Les fintech bénéficieront aux gestionnaires d’actif

Par La rédaction | 20 juin 2017 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Les récents progrès en matière de technologies financières ont entraîné « un bouleversement numérique » qui pourrait « transformer la chaîne de valeur de la gestion d’actifs, de la collecte de fonds à l’investissement en passant par les activités opérationnelles », selon Unigestion.

Dans une analyse intitulée Transcender les bouleversements de la numérisation publiée le mois dernier, sa dirigeante Fiona Frick estime cependant que « même si cette révolution numérique offre de nombreuses opportunités pour les gestionnaires, elle comporte aussi des risques ». En effet, souligne la directrice générale de la firme basée à Genève, si les actifs financiers sont gérés par des machines « qui convertissent les signaux de la même manière et recommandent les mêmes investissements passifs », il pourrait devenir difficile d’éviter « les risques d’engorgement et de cohue sur les marchés ».

De plus, malgré le fait que les fintech devraient être considérées « comme un outil augmentant les capacités des gestionnaires et les bénéfices pour les clients », elles « ne peuvent être déterministes » et l’industrie aura donc « toujours besoin d’hommes et de femmes pour fixer les objectifs et prendre les décisions majeures ».

INTELLIGENCE ARTIFICIELLE ET GESTION

Pour « transcender ce bouleversement » déjà en cours, Fiona Frick suggère donc certaines avenues qui pourraient, selon elle, contribuer à transformer la gestion d’actifs. D’emblée, elle affirme cependant ne pas croire que le rythme des transformations technologiques, même s’il s’accélère depuis quelques années, remettra en cause la prépondérance du rôle des gestionnaires de portefeuille, car cela risquerait de poser certains problèmes. « L’intelligence artificielle [IA] a un rôle essentiel à jouer pour améliorer l’efficacité des processus et la qualité de la prise de décision, mais les investisseurs doivent savoir quels en sont les dangers », insiste la dirigeante.

L’une des limites de l’IA, aujourd’hui, est son manque de transparence, note-t-elle. En effet, s’il est possible de programmer un ordinateur pour déterminer les tendances des marchés et prédire au mieux les fluctuations à venir, « le problème est que le processus d’investissement fonctionne comme une “boîte noire”, offrant une clarté totale sur la décision finale mais très peu sur le raisonnement qui motive cette décision ».

Par ailleurs, « la complexité des marchés financiers, qui se caractérisent par l’interdépendance des décisions et la part importante des émotions des acteurs dans les fluctuations », représente une autre source potentielle de difficultés par rapport à l’IA. La raison? « Contrairement à la physique, à la biologie ou à la médecine, l’analyse des marchés financiers n’est pas une science exacte dans la mesure où elle est influencée par les comportements humains », rappelle la directrice générale d’Unigestion, qui pointe que la machine « peine à faire face à l’ambiguïté ou à l’évolution des formes, liées aux facteurs comportementaux ».

ROBOTS CONSEILLERS ET EXPÉRIENCE CLIENT

Examinant le cas des « robots conseillers », qui fournissent des services d’investissement automatisés, Fiona Frick estime qu’ils proposent réellement « une nouvelle approche du conseil financier » en ce qu’ils permettent aux clients de recevoir « un ensemble de suggestions de placement » et d’être « guidé vers une stratégie d’investissement sans avoir jamais discuté avec un conseiller ». Selon elle, l’innovation qu’ils représentent réside « dans l’aspect pratique et la simplicité pour l’utilisateur » et dans le fait que « les fournisseurs parviennent à conserver la complexité de leur processus d’investissement en interne pour offrir des solutions simples, axées sur le résultat ».

Plus encore, les robots conseillers « contribuent à rendre les conditions plus équitables pour certains services d’investissement qui n’étaient auparavant disponibles qu’à un public restreint d’investisseurs institutionnels ou de particuliers fortunés », estime la dirigeante. « Ces applications permettent à des investisseurs dont le capital se chiffre en milliers de dollars, plutôt qu’en millions, d’accéder à des services de répartition d’actifs et de construction du portefeuille », ajoute-t-elle.

Sa recommandation est que « la combinaison optimale consiste à associer les capacités de l’humain et celles de la machine ». « Même les pionniers qui promettaient de s’appuyer uniquement sur des ordinateurs pour gérer des actifs proposent désormais à leurs clients des conseiller financiers humains. Disposer d’un investisseur expérimenté capable de donner sens aux données produites par les algorithmes, et de s’assurer que le portefeuille proposé répond à la situation actuelle des marchés, permet un meilleur résultat final pour le client », affirme la dirigeante. Et cela est d’autant plus vrai lorsque le gestionnaire est capable de soutenir ce dernier « dans les périodes de volatilité des marchés en l’aidant à garder la tête froide face à des comportements potentiellement irrationnels ».

