Quels changements pour le FISF?

Par Céline Gobert | 5 octobre 2017 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Processus d’appel des décisions révisé, délais étendus pour effectuer une réclamation et indemnisation des victimes sans égard à la discipline du conseiller inscrit, le projet de loi 141, déposé jeudi par Carlos Leitao, vient modifier en profondeur le Fonds d’indemnisation des services financiers.

Administré par l’AMF, le FISF est depuis longtemps l’objet de nombreuses critiques. Le projet de loi 141, Loi visant principalement à améliorer l’encadrement du secteur financier, vient apporter quelques changements à ce fonds principalement financé par les cotisations des conseillers.

En assouplissant les conditions d’admissibilité et en élargissant les possibilités pour les victimes de faire appel des décisions, il est clair que le nombre d’indemnisations va augmenter. Est-ce que cela signifie que le Fonds va coûter plus cher aux conseillers?

« Oui, c’est sûr, lâche Me Jean Martel, associé en droit financier chez Lavery, il y aura plus de cotisations à payer, mais le Fonds va enfin agir de manière à atteindre les objectifs de sa mise en place, non? »

En d’autres mots, les cotisations des conseillers iront enfin à la bonne place : le dédommagement aux victimes, ce qui n’était pas toujours le cas auparavant, sous-entend-t-il.

Rappelons que parmi les nombreux reproches essuyés par le FISF, dont le but est de payer des indemnités aux victimes de fraude, de manœuvres dolosives ou de détournement de fonds de la part de représentants inscrits, le faible nombre de victimes indemnisées chaque année provoque invariablement la controverse. La vérificatrice générale Guylaine Leclerc a d’ailleurs reproché au FISF de ne pas jouer pleinement son rôle au printemps dernier.

Au cours des quatre dernières années, moins de 10 % des demandes ont été acceptées, indiquait son rapport. Seulement trois victimes ont pu bénéficier d’un dédommagement en 2016-2017, pour un total de 405 000 $.

Les conditions d’admissibilité des victimes sont limitées, expliquait la vérificatrice générale : le consommateur n’était pas couvert par le Fonds pour des agissements de personnes non inscrites auprès de l’AMF ou pratiquant dans d’autres disciplines, tel le courtage en placement de valeurs mobilières.

C’est le premier point que viendrait modifier le projet de loi : le Fonds serait désormais affecté au paiement des indemnités aux victimes de fraude sans égard à la discipline ou à la catégorie de disciplines pour lesquelles il est autorisé à agir en vertu de son certificat ou de son inscription. Et donc non plus seulement dans les disciplines encadrées qu’étaient l’assurance de personnes ou l’assurance collective de personnes, l’assurance de dommages, l’expertise en règlement de sinistres, la planification financière et l’épargne collective ou plans de bourses d’études.

Cette condition est le motif de refus d’indemnisation le plus important (40 % des demandes rejetées de 2011-2012 à 2015-2016, soit 119 demandes).

TRAITEMENT ET APPEL DES DÉCISIONS

Autre point de discorde : le processus d’appel des victimes. Jusqu’ici, le directeur de l’indemnisation avait le dernier mot. Le seul recours possible pour un consommateur en désaccord avec la décision de l’Autorité était d’en demander la révision à la Cour supérieure du Québec.

Et encore, dans un cadre très limité. Comme l’indique Me Jean Martel, c’est sans compter l’article 34.1 de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers, qui stipulait que le recours pouvait être effectué seulement s’il y avait « excès de juridiction », c’est-à-dire défaut de compétence de la part de l’AMF.

Avec ce projet de loi, le consommateur pourrait avoir le droit d’en appeler, dans les 30 jours suivant la décision de l’Autorité, à une révision par le Tribunal administratif des marchés financiers. Le Tribunal pourrait confirmer ou infirmer la décision initiale et, dans ce dernier cas, prendre la décision qui aurait dû être rendue. Notons en outre que la décision du Tribunal ne pourrait pas être portée en appel.

« Pour le public, c’est une amélioration. Les victimes vont avoir accès à un forum indépendant qui va examiner leur position de façon plus approfondie et propice à plus de contre-argumentaires », ajoute Me Martel.

Enfin, la vérificatrice générale déplorait les délais concernant les demandes d’indemnisation, la réclamation devant être produite dans l’année où la victime constate avoir perdu des fonds.

Le projet de loi viendrait modifier ce point, indiquant : « La présentation d’une réclamation à l’Autorité en vue d’obtenir l’indemnité […] suspend la prescription qui court contre le réclamant […]. Cette suspension dure tant qu’une décision irrévocable n’a pas été rendue à l’égard de la réclamation; la suspension ne peut toutefois excéder deux ans ».

Enfin, le projet de loi n’aborde pas la question de l’administration du Fonds qui relève toujours de l’AMF. « Notre position sur le FISF reste la même : no taxation without représentation, a indiqué en entrevue Flavio Vani, président de l’APCSF. Nous ne voulons pas payer pour un fonds où nous ne sommes pas représentés ».

Céline Gobert