Opinion – Étendre à tous le fractionnement du revenu?

Par Simon Davari, collaboration spéciale | 7 septembre 2017 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
3 minutes de lecture
pasiphae / 123RF

Si les Canadiennes et les Canadiens peuvent ne « faire qu’un » lorsqu’ils se marient ou qu’ils décident de vivre ensemble, pourquoi ne pourrait-il pas en aller de même sur le plan fiscal?

Je donne des cours en fiscalité depuis 10 ans. Au dernier semestre, un étudiant m’a interrogé au sujet du fractionnement du revenu et de l’utilisation de fiducies. Sa question était : « Pourquoi ceci est-il permis? Cela n’a aucun sens.» Ma réponse : « Je ne sais pas pour quelles raisons on l’a toujours tolérée. » En effet, cette pratique n’a jamais été empêchée par le ministère des Finances. Elle semble tout simplement s’être intégrée à notre système fiscal, ainsi qu’à diverses enseignes pour lesquelles des spécialistes offrent des fiducies à tous les clients qui croisent leur chemin.

C’est pourquoi, lorsque j’ai entendu parler de la refonte de la fiscalité du ministre Morneau et plus précisément de l’attribution de dividendes aux membres de la famille, je me suis dit qu’enfin, nous allions pouvoir corriger une situation qui pourrait paraître injuste aux yeux de certains Canadiens.

En fait, une question plus pertinente aurait été : « Le fractionnement du revenu entre des membres d’une même famille qui n’ont pas de lien avec l’entreprise est-il plus équitable? » Ma réponse aurait été non. Je n’ai d’ailleurs trouvé aucun article à présenter à mes étudiants pour justifier une telle mesure.

À bien y regarder, cependant…

Cela dit, je crois que les autorités fiscales ont mis en place, par le passé, des mesures à même d’avoir des incidences négatives plus sérieuses sur la motivation des entrepreneurs. À titre d’exemple, citons la réduction des crédits pour la recherche et le développement, ou encore l’exigence d’avoir au moins trois employés pour pouvoir obtenir une réduction de taux d’impôt au Québec.

Éliminer le fractionnement du revenu avec le conjoint d’un entrepreneur n’a un impact que lorsque l’entreprise commence à être rentable. Selon moi, la progression d’un entrepreneur ne devrait pas être freinée parce que ce dernier peut réduire sa facture fiscale quand son entreprise connaît enfin du succès. Il est toutefois malheureux que ces quelques avantages, qui constituaient une sorte de compensation pour le risque encouru, soient appelés à disparaître. N’est-il pas plutôt acceptable d’obtenir un peu de répit après avoir « trimé » pour lancer une entreprise?

Revenons à l’objectif du gouvernement. Improvise-t-on? Cherche-t-on à rendre la fiscalité plus juste et équitable? Dans ce deuxième cas, pourquoi ne pas permettre le fractionnement du revenu pour tous? Pourquoi tous les Canadiens n’ont-ils pas la possibilité de faire une déclaration conjointe, comme c’est le cas dans 12 pays membres de l’OCDE, dont les États-Unis?

Le fractionnement du revenu n’est pas particulièrement avantageux lorsque les deux conjoints travaillent et qu’ils ont chacun un salaire élevé. Il l’est, par contre, lorsque l’un des conjoints n’a que peu ou pas de revenu. Sous un tel régime, les salariés ou les travailleurs autonomes – mariés ou conjoints de fait – pourraient tirer profit d’un fractionnement du revenu afin de se concentrer, par exemple, sur leur famille, leurs études, leur santé ou leurs parents âgés.

Alors, si nous ne faisons « qu’un » après le mariage, pourquoi n’en est-il pas de même au moment de produire nos déclarations de revenus?

Simon Davari est comptable professionnel agréé du Québec. Il est associé de la firme comptable SdM depuis plus de 5 ans, en plus d’enseigner la fiscalité à l’École de Gestion John Molson de l’Université Concordia. Sa pratique professionnelle s’étend de la fiscalité aux domaines de l’audit, de la comptabilité et du conseil. Auparavant, il a notamment été directeur principal chez SNC-Lavalin et gestionnaire fiscal chez KPMG.

Simon Davari, collaboration spéciale