LE BIG DATA, NOUVEL ELDORADO DES INVESTISSEURS

Fiona Frick juge également que le Big data constitue « une solution prometteuse qui pourrait transformer la recherche d’investissement en nouvelle source de rendement pour les clients ». « Si l’on considère que l’alpha est généré par une exploitation maîtrisée de l’information, alors le volume colossal d’informations disponible désormais représente à la fois un défi et une opportunité pour les gestionnaires », relève-t-elle.

D’après Unigestion, environ 90 % des données disponibles ont été créées au cours des trois dernières années et proviennent d’une multitude de sources, comme les capteurs météorologiques, les réseaux sociaux, les images satellite, les transactions en ligne ou les signaux de GPS. Avec l’Internet des objets, qui concernera plus de 20 milliards d’appareils en 2020, comparativement à 8,4 milliards aujourd’hui, « la quantité de données devrait croître selon une courbe exponentielle ».

« Ce phénomène permettra le développement d’indicateurs beaucoup plus avancés. Les images satellite, par exemple, permettent une meilleure compréhension du marché immobilier dans une région, tandis que les actualités publiées sur des réseaux sociaux offrent un aperçu de l’appétit pour le risque des investisseurs, et peuvent être des indicateurs prédictifs de tensions des marchés », détaille la dirigeante, qui note toutefois qu’« une expertise est nécessaire pour faire le tri dans ces données » et « filtrer le brouhaha et les fausses nouvelles ».

BLOCKCHAIN, OU LA PROMESSE DE PLUS D’EFFICACITÉ

Citant une récente étude de le firme McKinsey, Fiona Frick relève que « malgré le rôle central accordé par le monde de la finance à une expertise de professionnels très compétents, près de 50 % du temps des employés du secteur est consacré à collecter et traiter des données ». Or, cette « pesanteur » et ce « talent gâché par des tâches qui pourraient être automatisées » augmentent les coûts et les délais nécessaires avant la livraison de l’information à l’investisseur final, insiste-t-elle.

Ce phénomène est d’autant plus vrai que l’industrie demeure « marquée par une structure d’intermédiaires et de silos, dans laquelle différentes entités sont responsables des différentes sections de la chaîne de valeur de la gestion d’actifs et des services associés ». Résultat : « la communication et l’échange de données entre gestionnaires d’actifs, courtiers, dépositaires, administrateurs et autorités de supervision restent bien loin d’un niveau optimal, et les tâches sont effectuées strictement à la suite les unes des autres, sans qu’un traitement en parallèle soit possible ».

Dans ce contexte, la patronne d’Unigestion croit que le « blockchain a le potentiel pour transformer le secteur des services financiers, en augmentant la transparence, l’efficacité et la sécurité de tous les processus reliant les différents acteurs de l’écosystème ».

REPENSER LES RELATIONS GESTIONNAIRE-MACHINE

S’il faut choisir « entre remplacer le processus de décision humain par une intelligence artificielle et augmenter l’intelligence humaine grâce à la puissance des ordinateurs », mieux vaut choisir la seconde proposition, juge Fiona Frick. Mais celle-ci précise que « les modalités de notre collaboration avec les machines changeront » et que ces dernières « ne remplaceront pas les employés mais introduiront une dissociation entre les tâches qui peuvent être effectuées par un algorithme et celles que seul un humain peut effectuer ».

En conséquence, poursuit la dirigeante, « les machines devraient être utilisées pour libérer les employés des tâches à faible valeur, afin qu’ils se concentrent sur les missions qui nécessitent créativité et conscience ». « Les ordinateurs excellent dans les activités clairement définies ou dans celles qui consistent à répondre à des questions formulées de manière adéquate qui ont des objectifs spécifiques. Les êtres humains en revanche restent indispensables pour formuler les bonnes questions, définir un objectif ou interpréter des résultats », résume-t-elle.

Sa conclusion? « La technologie changera les méthodes de travail, mais ne changera pas l’essence de la finance, qui est de dégager des rendements de placement fiables pour les clients. La finance est un secteur d’activité évolutif, qui a su s’adapter aux changements. La technologie dans ce domaine ne peut pas être déterministe, car c’est l’être humain qui lui donne son sens. »

La rédaction