actuelle, va « détruire le conseil financier professionnel pour la classe moyenne au Québec », s’indigne l’Association professionnelle des conseillers en services financiers (APCSF).

L’organisme, qui n’a pas été invité à la consultation particulière sur le projet de loi, a organisé une conférence de presse lundi pour présenter les grandes lignes de son mémoire déposé à l’Assemblée nationale. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que les critiques y sont nombreuses.

L’APCSF s’inquiète en particulier de la possibilité pour les consommateurs de faire l’acquisition de produits financiers sans représentant, notamment en ligne. Sans être totalement défavorable à un tel modèle de distribution, l’association considère que l’offre directe de produits financiers devrait comporter un avertissement clair exposant les risques associés à ce type de transactions et le fait que celles-ci ne s’adressent qu’aux consommateurs avisés. « Cet avertissement devrait être aussi explicite que les mentions sur les paquets de cigarettes par exemple », mentionne Bertrand Larocque, trésorier de l’APCSF.

DÉFENDRE LA DISCIPLINE PAR LES PAIRS

L’APCSF est aussi d’avis que l’intégration de la Chambre de la sécurité financière à l’Autorité des marchés financiers aura pour effet d’abolir la représentativité des conseillers, le code de déontologie de la profession et le syndic. « Le projet de loi 141 favorise dorénavant la vente de produits de masse, sans conseils, pour les grands manufacturiers de produits financiers », peut-on lire dans le mémoire.

« Le code de déontologie doit demeurer en place, tout comme la réglementation par les pairs. Deux représentants de l’industrie siègeront au nouveau tribunal, mais le juge n’aura aucune obligation de les écouter », s’inquiète Flavio Vani, président de l’APCSF, en ajoutant que « l’AMF est assujetti à du lobbyisme ».

Cela dit, l’APCSF demande depuis déjà un bon moment la dissolution de la Chambre et, pour la remplacer, la création d’un ordre professionnel des conseillers en services financiers. Certains membres présents à la conférence de presse ont d’ailleurs vivement signifié leur désaccord face à la position prise par leur association dans le mémoire, qui prône plutôt le maintien de la CSF a défaut de la mise sur pied d’un véritable ordre professionnel.

BAR OUVERT POUR LES INSTITUTIONS FINANCIÈRES

À qui profitera l’adoption du projet de loi 141? Pour l’APCSF, la réponse est évidente : aux grandes institutions financières. « Le projet de loi ouvre grande la porte aux fabricants pour vendre des produits dans le but principal d’accroître leurs bénéfices, alors qu’elle affaiblit le conseil professionnel et diminue l’encadrement », déplore Bertrand Larocque.

L’association s’inquiète par exemple que le projet de loi remette la gestion des plaintes entre les mains des institutions financières. « En cas d’insatisfaction, les consommateurs devront dorénavant défrayer les frais d’examen des plaintes transmises à l’AMF et aucune information ne pourra être divulguée sans l’autorisation du cabinet fautif », peut-on lire dans le mémoire.

Dans la même veine, le projet de loi 141 introduit la possibilité pour les institutions financières de déterminer elles-mêmes les titres professionnels de leurs employés pour la vente de leurs produits, indique l’APCSF. Cette pratique, déjà observée dans le domaine des valeurs mobilières, pourrait dorénavant se répandre dans le domaine des assurances, semant la confusion chez les épargnants.

Parmi les autres recommandations de l’APCSF, on note la participation des représentants autonomes au comité sur le fonds d’indemnisation des services financiers de l’AMF et le retour des disciplines de courtage en épargne collective et en plans de bourses d’études sous le joug de la Loi sur la distribution des produits et services financiers, plutôt que de la Loi sur les valeurs mobilières.

En attendant toujours une invitation à une éventuelle journée supplémentaire de consultation particulière, l’APCSF invite l’industrie à se mobiliser pour montrer son opposition au projet de loi 141. « Nous avons un à deux mois pour nous organiser et faire passer notre message, indique Flavio Vani. Si le projet de loi est adopté tel quel, nous en verrons les conséquences négatives d’ici cinq ans. »

Pierre-Luc Trudel