MRCC 2 : attention, danger!

Par Hélène Roulot-Ganzmann | 22 mai 2015 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Rancz Andrei / 123RF

Parmi les membres de l’Association professionnelle des conseillers en services financiers (APCSF) réunis en congrès hier au Club de golf Métropolitain d’Anjou, la peur semble bel et bien unanime concernant la mise en application dans les tous prochains mois de la deuxième phase du modèle de relation client conseiller (MRCC 2).

« Quand je vais chez le garagiste, je paie ma facture. Je ne lui demande pas combien lui coûte la pièce et combien il se met dans les poches, réagit un conseiller dans la salle. Pourquoi on me le demande à moi? Ce n’est pas juste! »

Fidèle à ce qu’il scande depuis de longs mois maintenant, le président de l’APCSF, Flavio Vani, crie lui aussi à l’injustice.

« Nous sommes pour la transparence mais nous rejetons celle qui nous est imposée par le MRCC 2 car nous la trouvons discutable et dommageable, a-t-il lancé lors de son discours d’ouverture. On nous impose de dévoiler les commissions, les commissions de suivi et les honoraires générés pour servir le client, sans explication claire et rationnelle. Nous serions ainsi, à titre de représentants autonomes, les seuls professionnels du secteur financier à devoir divulguer nos revenus. Cette approche est d’autant plus injuste que les institutions financières et autres intervenants ne seraient pas tenus à la divulgation, parce que leurs employés sont payés en salaire et en primes. »

Suspicion sur le conseiller

Un point de vue partagé par la plupart des conférenciers qui se sont succédé au micro hier matin.

Robyn Mendelson, vice-présidente conformité à Fidelity Investments, estime que les nouvelles normes pourront amener le conseiller à proposer des produits moins risqués, moins audacieux et moins complets.

« Ces normes visent à s’assurer que le conseiller agit dans le meilleur intérêt de ses clients, explique-t-elle. L’industrie défend qu’il faudra être plus clair sur ce que ça signifie exactement. Ça implique la confiance? La fiabilité? La connaissance du marché? La performance? Plus ce sera vague et moins le conseiller prendra de risques de peur de se faire poursuivre. »

Ils sont nombreux à penser en effet qu’avec cette nouvelle réglementation, c’est le client qui aura le plus gros bout du bâton.

« Oui, le premier mandat des conseillers est de mener leurs clients au succès, concède Harold Geller, avocat chez McBride, Bonde, Christian LLP. Mais c’est aussi un commerce que vous faites. Vous devez être payés. Vous devez fixer votre rémunération en tenant compte de tous les frais que vous coûte l’exercice de votre profession. Frais dont vos clients ne sont pas conscients. Pour le régulateur, il y a suspicion. Il croit que le conseiller n’agit pas en fonction du meilleur intérêt de son client mais qu’il lui propose plutôt le produit qui va lui rapporter une plus grosse commission », regrette-t-il.

Rejet unanime

Claude Di Stasio, vice-présidente affaires québécoises de l’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes (ACCAP), croit elle aussi qu’il y a véritablement danger.

« Les nouvelles normes imposent au conseiller de s’assurer que le client comprenne bien tout ce qu’il lui explique, souligne-t-elle. Qu’il se mette à son niveau, qu’il emploie les mêmes mots que lui. Or, le régulateur considère que le niveau de littéracie financière des clients est très bas. Le conseiller sera obligé également de faire du service après-vente, de retourner voir son client régulièrement pour savoir s’il est satisfait. Même s’il sait qu’il ne lui vendra rien d’autre. Sur papier, c’est très beau de vouloir éduquer les clients. Mais ce n’est tellement pas détaillé qu’il y a là encore matière à poursuites. »

Bref, au congrès de l’APCSF, le MRCC 2 aura réussi la belle performance de faire l’unanimité… contre lui.

Hélène Roulot-Ganzmann