Nouvelle offensive des opposants au PL 141

Par La rédaction | 12 février 2018 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
4 minutes de lecture
bowie15 / 123RF

La pilule du projet de loi 141 ne passe toujours pas dans le gosier de plusieurs intervenants du secteur des services financiers. Ces jours-ci, une pétition a été déposée sur le site de l’Assemblée nationale et une capsule vidéo circule, résumant les arguments des opposants.

La capsule vidéo est en fait un résumé d’interventions faites devant la Commission des finances publiques lors des consultations sur le projet de loi 141 les 7 décembre, 17 et 18 janvier dernier.

Trois enjeux y sont abordés, en commençant par la question, centrale pour quiconque s’intéresse au conseil et à la distribution des services financiers, de qui peut offrir du conseil. Jacques St-Amant, l’analyste de la Coalition des associations de consommateurs du Québec (CACQ), soutient que le projet de loi 141 affaiblit considérablement les obligations du représentant d’assurance « et ouvre la porte à ce que des personnes qui ne sont pas des représentants dûment certifiés puissent donner des conseils en assurance ».

De son côté, Annik Bélanger-Krams, analyste et avocate à Option consommateurs, soutient aussi que le projet de loi ne semble plus faire du conseil un acte réservé aux professionnels certifiés et permettrait que des vendeurs fassent du conseil. Or, ces derniers n’ont pas les mêmes obligations que les représentants certifiés. Le ministre Leitao ne rassure personne en disant « nous pensons que donner un conseil ne doit pas être une activité exclusive ».

FAR-WEST EN LIGNE

L’encadrement de la vente en ligne fait aussi grogner les opposants au projet de loi. Si l’industrie se réjouit que cette pratique soit désormais encadrée, plusieurs se demandent où se trouve au juste l’encadrement. Le projet de loi ne fait-il pas simplement autoriser la vente d’assurance en ligne, sans protéger le consommateur?

Jean-François Raymond, vice-président du conseil d’administration de la Chambre de l’assurance de dommages, s’inquiète des erreurs que pourrait faire un néophyte qui tente de rassembler lui-même l’information sur un contrat d’assurance, sans être rappelé et conseillé par un représentant certifié avant de faire l’achat. Cela enlève le fardeau des épaules du professionnel pour le mettre sur celles du consommateur, selon lui.

Annik Bélanger-Krams rappelle qu’il y a un risque réel que le consommateur se rende compte trop tard qu’il a opté pour un mauvais produit ou qu’il a fait une fausse déclaration et qu’il n’est pas couvert.

LE SORT DES CHAMBRES

Bien sûr, l’abolition des deux chambres occupe une bonne partie de la vidéo des opposants au projet de loi 141. Les consultations ont d’ailleurs montré un désaccord sur le fond même des changements proposés. Pour le ministre des Finances, les chambres ne sont pas abolies. Leur expertise est simplement transférée à l’Autorité des marchés financiers (AMF), laquelle exercera désormais le rôle qui leur était dévolu.

Évidemment, cet argument passe mal à partir du moment où il est écrit en toutes lettres dans le projet de loi qu’il modifie la Loi sur la distribution des produits et services financiers afin notamment « d’abolir la Chambre de la sécurité financière et la Chambre de l’assurance de dommages ».

Gino-Sébastien Savard, premier vice-président du conseil d’administration de la CSF, ironisait pendant les consultations en rappelant que l’on ne décidait pas d’abolir le Barreau pour tout envoyer la régulation des avocats au ministère de la Justice ou encore d’abolir le Collège des médecins pour transférer la régulation de ces derniers à la Régie de l’assurance-maladie pour que ce soit plus simple et qu’il y ait un guichet unique.

À ce sujet, le critique de l’opposition officielle en matière de Finances, Nicolas Marceau, demandait « y a-t-il des caractéristiques du secteur financier qui font en sorte que l’auto-réglementation est moins appropriée dans ce secteur que dans d’autres? » Une question qui est demeurée sans réponse.

Stéphane Rousseau, administrateur indépendant du conseil d’administration de la CSF, soutenait quant à lui que l’auto-réglementation a fait ses preuves et est largement reconnue autant dans la sphère universitaire que par les organismes internationaux.

À QUI PROFITE L’ABOLITION?

Plusieurs intervenants craignent que l’expertise développée par la CSF ne se perde dans l’AMF, dont Daniel Thouin, président du conseil d’administration du Mouvement d’éducation et de défense des citoyens, rappelait qu’elle compte déjà plus de 700 employés, sept directions générales et une quinzaine de directions particulières.

Gino-Sébastien Savard demande même : « Qui a intérêt à déréglementer ce secteur important de la santé financière des consommateurs? Qui l’a demandé? Qui a intérêt à ce que le consommateur soit livré à lui-même alors que le système actuel le protège? »

Annik Bélanger-Krams, d’Option consommateurs, lui fait écho en rappelant que parmi les mémoires déposés en 2015, la dizaine de mémoires qui prônaient l’abolition des Chambres provenaient tous de l’industrie.

La vidéo se termine par un appel à signer une pétition. Cette dernière demande que le projet de loi 141 soit scindé de manière à maintenir l’existence des chambres et de poursuivre les consultations. Les opposants seront-ils entendus?

La rédaction